La tentation sécuritaire du PS
Ils sont souvent bourgmestres, surtout wallons, toujours socialistes. Ils trouvent leur parti trop mou en matière de sécurité et de justice, en particulier dans la lutte contre le radicalisme religieux. Question de principes, bien sûr. Mais aussi d’intérêt électoral.
Dimanche dernier, 10 octobre. au Congrès de rentrée du Parti socialiste, on n’a parlé qu’une seule fois, de toute la journée, de sécurité : lorsque trois belles chanteuses, en prélude aux interventions politiques, ont réclamé d’une voix claire « que le voleur rende gorge« , au milieu du deuxième couplet de leur très pure Internationale. Pourtant au PS d’autres voix, plus rogues, prennent au pied de la lettre l’immortelle punchline, originellement dédicacée aux délinquants financiers. « Il y a au PS un lobby sécuritaire« , pose un socialiste bruxellois de l’autre camp. Un lobby informel, même pas vraiment une tendance (reconnue comme telle, selon les statuts du PS, à partir de 20 % des membres du Bureau national, et on est loin du compte). Mais un groupe qui peut peser. Et enquiquiner. Il se mobilise sur les questions chères à la droite classique, celles que les politologues américains rassemblent dans la catégorie de « Law and Order« , la loi et l’ordre, (que le politiste gaulois Reiser traduisait en « si la gauche en avait, on l’appellerait la droite« ), et élargit le débat, parfois, à une vision restrictive de la laïcité. Soit des camarades enclins à donner du bâton dans une formation plutôt portée sur la carotte : pour les élections de 2014, ont calculé les chercheurs Grégory Piet (ULG) et Régis Dandoy (ULB), les préoccupations de « Justice et criminalité » n’arrivaient qu’en quatorzième place sur vingt-et-une, ne comptant que pour 2,48% des près de 500 pages du programme socialiste. C’est peu, et il n’en faut pas moins pour se voir taxer de laxisme. Imputation que combattent, donc, les agents du « lobby sécuritaire » socialiste.
Dans leurs rangs, le député fédéral et populaire bourgmestre faisant fonction de Tournai, Paul-Olivier Delannois, dont les succès électoraux se sont forgés à grands clairons de « tolérance zéro » et de « la première des libertés, c’est la sécurité ». Ou le député wallon et président de la plus grande société de logements sociaux de Wallonie, Hicham Imane, inlassable traqueur des fraudes aux compteurs. Ou le bourgmestre de Liège, président de la fédération d’arrondissement et vice-président du PS, Willy Demeyer, qui a stupéfié le Boulevard de l’Empereur en acceptant la proposition du gouvernement fédéral d’envoyer l’armée surveiller les bâtiments liégeois. Ou le député fédéral et bourgmestre de Binche, Laurent Devin. Ou le député fédéral et bourgmestre d’Hensies, Eric Thiébaut. Il y en a d’autres. Un point commun : « Il n’y a aucun idéologue parmi eux », observe Pascal Delwit, politologue à l’ULB, « seulement des bourgmestres et mandataires locaux qui se revendiquent d’une expérience de terrain pour justifier ces sorties ». « On entend ce que disent les gens que l’on croise, dans la rue, dans les cafés, partout : c’est ça qu’ils demandent, que le Parti le veuille ou non », dit l’un d’eux.
On les trouve principalement dans les provinces wallonnes, surtout le Hainaut, généralement sanglés d’une écharpe tricolore. Aucun des membres du « lobby sécuritaire » n’avait encore jamais vraiment osé assumer cette appartenance. Jusqu’à aujourd’hui.
Nicolas De Decker
Le dossier « PS, la tentation sécuritaire » dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :
- L’opposition Bruxelles-Wallonie
- Eric Thiébaut : « On doit arrêter de penser que la sécurité est une matière spécifiquement de droite »
- Les trois autres tournants d’un parti sur le sentier des idées
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