Hendrik Vuye et Veerle Wouters
« La résistance wallonne au TTIP paralyse et appauvrit la Flandre »
La Flandre assure sa promotion économique en organisant des missions économiques à Cuba et en Inde. Ce n’est pas un hasard. Dans une interview croisée accordée au quotidien De Standaard, le ministre-président Geert Bourgeois (N-VA) et Claire Tillekaerts de Flanders Investment &Trade (FIT) soulignent l’importance de l’exportation pour la Flandre. Et la politique porte ses fruits. Tillekaerts affirme que l’enquête de satisfaction menée parmi les entreprises démontre que 80 des contacts apportés par le FIT sont positifs pour les entreprises. Au sein de l’Europe, c’est un record.
L’export belge n’existe pas
Et la Flandre s’en sort bien. Selon les chiffres du FIT, la Flandre a exporté pour 288,8 milliards d’euros en 2015. L’apport de la Flandre dans l’export belge est de 83,1%, la Wallonie atteint 14,6% et Bruxelles 2,3%. Ces chiffres font de la Flandre le sixième exportateur de l’UE, après l’Allemagne, les Pays-Bas, la France, le Royaume-Uni et l’Italie. En fait, l’export belge n’existe pas. C’est de l’export flamand, une réalité que les rêveurs de la refédéralisation ne veulent pas voir en face.
La Wallonie, nouvelle Madame non
Les accords de libre-échange sont primordiaux pour la Flandre. Une économie ouverte ne peut s’en passer. Depuis quelque temps, la discussion politique porte sur deux traités : l’accord commercial UE-Canada (CETA) et le traité commercial transatlantique (TTIP).
Le CETA et le TTIP comptent vraiment. En 2015, la Flandre a réalisé une croissance d’exportations de 11% en Amérique du Nord. La suppression presque totale de droits de douane et la disparition de tarifs pour l’agriculture et l’industrie chimique et pharmaceutique peuvent stimuler les exportations.
Et c’est justement dans ces dossiers-ci que le ministre-président wallon Paul Magnette (PS) et le parlement wallon se montrent rigides. Il y a quelques jours, le PS, le cdH, Ecolo et le PTB ont voté une résolution contre le CETA.
Au sein de la Région Bruxelles-Capitale, on s’oppose aux traités commerciaux. Le Soir titre même dans son édition du week-end : « La Wallonie, nouvelle Madame non ». Le président du cdH Benoit Lutgen pousse le bouchon encore un peu plus loin en affirmant que le cdH entre en résistance pour sauver le pays.
En revanche, il y a une majorité en faveur du TTIP et du CETA dans la Chambre fédérale et au parlement flamand. Comment la situation évoluera-t-elle ? La Flandre ploiera-t-elle sous un « non » wallon ?
Le commerce extérieur et les traités mixtes
À court terme, l’opposition francophone a peu de conséquences. Elle ne fera que ridiculiser un peu plus la Belgique qui sera le seul état membre de l’UE à s’abstenir en raison d’un manque de consensus interne.
Mais qu’est-ce qui nous attend? Depuis 2001, le commerce extérieur est une compétence flamande. Seuls Delcredere – un assureur-crédit public – et Finexpo – un soutien d’état pour crédit à l’exportation – sont encore fédéraux. Cependant, ces compétences sont tellement liées au commerce extérieur qu’il vaudrait mieux les confier aux régions.
Le commerce extérieur est étroitement lié aux relations internationales. La règle veut que ceux qui sont compétents pour l’intérieur le soient aussi pour ce qui est international. Cependant, c’est ici que les problèmes commencent. À l’intérieur, les compétences sont désespérément fragmentées et par conséquent les relations internationales aussi. Beaucoup de traités sont mixtes : ils concernent tant les compétences fédérales que régionales.
Les traités mixtes doivent être approuvés par le parlement fédéral et les parlements régionaux concernés. D’après l’accord de coopération au sujet de traités mixtes, le traité ne peut entrer en vigueur qu’une fois approuvé par tous les parlements concernés.
On ignore encore si le TTIP et le CETA sont mixtes, mais cela pourrait bien être le cas. La commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström pense que oui. Un « non » wallon paralysera la Flandre. C’est excessif, car la Wallonie ne représente que 14,6% de l’export belge. Où est la « loyauté fédérale » tant vantée ? L’opposition wallonne appauvrira également le pays d’export qu’est la Flandre, qui assure 83,1% des exportations belges. Où est la « solidarité » tant vantée ?
Au lieu de « solidarité » et « loyauté fédérale », le CDH a même envoyé le tweet suivant : « Nous sommes entrés en résistance pour sauver notre pays ».
Nous sommes entrés en résistance pour sauver notre pays, son charme, ses valeurs et son harmonie ! Benoît #Lutgen
— Le cdH (@lecdh) 30 April 2016
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Paul Magnette utilise le même langage dans Le Soir où il décrit comme la Région wallonne comme un foyer de résistance: « terre de résistance de tout temps ». La Wallonie résiste à la Flandre pour sauver la Belgique : leur Belgique est donc une Belgique sans Flandre.
Nous ne pouvons accepter que la résistance wallonne paralyse et appauvrisse la Flandre
Les Wallons ont tout à fait le droit de rejeter le TTIP et le CETA. Nous ne le contestons pas, mais ne nous ne pouvons accepter que la résistance wallonne paralyse et appauvrisse la Flandre. Chaque région doit faire ses choix, en toute liberté. Il n’y a qu’une solution : transférer tous les leviers sociaux, économiques et fiscaux nécessaires pour permettre à la Flandre de remplir pleinement son rôle de pays d’exportation. Ainsi, la Flandre pourra rester un pays d’export prospère et la Wallonie pourra jouer pleinement son rôle de « terre de résistance ».
Pourquoi paralyser les autres s’il y a moyen de faire autrement? Les bienheureux qui rêvent de réféderalisation se heurtent à nouveau à la dure réalité qu’ils ne veulent pas voir en face : le fédéralisme de coopération n’existe pas, c’est un fédéralisme de résistance stérile.
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