Carte blanche
La technologie au secours de la démocratie?
Dire que le citoyen en a assez de la politique comme elle est conduite actuellement est une évidence. Malheureusement, les solutions proposées ne semblent pas arriver à diminuer l’insatisfaction qui entraîne toujours plus de votes vers les extrêmes.
On voit de nombreux mouvements se lever pour montrer l’insatisfaction du citoyen dans la gestion politique actuelle: Belvox, Cumuleo, Trop is te veel, Transparencia, etc. On peut craindre que les prochaines élections fassent également apparaître cette insatisfaction via les abstentions et votes blancs et nuls, dans un pays où le vote est, pourtant, obligatoire.
Un des problèmes de base est que l’on peut émettre de gros doutes sur la représentativité des politiques une fois élus, au point que certains en viennent à souhaiter des régimes plus autoritaires, ce qui serait une catastrophe dans une société de plus en plus duale.
Si notre démocratie représentative semble démontrer chaque jour ses limites et alors que la démocratie directe a déjà montré que des personnes non suffisamment informées peuvent parfois choisir des voies peu rationnelles (Brexit en Grande Bretagne, rejet de l’EEE en Suisse et autres votes dirigés par la peur ou la propagande), ne faudrait-il pas chercher une solution intermédiaire, ou plutôt une solution qui reprendrait les points positifs des autres solutions?
Cette solution existe: la démocratie liquide ou démocratie par délégation.
La démocratie liquide combine en effet les avantages de la démocratie directe et ceux de la démocratie représentative. Elle crée un type de scrutin réellement démocratique, qui confère aux électeurs le pouvoir de voter directement sur un sujet ou de déléguer leur droit de vote à un tiers de confiance.
Au travers de la délégation, les personnes qui disposent d’un savoir dans un domaine spécifique sont capables d’influencer davantage le résultat des décisions, ce qui de fait mène à une meilleure gouvernance de l’État.
Ensuite, les électeurs qui ne désirent pas voter directement mais n’ont plus confiance dans leur délégué, ou simplement parce que leur vision du problème a changé, peuvent en changer en cours de législature.
Cette solution n’est d’ailleurs pas neuve: les premiers projets datent des années 90 – dont un fut même sponsorisé par l’Europe (DEMOS) – et plus récemment, le parti pirate allemand et le mouvement cinq étoiles italien en furent des utilisateurs concrets.
Pour y arriver, il y a un grand besoin de technologie: il faudrait développer une plate-forme sécurisée sur internet mais ce n’est techniquement plus une limite.
Les gens qui voudraient s’y opposer avec l’argument « fracture numérique » seront convaincus par la possibilité de délégation: comme actuellement, si quelqu’un n’a pas l’envie ou la capacité de s’investir dans le débat, il peut toujours confier son vote à une personne de confiance qui, elle, le peut. Comme exemple, les déclarations d’impôts, réparties entre tax-on-web et bureaux de terrain d’aide au remplissage, n’offrent pas plus d’options, tout en étant obligatoires pour tous les citoyens.
Les personnes qui auraient une crainte liée à la non vérification des votes à posteriori (ce que l’on oppose souvent au vote électronique) seront rassurés face à la transparence complète fournie dans les systèmes existants.
Bien évidemment, il y a des risques qui entraînent le besoin d’avoir un règlement strict concernant la gestion pratique de la plateforme, la certification des mandats et un besoin de surveiller les administrateurs mais ce sont des risques qui peuvent être gérés.
Il y a aussi des inconvénients tels que les limites des logiciels actuels, les craintes face à la notion de confiance (et de son abus) voire le risque d’émergence de « super délégués » concentrant beaucoup de pouvoir.
Rien n’est donc parfait, mais des expérimentations et la pratique de la démocratie liquide à petite et moyenne échelle permettraient de lever les doutes sur la faisabilité.
La démocratie liquide attire et certains souhaitent l’expérimenter car les autres systèmes ont déjà démontré leurs limites. Il s’agit d’imaginer une démocratie qui ne serait plus « top-down » — animée du haut vers le bas de la société — , mais « bottom-up » : une démocratie qui partirait du terrain, des problèmes des individus et des solutions du « bas », afin d’irriguer toute la société pour la rendre plus démocratique et plus efficiente.
Régis Warmont, Ingénieur civil en Informatique et gestion Co-fondateur de En-Marche.BE
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