Bert Anciaux et Patrick Vankrunkelsven (archives 2001). © belgaimage

« La Volksunie a préparé les esprits au fédéralisme »

Le Vif

Le 15 septembre 2001, la Volksunie disparaissait du paysage politique belge. Selon ses anciens présidents Bert Anciaux, Geert Bourgeois et Patrik Vankrunkelsven, le parti a joué un rôle clé dans l’avènement du fédéralisme en Belgique et amené de nouvelles figures politiques. Pour M. Bourgeois et son successeur, Bart De Wever, la N-VA en est l’héritière politique, une analyse que contestent MM. Anciaux et Vankrunkelsven, tenants d’un courant progressiste au sein du Mouvement flamand.

« Des gens comme Bert Anciaux et Hugo Schiltz ont eu le talent de traduire leurs idées en textes et en réformes de l’Etat« , estime M. Vankrunkelsven qui fait remarquer au passage que, jusqu’à présent, la N-VA n’a participé à aucune réforme institutionnelle. L’idée était alors que « tout pas en avant ne devait pas bloquer le suivant », a-t-il ajouté. « La VU était le moteur des réformes fédérales. Elle a mis à l’agenda la relégation des Flamands (dans l’État belge), les transferts financiers injustifiés de la Flandre vers la Wallonie, les déséquilibres dans la répartition des postes politiques », a souligné M. Bourgeois.

M. De Wever partage l’analyse mais se montre plus sévère. « Hélas, le résultat de toutes ces réformes de l’Etat inachevées, c’est un bric-à-brac institutionnel. Seul un passage à un État confédéral serait un exercice fondamental d’efficacité », selon lui.

La Volksunie a également capté rapidement de nouveaux courants dans la société, comme la préoccupation pour l’environnement ou le pacifisme que le parti est le premier à avoir inscrit à l’agenda politique en Flandre. « La VU a appris aux Flamands à marcher la tête haute: elle s’est attaquée à la pilarisation (la division de la société belge en piliers chrétien, socialiste et libéral) et au clientélisme, les bases du pouvoir des trois partis traditionnels », a ajouté M. Bourgeois.

À entendre M. Vankrunkelsven, la manière « anarchiste » de faire de la politique à la VU était unique en son genre. « C’était un parti différent des autres », regrette-t-il, confiant qu’il ne s’était jamais senti chez lui au VLD qu’il a rallié après l’implosion de la VU. « La VU était un parti de libres penseurs où les idées pouvaient s’entrechoquer », estime pour sa part M. Anciaux, passé lui au sp.a (aujourd’hui Vooruit). M. De Wever juge au contraire que ce pluralisme a fini par miner le parti: « Le pluralisme idéologique au sein de la Volksunie a contribué à la chute du parti. C’est pour cela qu’en tant que président de la N-VA j’ai mis l’accent sur l’importance d’une cohérence idéologique dans laquelle tous les membres du parti peuvent se retrouver en grande partie ».

« Avant que je ne sois président, le parti se demandait comment on pouvait parvenir à plus de Flandre. Quand je suis devenu président, c’était moins urgent et on se demandait quelle Flandre l’on voulait. Mais la mayonnaise ne prenait plus à cause des différences idéologiques entre conservateurs et progressistes », a reconnu M. Anciaux.

« Il y avait certainement une opposition idéologique mortelle. La direction du parti a pris une direction à gauche qui l’éloignait de sa base », a analysé M. Bouregois. Les positions de la direction ont à chaque fois reçu un large soutien, a observé M. Anciaux. « Mais je me rends bien compte que j’ai donné une orientation à gauche qui allait contre la nature d’une grande partie des militants. Ce n’était plus tenable pour Bourgeois et les gens qui gravitaient autour de lui ».

MM. Bourgeois et De Wever voient dans la N-VA l’héritière de la Volksunie. « Personnellement, je considère que la N-VA est la seule héritière de la VU. La N-VA a donné forme et contenu d’une manière adaptée à notre époque au nationalisme flamand démocratique. Notre offre aux Flamands est bien plus cohérente », a affirmé le premier. « La Volksunie était l’émanation d’après-guerre d’un courant nationaliste flamand démocratique, émancipateur et inclusif. En ce sens, la N-VA est indubitablement l’héritière politique de la Volksunie. Mais le flou idéologique dans la vision de la société est en revanche une différence avec la N-VA, qui a un profil de centre-droit clair et qui est là pour ceux qui travaillent, épargnent et entreprennent en Flandre », a poursuivi le second.

Le son de cloche est différent chez MM. Anciaux et Vankrunkelsven. « La N-VA est un successeur de la VU, à côté de Spirit (créé par M. Anciaux et fondu dans le sp.a) qui malheureusement n’existe plus. La N-VA était l’héritière de l’aile droite mais ce n’est plus le cas. Au début, le parti était social-conservateur, maintenant il est de droite libérale. L’internationalisme et le pacifisme n’y ont plus cours. Même le nationalisme y a fondamentalement changé, passant d’un nationalisme populaire et culturel vers un nationalisme économique et financier », selon M. Anciaux. « A la Volksunie, il n’y avait pas de fiches pour les débats mais différents courants. La N-VA est un parti complètement différent, plus fort, et le parti se sent sans doute ‘libéré’ de la VU. Mais il n’a jamais pu convertir sa force politique dans une réforme de l’Etat« , constate pour sa part M. Vankrunkelsven.

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