Gérald Papy
L’abdication normale d’Albert II
Le Roi abdique, invoquant son âge et sa santé. Mais l’institution demeure, même si elle doit évoluer. C’est un message empreint de sérénité qu’a voulu transmettre le chef de l’Etat. Mais les derniers déboires de la famille royale auront sans doute pesé dans sa décision.
L’âge et la santé. Les deux motivations avancées par Albert II pour justifier son abdication le 21 juillet renvoient finalement à des aléas ordinaires de la vie. Et c’est sans doute le sentiment d’une abdication normale que le Roi a voulu transmettre lors de son allocution exceptionnelle, mercredi. Certes, le grand âge (qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait jamais atteint) et l’état de santé ne permettaient plus, selon lui, à Albert II d’ « assumer pleinement son rôle ». Mais l’institution demeure. Et Philippe est là pour la perpétuer. Ce n’est pas anodin, Albert II s’est exprimé sur fond d’un portrait de Léopold Ier, premier roi des Belges.
Albert II s’est inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs. Mais il a aussi balisé l’avenir. La succession ne doit pas susciter de craintes. Philippe est « bien préparé » à la fonction et il a prouvé, ces dernières années, « ses engagements envers le pays ». Cette continuité assurée n’exonère pas l’institution royale de devoir évoluer. Albert II a ainsi ouvert la voie à une réforme de la monarchie. Tel fut le seul véritable accent politique d’un discours à l’émotion dominée.
Sur un plan plus personnel, Albert II s’est beaucoup attaché à mettre en exergue le lien noué pendant tout son règne avec la population. La Belgique « peut compter sur un atout extraordinaire : vous ! », a souligné le souverain. « Vous nous avez été très chers », a-t-il enchéri.
Si Albert II a mis en scène une abdication qui ne justifie pas de bouleversements institutionnels ou politiques, le moment n’en est pas moins exceptionnel dans l’Histoire de la Belgique. II aura opté pour la « méthode hollandaise » de retrait du pouvoir. La reine Beatrix avait annoncé le 28 janvier dernier qu’elle renoncerait au trône au profit de Willem-Alexander le jour de la fête nationale, le 30 avril. Même scénario donc mais dans un timing plus serré (3 juillet – 21 juillet) qui pourrait suggérer une moindre préparation dans le passage de flambeau. Les déboires à répétition de la famille royale auront sans doute pesé aussi sur la décision du Souverain : Fabiola et son souci de protéger ses « pesetas » ; Astrid et ses lacunes en néerlandais affichées au grand jour ; Laurent et ses frasques réelles ou supposées ; enfin, Delphine et sa quête de reconnaissance… Ce dernier épisode aura sans doute fini par écorner l’image personnelle de celui qui avait réussi à survivre à cette annus horribilis. L’Albert II « politique » a conservé l’aura du médiateur efficace de l’interminable crise politique de 2011. Un rôle salué par tous, hors les nationalistes et les extrémistes de droite. Mais l’homme Albert II a été personnellement fragilisé par ce talon d’Achille du déni de reconnaissance de sa fille naturelle.
Avec l’avènement de Philippe, s’ouvre une autre page de l’histoire de la monarchie. Le futur Roi se présente aux Belges avec une inexpérience politique qui ne manquera pas de susciter des craintes, malgré toutes les marques de confiance qu’Albert II a tenté de distiller mardi soir.
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