L’affaire Schild & Vrienden reportée sine die
Le tribunal correctionnel de Gand a reporté mardi l’affaire Schild & Vrienden sine die, alors que la défense de Dries Van Langenhove, fondateur du groupe du même nom, conteste la composition du tribunal.
L’ex-député d’extrême droite et six autres prévenus doivent, entre autres, répondre de violations de la loi contre le racisme et de la législation sur le négationnisme. La défense de M. Van Langenhove, assurée par l’avocat Hans Rieder, met cependant en doute l’impartialité du président du tribunal et demande sa récusation.
Selon Me Rieder, le président Jan Van den Berghe se serait volontairement abstenu de siéger à la chambre du conseil afin de pouvoir statuer sur le fond de l’affaire devant le tribunal correctionnel. Mardi matin, Jan Van den Berghe a évoqué « un incident d’audience » et reporté le dossier sine die. « Cet incident concerne la répartition de l’affaire entre les chambres d’une même juridiction », a expliqué la magistrate de presse Laurence De Rudder.
« Le règlement spécifique au tribunal détermine le nombre de chambres et leurs compétences. En cas de problème concernant cette répartition, l’article 88 du code judiciaire prévoit que l’affaire soit soumise au président du tribunal. Celui-ci décide ensuite si le dossier doit être réattribué. » Endéans les huit jours, le président peut choisir de directement confier l’affaire à une autre division, section, chambre ou à un autre juge du tribunal, a poursuivi la magistrate.
Aucune disposition légale ne permet de contester cette décision, hormis la possibilité pour le procureur général (soit la personne à la tête du ministère public) auprès de la cour d’appel de saisir la Cour de cassation.
Les sept prévenus étaient présents mardi matin, comme demandé par le président du tribunal dans l’optique de les interroger. Toutefois, la procédure lancée par la défense de Dries Van Langenhove n’a pas permis d’appeler les prévenus à la barre.
Pour appuyer sa requête, Me Rieder a renvoyé à d’autres procès auxquels il a pris part et dont Jan Van den Berghe était également juge. L’avocat avait ainsi tenté d’écarter le magistrat en 2021 dans une affaire impliquant le chirurgien esthétique Jeff Hoeyberghs, mais la requête en récusation avait été rejetée par la cour d’appel et la Cour de cassation. Un autre conflit les a opposés en 2008 dans l’affaire de la dioxine. Me Rieder était alors parvenu à obtenir un report car il devait aussi plaider dans le procès Lernout & Hauspie, que la cour d’appel avait estimé prioritaire.
De son côté, la partie civile ne partage pas l’avis de la défense. « Le juge semble lui poser problème car il aurait lui-même choisi de se saisir de cette affaire. Cependant, la chambre du tribunal qui traite le dossier a bien la compétence de juger les affaires pénales spéciales, dont les violations de la loi antiracisme et de celle réprimant le négationnisme font partie », a balayé Me Toon Deschepper, qui représente l’ex-magistrat Henri Heimans constitué partie civile. Ce report « en devient décourageant », a-t-il soupiré, impuissant.
« Cinq ans après la diffusion du reportage » de la VRT, le 5 septembre 2018, divulguant des conversations racistes, sexistes et antisémites de Schild & Vrienden « et de nombreuses étapes juridiques, l’affaire n’a toujours pas pu être traitée« , a déploré le pénaliste. « Le report décidé par le président du tribunal me semble néanmoins logique » face à la requête de la défense, a-t-il conclu.
Des activistes alertent sur les cibles de l’extrême droite
Un petit groupe de manifestants s’est rassemblé mardi matin devant le palais de justice de Gand pour mettre en lumière les manœuvres d’intimidation et les « cibles » des sympathisants d’extrême droite.
À proximité du palais de justice, dans un parc adjacent, des organisations ont installé une série de photos illustrant les pressions et intimidations des sympathisants d’extrême droite. L’initiative est portée par des organisations de la société civile telles que Een Andere Joodse Stem (pendant flamand de l’Union des progressistes juifs de Belgique), la Coalition 8 mai (en référence à la victoire sur le nazisme en 1945) et Het Groot Verzet, une campagne du mouvement citoyen « Hart boven Hard ». Jeudi, neuf ONG ont par ailleurs lancé une pétition en soutien aux « cibles de Schild & Vrienden ».
Elles soulignaient à cette occasion que « les campagnes de diffamation racistes et sexistes s’inscrivent dans un climat politique où règnent violence et intimidation, et au sein duquel les femmes, les personnes issues de la migration et les personnes LGBTQ+ sont particulièrement ciblées ».