Procès des attentats à Bruxelles: les victimes espèrent que les accusés pourront s’exprimer
« L’attente des victimes de ce procès, c’est bien évidemment de comprendre comment on en est arrivé là (…), que les accusés vont prendre la parole et expliquer ce qu’il s’est passé », a commenté Me Aline Fery, représentant des victimes au procès des attentats de Bruxelles au travers de Life4Brussels.
L’audience préliminaire du procès des attentats du 22 mars 2016 s’est ouverte peu avant 9h30 lundi devant la cour d’assises de Bruxelles.
Cette première audience, appelée audience préliminaire, a pour but de déterminer, avec l’ensemble des parties, la liste des témoins à entendre. C’est aussi lors de cette audience que d’éventuels problèmes de procédure touchant à la recevabilité des poursuites sont soulevés, via le dépôt de conclusions, auxquelles la présidente répond ensuite. Un premier problème du genre semble déjà se poser dans ce procès: celui de la configuration du box des accusés.
Le procès des attentats se déroulera au Justitia, un bâtiment de justice spécialement aménagé pour la cause dans des bâtiments de l’État auparavant occupés par l’Otan, à Haren. C’est sur cet immense site qu’une grande salle d’audience a été installée, avec des boxes vitrés individuels et fermés pour les accusés. Ces espaces exigus ne sont munis que d’un dispositif d’aération et d’une fente qui doit permettre le passage de documents.
Pour les avocats des accusés, ce type de boxes entrave les droits de la défense parce qu’il empêche un contact spontané avec leurs clients, et parce qu’il viole la présomption d’innocence, car l’image d’individus enfermés induit le sentiment qu’ils sont d’office coupables. Les conseils des accusés déposeront dès lors probablement des conclusions pour demander des boxes ouverts. Les services de police estiment, eux, que ces boxes sont nécessaires pour assurer une sécurité optimale. C’est la présidente de la cour d’assises qui tranchera la question. Elle pourrait demander que ces boxes soient réaménagés différemment pour le 13 octobre, date du début du procès.
« Les restaurer dans cette qualité de victimes »
Pour Me Fery, le but de l’association Life4Brussels au travers du procès est aussi de pouvoir « les restaurer dans cette qualité de victimes ». « Elles ont été victimes des attentats, puis ont été victimes de ce qu’elles ont vécu véritablement comme un abandon de l’Etat », a-t-elle poursuivi, rappelant que des centaines de demandes d’indemnisation restaient en attente six ans après les attaques qui ont frappé l’aéroport national et la station de métro Maelbeek.
La volonté aujourd’hui, c’est surtout « que les débats se déroulent de manière sereine », conclut Me Fery. Sa collègue du collectif d’avocats Life4Brussels, Me Maryse Alié, abonde. « Il y a à peu près autant d’attentes que de victimes, nous espérons que les accusés puissent s’exprimer. »
Choix des témoins et planning des audiences
Mais lundi, la cour écoutera surtout les demandes des différentes parties quant aux témoins à entendre, et à quelles dates, de manière à élaborer un planning des audiences. Toutes les victimes qui le souhaitent seront bien entendu auditionnées par la cour. Les juges d’instruction et les enquêteurs, ainsi que tous les experts (légistes, balistiques, génétiques…) intervenus pendant l’enquête seront aussi immédiatement repris dans cette liste de témoins. Mais la cour peut également choisir, dans un tel procès, d’entendre aussi des experts en géopolitique par exemple, pour donner quelques repères au sujet du conflit en Syrie, du groupe État Islamique, du califat et du djihad. Enfin, les avocats de la défense peuvent proposer que des témoins de moralité de leurs clients soient entendus, à la fin de l’instruction d’audience du procès, pour parler de la personnalité des accusés.
À l’audience préliminaire, la présidente de la cour d’assises siégera seule, sans ses deux assesseurs, et sans les jurés qui ne seront sélectionnés que le 10 octobre.
22 mars 2016 : 10 accusés, 9 présents
Tous les accusés au procès des attentats de Bruxelles du 22 mars 2016 – à l’exception d’Oussama Atar, présumé mort – étaient présents lundi matin lors de l’audience préliminaire, a annoncé en début d’audience la présidente de la cour d’assises Laurence Massart. Cela concerne notamment Salah Abdeslam et Mohamed Abrini, dont les avocats avaient pourtant annoncé qu’ils seraient uniquement représentés.
Plusieurs avocats ont dès lors fait part de leur étonnement auprès de la présidente d’avoir vu leur client extrait de la prison où il se trouvait. Ca a notamment été le cas de Me Delphine Paci, l’avocate de Salah Abdeslam, qui a interpellé Laurence Massart: « Mon client a émis le souhait d’être représenté par cette audience comme le permet la loi. Mais il a tout de même été extrait », s’est-elle étonnée.
« L’ordonnance de prise de corps peut tout de même être exécutée », lui a répondu la présidente. Les avocats de Mohamed Abrini, dit « l’homme au chapeau », de Sofien Ayari et d’Osama Krayem ont également fait part de leur surprise devant la cour d’assises.
Plusieurs avocats ont prévenu la présidente qu’ils allaient consulter leur client pour vérifier si ceux-ci souhaitaient rester en cellule pour le reste de cette audience préliminaire. Mohamed Abrini, Osama Krayem, Sofien Ayari, Smaïl Farisi et Ali El Haddad Asufi ont finalement décidé de retourner « en cellulaire », la plupart dénonçant les conditions dans lesquelles ils comparaissent, derrière des boxes vitrés.
Dans un premier temps, Salah Abdeslam avait fait un choix opposé, disant à la présidente « je souhaite assister à l’audience » avant de se rétracter. « J’ai décidé de refuser de comparaître par solidarité avec les co-accusés », a-t-il expliqué quelques minutes plus tard, en dénonçant la présence des boxes vitrés. « C’est inéquitable alors qu’on nous a promis un procès équitable. » Bilal El Makhoukhi, Hervé Bayingana Muhirwa et Ibrahim Farisi ont, eux, opté pour assister à l’audience.
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