La ville de Liège est en mal de logements neufs
La Cité ardente planche depuis longtemps sur de grands projets résidentiels, mais peu sortent de terre. Certains promoteurs déplorent un immobilisme ambiant.
La brique résidentielle neuve est-elle une denrée rare à Liège ? Un simple coup d’oeil aux dernières statistiques du SPF Economie suffit pour s’en convaincre : la Cité ardente regroupe très exactement 55 178 bâtiments résidentiels (qui abritent 98 784 logements) sur son territoire, dont 3 514 seulement ont été construits après 1981. Moins de 7 % ! Ce qui n’en fait même pas tout à fait des biens neufs, les plus anciens étant âgés de 36 ans tout de même. Certes, il y a bien quelques projets sur le feu et des promotions récemment mises sur le marché (Lotus&Iris de Thomas&Piron à Rocourt, Quai32 de Bouygues Immobilier sur le quai de la Boverie…), mais ils ne sont pas légion.
Cet état des lieux n’étonne guère les promoteurs de la région, pourtant désireux de développer des projets immobiliers d’envergure à Liège. » Nous sommes très intéressés par la ville et nous y traquons activement les opportunités « , acquiesce Serge Lejeune, patron de la société Horizon Groupe, qui y porte deux projets (une centaine de logements rue Paradis et un ensemble aux contours encore non définis le long du boulevard de l’Automobile). Mais, déplore-t-il, plusieurs freins ont tôt fait de décourager les amateurs, même les plus enthousiastes. » Nous ne faisons pas de rénovation, souligne-t-il. Nous nous concentrons donc exclusivement sur les terrains disponibles et sur les bâtiments à démolir. » Or, si les premiers sont rarissimes – au sein des quartiers » porteurs « , du moins -, les seconds sont souvent assortis de contraintes (parties classées, dépollution des sols, problèmes complexes de vues et d’ensoleillement à résoudre, opposition récurrente des riverains et des comités de quartiers…). Sans compter tous les désagréments que suppose un projet de construction en pleine ville : accessibilité difficile des engins de chantier et des camions, encombrement du sous-sol et complexité de travaux d’égouttage, nuisances sonores qui fâchent les voisins, timing serré à respecter pour perturber le moins possible la circulation…
Centre versus périphérie
Avec ceci que, outre la recherche du foncier, le soutien des autorités liégeoises est tout aussi problématique. D’après Serge Lejeune, celles-ci se montrent, sinon réticentes, à tout le moins frileuses quand il s’agit d’accorder un permis d’urbanisme pour des complexes de logements neufs. » C’est bien simple, plaisante-t-il, je n’arrive tout bonnement pas à comprendre comment elles raisonnent ! Sans compter que nombre d’instances sont concernées, qui ont toutes leur propre vision des choses et doivent néanmoins marquer leur assentiment. » En résulte un » immobilisme » qui pèse sur les dossiers et les fait traîner en longueur. » A moins que ce ne soient les grands projets dont on parle depuis longtemps – Coronmeuse, Bavière, etc. – qui accaparent toute l’attention politique « , s’interroge le promoteur liégeois.
Cet accueil plutôt mesuré de la Ville de Liège contraste avec celui que réservent les autres communes de la province. » Nous avons de nombreux projets en proche périphérie liégeoise, à Visé, Tilff, Ans… C’est que le temps est clairement au retour à la ville. La plupart des centres urbains l’ont compris et font preuve de beaucoup plus d’engouement « , assure Serge Lejeune. Qui se fait l’écho d’une réelle demande du marché, émanant tant de seniors ayant revendu leur grande maison pour s’installer en appartement à proximité des services et facilités – » soit deux acquéreurs sur trois dans nos projets » -, que de jeunes couples, de familles monoparentales, de célibataires ou d’investisseurs.
Du sur-mesure
Ce qui ne veut pas dire que tous les projets se heurtent à un mur à Liège. L’exemple de la future résidence Asklepios, dont la mise en chantier démarrera début 2018, est à ce titre probant. » J’ai réussi à convaincre les autorités liégeoises du bien-fondé de ma démarche parce que j’ai défendu un projet et non une demande de permis « , nuance Christophe Nihon (Immoquest, Immobilier Concept), courtier spécialisé sur le marché immobilier professionnel (bureaux, logistique…), qui s’est récemment profilé comme promoteur sur le segment du résidentiel. » En examinant les perspectives de vieillissement de la population, j’ai remarqué que Liège manquait d’une solution de logement répondant tant aux besoins de seniors actifs qu’à ceux qui seront les leurs dans un futur plus ou moins proche, perte de mobilité à la clé. »
Soit non pas une résidence-services mais une résidence classique inscrite dans un quartier n’en manquant pas – place Emile Dupont, entre le boulevard Piercot et la cathédrale Saint-Paul, en plein centre de Liège. » Mon public cible est plutôt aisé et apprécie le caractère haut de gamme des lieux comme le fait qu’il ne devra pas s’imposer, à terme, un déménagement. » Et pour cause, la résidence Asklepios respecte toutes les normes en matière de construction adaptée aux PMR, les dépassant même parfois.
De là à conclure qu’il s’agit d’un concept répétable à l’envi avec la bénédiction des autorités liégeoises, il y a un pas que Christophe Nihon ne franchit pas. » Là n’est pas la question, oppose-t-il. Je crois que Liège a un fort potentiel pour des projets résidentiels de qualité. Le tout est de répondre à un besoin donné pour une situation géographique donnée. Ce doit être du sur-mesure et non pas la porte ouverte à une fièvre constructrice. » Le promoteur reconnaît toutefois avoir eu la chance de mettre la main sur l’une des dernières dents creuses de l’hypercentre liégeois, une » localisation rêvée « . Laquelle justifie à elle seule un projet plus haut de gamme, soit, quoi qu’il en soit du concept qui le sous-tend, une catégorie de biens » en pénurie avérée » au sein de la Cité ardente.
Du côté de la Ville de Liège, on confie » prôner la densification de l’habitat en créant des espaces de vie tenant compte de toutes les composantes de la dynamique urbaine : mobilité, espaces publics… » Un vaste programme aux implications floues sur lesquelles planchent les autorités liégeoises main dans la main avec l’université depuis bientôt un an, au sein d’un » Labville » inédit.
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