La Wallonie lance son « Plan Marshall social »
Le gouvernement wallon a approuvé jeudi son premier Plan de lutte contre la pauvreté (PLCP), ciblant 50 mesures destinées à réduire la « déprivation matérielle » des plus précarisés, un critère plus adapté à ses compétences que le seul taux de pauvreté.
Ces mesures – beaucoup ont déjà été annoncées ou se trouvent dans la Déclaration de politique régionale – vont des diverses réformes du logement (fonds de garantie locative, système d’attribution des logements publics, primes et prêts logement/énergie, etc), à l’alimentation (distribution d’invendus, épiceries sociales, etc), en passant par la tarification « progressive et solidaire » de l’énergie, le doublement du Fonds social de l’eau, etc.
La santé y reçoit une place importante, avec le soutien à l’installation de généralistes en zones de pénurie, les maisons médicales, etc. Mobilité (tarifs sociaux, taxis collectifs, etc), « tourisme pour tous », espaces publics numériques gratuits, etc, s’y retrouvent également.
L’originalité réside plutôt dans la méthode, qui a cherché à mieux identifier les besoins concrets des personnes précarisées en Wallonie en agissant sur leurs dépenses plutôt que leurs revenus.
« La fixation des revenus est une compétence fédérale. Nous ne pouvons pas, par exemple, indexer les salaires ou les allocations sociales. Par contre, nous pouvons agir sur certains postes de dépenses des personnes précarisées », a indiqué le ministre-président wallon Paul Magnette, coordinateur du PLCP.
Pour ce faire, l’exécutif PS-cdH a changé la méthodologie classique, comme le recommandait d’ailleurs l’Institut wallon des statistiques (Iweps). La notion de « seuil de pauvreté » (19,2% des Wallons vivent en dessous) est en effet trop monétaire pour que la Région agisse sur cette base et est faussée statistiquement parce qu’elle se réfère à un PIB national tiré par la Flandre (9,8%). Une catégorisation sur cette base crée aussi des effets d’aubaine, voire des effets pervers pour ceux qui sont légèrement au-dessus, selon le gouvernement.
Plus qualitatif, l’indice de « déprivation matérielle » (17,5% en Wallonie, juste en dessous de la moyenne européenne, pour 7,5% en Flandre) entend envisager une précarité plus concrète.
On considère en effet qu’une personne est en déprivation matérielle si elle est en incapacité de couvrir trois des neuf postes de dépense que sont la capacité à faire face à des dépenses imprévues, manger tous les deux jours un repas contenant des protéines, chauffer correctement son logement, partir une semaine en vacances par an, éviter les arriérés de crédit, de loyer et de paiement, et disposer – si souhaité – d’une voiture, d’une télévision, d’un téléphone ou d’une machine à laver.
C’est sur cette base que le gouvernement wallon a établi avec les acteurs de terrain son programme de 50 actions à réaliser dans différents délais. Un « Plan Marshall social », selon le ministre de l’Action sociale, Maxime Prévot (cdH).
Pas de chiffrage budgétaire propre: l’idée est d’instiller un « réflexe pauvreté » dans l’ensemble de l’action publique wallonne. Mais les moyens pour l’ensemble des mesures qui coûtent – toutes ne coûtent pas, comme certaines modifications décrétales – sont prévus dans les budgets, assure M. Magnette, qui souligne que 56% du budget wallon est consacré aux politiques sociales.