Le 11 octobre 1978, Leo Tindemans présentait sa démission
Il y a 38 ans, l’echec du Pacte d’Egmont n’aura pas uniquement provoqué la démission du Premier ministre de l’époque, Leo Tindemans. Les conséquences furent bien plus vastes : la séparation du PS en deux, la radicalisation du Mouvement flamand, avec l’émergence du Vlaams Blok, ainsi que le début d’une « guerre froide » entre Tindemans et Martens, au sein du CVP.
Comme pour mieux les souligner, il abat son index à chacun des mots qu’il prononce. En néerlandais, il martèle : » Pour moi, la Constitution n’est pas un chiffon de papier. » Tout en parlant, il dévisage les membres de l’assemblée d’un regard pur et dur. Parfaitement élégant dans son costume gris clair, Leo Tindemans n’a peur de rien. Il sait qu’il est l’homme politique le plus populaire du pays. Il sait qu’il peut se permettre de provoquer un séisme. La péroraison est proche : » Pour moi, il n’y a qu’une conclusion : je m’en vais de cette tribune. Je vais chez le roi et je présente la démission du gouvernement. » La dernière parole n’est pas encore prononcée que le Premier ministre a déjà disparu de la Chambre.
Au commencement de l’affaire, il y a le pacte d’Egmont. A la suite des élections d’avril 1977, les hommes forts des partis sociaux-chrétiens, socialiste, de la Volksunie et du FDF se retrouvent dans ce palais bruxellois pour préparer une deuxième réforme de l’Etat. Les discussions sont essentiellement menées par les dirigeants de parti. Une image naît d’ailleurs à Egmont : celle de la » junte des présidents « . » Une complicité était rapidement née entre nous, nous avions l’impression d’être les créateurs d’une nouvelle Belgique « , confiera Wilfried Martens. Du côté du CVP, c’est lui qui est le principal artisan de l’accord.
Pacta sunt servanda : » les pactes doivent être respectés « , dit le droit. La réalité politique est parfois autre. Il faut dire qu’Egmont ne fait pas consensus, surtout en Flandre. Un » Anti-Egmontkomitee » voit même le jour, qui multiplie lettres de protestation et gestes de mauvaise humeur. Les militants s’opposent à la création d’une Région bruxelloise autonome. Surtout, ils rejettent le » droit d’inscription « , ce mécanisme juridique permettant à des francophones de la périphérie de se domicilier fictivement dans une commune de la Région bruxelloise – et de bénéficier des droits y afférents. Ce n’est pas tout : début août 1978, le Conseil d’Etat tire à boulets rouges sur le pacte qui serait anticonstitutionnel. Avant de l’appliquer, il faudrait réviser la Constitution.
Leo Tindemans commence à hésiter. Il n’a jamais tellement aimé l’accord. Mais quand il commence à évoquer la possibilité de ne pas l’appliquer, il se fait durement critiquer. Dans le camp francophone, on tient particulièrement à ce que le pacte soit exécuté. Le gouvernement se divise. Le 11 octobre, en séance plénière de la Chambre, les principaux leaders francophones de la majorité interpellent Tindemans. Le Premier ministre CVP se fâche. Puis lâche Egmont. Et présente sa démission.
Les conséquences seront nombreuses. Dans la foulée de l’échec, le parti socialiste (jusqu’alors encore unitaire) se divise en deux. Le Mouvement flamand, quant à lui, connaît une radicalisation qui débouche sur la création du Vlaams Blok. Enfin, une guerre froide vient de s’ouvrir au CVP. Tindemans a cassé l’oeuvre de Martens ; celui-ci ne le lui pardonnera jamais.
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