Carte blanche
L’avortement hors du Code pénal : des paroles aux actes !
C’est un anniversaire un peu particulier que le Code pénal belge célèbre aujourd’hui. En effet, le 3 avril 1990, après avoir frôlé de peu la crise politique, l’IVG était enfin partiellement dépénalisée en Belgique. Vingt-sept ans plus tard, il nous apparait primordial de nous pencher à nouveau sur cette loi qui n’a pas été modifiée depuis, mais qui a permis à des milliers de femmes d’avorter sans mettre leur vie en danger.
En Belgique, l’IVG est toujours considérée comme un délit repris dans le Code pénal parmi « les crimes et délits contre l’ordre des familles et contre la moralité publique », au même titre que le viol et la bigamie, par exemple.
Le contexte international et national actuel nous pousse en outre à renforcer notre vigilance démocratique.
Au niveau international, les attaques au droit à l’IVG sont de plus en plus nombreuses et virulentes. Aux États-Unis notamment, le président Trump, entouré uniquement d’hommes dans le bureau ovale, a décidé, par voie de décret, que les États-Unis ne financeraient plus les ONG internationales qui soutiennent le droit à l’avortement. Les Pays-Bas auront été les premiers à réagir en annonçant la création d’un fonds international pour compenser le contrecoup financier. Une initiative rapidement relayée par le ministre belge Alexander De Croo.
Plus près de chez nous, en Europe, plusieurs pays interdisent encore l’IVG et ne sont pas prêts d’infléchir leur législation. Au contraire, certains pays, comme l’Espagne, la Hongrie, et la Pologne, ont déjà tenté de faire un bond en arrière et de durcir leur législation.
Mais chez nous également, l’avortement est menacé. Le 1er mars dernier, la NV-A et le CD&V ont déposé plusieurs amendements qui permettraient de délivrer automatiquement un acte de naissance pour un enfant mort-né, à partir de 140 jours, contre 180 actuellement. Cet acte prévoit également la possibilité pour les parents de demander un tel certificat avant cette limite de 140 jours sans délai minimal. Cette proposition rejoint en réalité un des points évoqué dans l’accord du gouvernement et développé plus en détail dans l’exposé d’orientation politique présenté par Koen Geens en début de législature. Le ministre de la Justice prévoyait alors qu’une nouvelle législation sera élaborée sur la question du nom et de l’enregistrement des enfants mort-nés, législation qui reste bloquée, faute de consensus sur ses modalités au sein de la majorité.
Faut-il encore rappeler les évènements relayés par la presse il y a seulement deux semaines ? Des cours dispensés à l’université ont défini l’avortement comme « un meurtre d’une personne innocente » et d’acte « plus grave que le viol ». De telles prises de position sont profondément inquiétantes à l’heure actuelle.
Nous ne remettons pas ici en question le droit des parents de faire leur deuil. Néanmoins, bien que cette intention paraisse louable, elle incite à la vigilance, car elle ouvre une boîte de Pandore avec, à terme, l’octroi de la personnalité juridique à des foetus non viables et ce, dans le délai légal pour avorter.
Quelles sont nos revendications ?
De grandes institutions internationales comme l’ONU, l’OMS ou le Conseil de l’Europe ont reconnu aujourd’hui la possibilité de recourir à une IVG comme un droit de la femme à disposer de son corps, mais aussi comme une question de santé publique.
Les exemples du Luxembourg et de la France sont sans doute à suivre. Ils ont tous deux transféré les dispositions relatives à la loi sur l’avortement du Code pénal dans une loi de santé publique.
De plus, les conditions cumulatives imposées dans la loi de 1990, fruit d’un compromis imparfait, nous paraissent aujourd’hui dépassées. Certaines l’étaient sans doute déjà au moment même de la sanction de la loi. En effet, dès 1989 le Conseil d’État considérait l’état de détresse comme une notion non objectivable. De plus, nous avons également du mal à comprendre la raison du devoir d’information sur l’adoption pour les femmes qui désirent avorter, si ce n’est induire un sentiment de culpabilité. L’information quant au risque encouru lors d’une IVG, bien qu’il se comprenne dans une perspective médicale, est également à relativiser quand on connaît les risques encourus par une femme qui accouche. Il faudrait ajouter à la clause de conscience, une obligation de référer à un autre médecin qui acceptera de pratiquer une IVG, à l’instar de ce qui existe dans la loi relative à l’euthanasie.
Loin de nous la volonté de nous substituer aux professionnels de la santé quant au délai de réflexion obligatoire ni au délai maximal pour l’IVG. Néanmoins, certaines voix politiques se sont déjà prononcées en faveur d’une réduction du délai de réflexion à 72 heures. D’autant plus que, chaque année, plus de 500 femmes belges doivent se rendre aux Pays-Bas afin de pratiquer une IVG, le délai maximal des 14 semaines d’aménorrhée étant dépassé. Situation pour le moins ubuesque.
Aujourd’hui, c’est la majeure partie de la jeunesse politique belge qui s’unit pour une sortie de l’IVG du Code pénal. D’abord afin de sécuriser ce droit et d’éviter qu’il puisse être menacé à l’avenir. Ensuite, pour lever l’ambivalence qui règne actuellement dans la législation, condamnant l’avortement dans tous les cas sauf exceptions, et cela sans manquer de culpabiliser les femmes qui y ont recours.
Aujourd’hui plus que jamais, nous nous mobilisons pour que ce combat de la génération précédente reste un acquis pour toutes les générations futures.
Une Carte Blanche cosignée par Jeunes MR – Jong VLD – Jeunes Socialistes – Jong Socialisten – Comac (mouvement étudiant du PTB – studentenbeweging van de PVDA) – écolo j – Jong Groen – Défi Jeunes
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