« L’abattement fiscal à Bruxelles profite à tous »
L’abattement des droits d’enregistrement a participé au dynamisme du marché immobilier de la capitale ces deux dernières années. Et il n’est pas l’apanage des jeunes !
Stijn Joye et Benoit Ricker, notaires ixellois, commentent l’impact du » cadeau » fiscal de 21 875 euros – soit les 12,5 % de droits d’enregistrement dus sur une première tranche de 175 000 euros du prix de vente – fait aux propriétaires uniques depuis le 1er janvier 2017.
Peut-on expliquer la très forte préséance des ventes d’appartements sur celles de maisons à Bruxelles par l’abattement des droits d’enregistrement ?
Stijn Joye : Avant d’être une question d’abattement, c’est une question d’offre : il y a tout simplement plus d’appartements mis en vente que de maisons. Avec ceci que bon nombre d’appartements sont acquis par des investisseurs, qui sont généralement déjà propriétaires d’un bien et ne peuvent donc bénéficier de l’abattement. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’impact. J’applique l’abattement tous les jours dans mon étude. Il permet à beaucoup de jeunes d’accéder au marché immobilier… sans l’aide de leurs parents. Leurs économies personnelles leur permettent de payer les frais de la vente, qui ont fortement diminué. Le coup de pouce des parents est moins nécessaire qu’avant, voire plus vraiment nécessaire.
Même passé le Canal, les maisons ne sont pas accessibles à toutes les bourses
Benoit Ricker : Il n’y a pas que les jeunes à qui l’abattement profite. On croit, à tort, qu’il n’est accessible qu’aux primo-acquéreurs et donc, aux jeunes. Or, il l’est à tous, à condition de ne pas être déjà propriétaire d’un autre bien. C’est une nuance très importante. On peut bénéficier de l’abattement à plusieurs reprises. Je vois couramment dans mon étude des personnes plus âgées qui ont vendu leur maison et qui achètent un appartement en profitant de ce rabais de 21 875 euros. Pour en revenir à la question, je ne suis pas persuadé qu’il y a proportionnellement plus de ventes d’appartements qu’il y a trois ans. Du moins pour cette raison-là.
Quid d’un impact sur le prix des maisons puisque la limite pour l’obtention de l’abattement s’arrête à 500 000 euros ? Le prix médian des maisons à Woluwe-Saint-Lambert comme à Uccle est précisément de 499.000 euros.
B. R. Le régime ne fait référence qu’à des montants, sans distinction du type de bien. Cela vaut donc pour les maisons comme pour les appartements, tant que leur prix n’excède pas 500 000 euros. Or, des maisons à moins de 500 000 euros, nos statistiques montrent que ce n’est si rare. Le prix médian des maisons, toutes communes confondues, est en effet de 395 000 euros. Cela veut dire que la moitié des ventes de maisons en Région de Bruxelles-Capitale ont été réalisées sous ce prix de 395 000 euros.
S. J. En comptabilisant celles qui ont été réalisées à 400 000 euros, 420 000 euros, 450 000 euros…, bref, à moins de 500 000 euros, cela veut dire qu’il y a théoriquement plus de ventes de maisons qui ont bénéficié de l’abattement que de ventes de maisons qui n’en ont pas bénéficié.
B. R. Et ce n’est que dans trois communes, Woluwe-Saint-Pierre, Etterbeek et Ixelles, que le prix médian est supérieur à 500 000 euros.
Il n’empêche, en matière d’accessibilité, les 19 communes bruxelloises ne sont pas égales.
S. J. C’est le cas depuis des années : les communes du sud de Bruxelles sont trop chères, exigeant de ce fait trop d’apport personnel et, quasi impérativement, l’aide des parents ; celles du nord de Bruxelles sont plus accessibles. Pour preuve de leur succès, les prix y augmentent d’année en année. Au sud du Canal, Forest et Saint-Gilles font figure d’exceptions. Du moins certains quartiers. On voit des jeunes s’y diriger. Mais également des Français, qui se rapprochent ainsi de la gare du Midi. On les cantonne généralement à Ixelles et Uccle, mais ils ciblent aussi d’autres communes.
B. R. Même passé le Canal, les maisons ne sont pas accessibles à toutes les bourses, il faut le reconnaître. Je reçois régulièrement des jeunes couples qui décident de quitter la Région bruxelloise parce qu’il ne trouvent pas ce qu’ils cherchent dans leur budget. D’autres trouvent mais, souvent, il s’agit de biens à rénover.
Jugez-vous que l’abattement a modifié les choses pour certaines communes, qui, par exemple, ont pu récupérer de nouveaux acquéreurs ?
S. J. Je n’oserais pas faire le lien entre les deux éléments. Ce que je vois, en revanche, c’est que la Région a du potentiel, autrement dit, de quoi accueillir les jeunes ménages. Certains quartiers vont être redécouverts, qui, j’en suis convaincu, vont monter en puissance. Ce que le haut de Saint-Gilles (place Van Meenen) et de Forest (place de l’Altitude 100) ont vécu il y a quelques années, avec l’arrivée d’une population davantage » bobo » qui s’est traduite par une augmentation des prix, va se reproduire vers le nord. A Laeken, Ganshoren, Berchem-Sainte-Agathe… C’est en tout cas mon ressenti. Il y a de nombreux jolis coins au nord du Canal, arborés, avec des maisons bien entretenues, pas trop grandes, assorties de petits jardins. Il y aura toujours une demande pour ce type de bien. Pour l’instant, on n’y voit pas encore beaucoup de jeunes. Mais d’ici à quelques années, il va y avoir une vague de changement de propriétaires. Car la particularité de certains de ces quartiers est d’avoir été érigés dans les années 1960-1970-1980, dont les occupants ont ou vont avoir l’âge de vendre. Parallèlement, des promoteurs ont investi les abords du Canal. Cela va faire un peu monter les prix car ils proposent du neuf, mais en même temps, ils prouvent qu’il y a une vraie volonté de participer à la construction de cette Région et de ses 19 communes.
Et au niveau des ventes, est-ce que l’abattement a été un stimulant ?
B. R. Sans doute. Mais les taux d’intérêt hypothécaires au plancher aussi. Il n’y a pas eu de boom des ventes pour cette seule raison. C’est sûr que c’est un encouragement pour les primo-accédants, une vraie aide pour accéder à la propriété – c’était le but et c’est réussi. La plupart des acquéreurs ont d’ailleurs opté pour ce type de bonus logement plutôt que pour le précédent. Autrement dit, ils ont préféré le gros cadeau tout de suite, plutôt que la déductibilité des intérêts hypothécaires étalée sur toute la longueur du prêt. En tout et pour tout, je n’ai eu que trois clients qui ont refusé l’abattement, lui préférant la déductibilité.
Les acquéreurs ont-ils encore le choix ?
B. R. Oui, si vous ne prenez pas l’abattement, vous pouvez bénéficier de l’ancien bonus logement. Mais si vous demandez le bénéfice de l’abattement, vous devez déclarer sur l’honneur que vous renoncez à demander la déductibilité des intérêts hypothécaires.
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