« La police belge n’a rien à voir avec la police américaine ou française »
En France, l’ouverture du procès de Karim Cheurfi, pour le meurtre du policier Xavier Jugelé, fait revenir sur le devant de la scènele débat au sujet des violences commises contre la police. En Belgique, le débat existe aussi.
Il y a quatre ans, le 20 avril 2017, Karim Cheurfi assassinait le policier Xavier Jugelé et blessait deux de ses collègues, avant d’être abattu. Cet attentat terroriste a soulevé l’indignation du côté de la police qui s’estime en danger face au terrorisme, et pas assez protégée face aux citoyens. Ces inquiétudes ont été accentuées par un sentiment « anti flic » qui a grandi ces dernières années suite à la médiatisation de plus en plus fréquente des cas de violences policières.
Les policiers, victimes de violences ?
De par la nature de leur travail, les forces de l’ordre sont régulièrement confrontées à la violence et aux dangers. Les meurtres de Xavier Jugelé ou d’Éric Masson en France en sont des exemples, tout comme l’attaque commise à Liège en mai 2018, dans laquelle deux policiers avaient perdu la vie.
Plusieurs manifestations policières ont eu lieu récemment en France et en Belgique dans le but de revendiquer de meilleures conditions de travail. C’était notamment le cas d’une action des syndicats de police le mercredi 2 juin devant le cabinet de la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V), pour revendiquer une hausse des salaires et de « l’attractivité du métier ». Cette action faisait écho à celle du 19 mai en France, lors de laquelle des milliers de forces de l’ordre se sont retrouvés devant l’Assemblée Nationale pour revendiquer plus de protection de la part de l’État français. La police est bel et bien en crise.
Pour Vincent Gilles, président du syndicat de police belge SLFP (Syndicat Libre de la Fonction publique), les violences à l’encontre des policiers sont alarmantes. Selon une étude réalisée par le syndicat, 38,8 % des fonctionnaires auraient été victimes de violence lors des 12 derniers mois. Vincent Gilles explique que ce chiffre « obtenu par leurs moyens » a pour but d' »essayer de quantifier cette violence ». En effet il s’agit d’une violence difficilement quantifiable, car le syndicaliste souligne que « les policiers et policières sont très réticents à témoigner ». Mais la police fédérale a tout de même pu recueillir près de 13 000 cas de violence en 2020. Sont considérés comme une violence envers la police tout acte physique violent, mais aussi les violences verbales et les menaces.
Mais selon Vincent Gilles, une autre de ces violences est ce qu’il considère comme des attaques injustifiées à l’égard de la police en termes de communication. Les communiqués lors de la manifestation Black LivesMatter, il y a un an à Bruxelles, diffusaient, à tort d’après lui, le message selon lequel les « policiers et policières belges sont des assassins ». Or, dit-il, « la police belge n’a rien à voir avec la police américaine ou française ».
Qui s’en prend à la police ?
Les attaques enregistrées viennent généralement de la part de citoyens lors d’interventions policières. Les critiques, jugées infondées par le syndicaliste, viennent, quant à elles, de divers organismes et associations comme Amnesty. Philippe Hensmans, le patron de la branche belge de l’ONG assure que ce n’est pas la police qui est visée par Amnesty, mais surtout le gouvernement. « Nous nous intéressons à la façon dont tous les corps qui sont censés respecter les droits humains le font », précise-t-il. Amnesty ne s’intéresse à la police que lorsqu’elle reçoit « des témoignages et que quelque chose manifestement ne tourne pas rond ».
Pour le moment, ce qui ressort des différentes enquêtes réalisées suite à ces situations inquiétantes, c’est qu’il y a pour le président d’Amnesty Belgique « un énorme besoin de formation dans la police ». En effet, déjà en 2019 le Comité P rapportait qu’en Belgique plus de 20 policiers étaient impliqués dans plus de 500 faits de violence illégitime. A cela s’ajoute le rapport d’Amnesty « Police et pandémie » dans lequel la Belgique fait partie des 12 pays européens qui préoccupent l’ONG concernant le racisme institutionnel et la violation des droits humains. Ce rapport a notamment donné lieu à la création de la plateforme « Pas normal – Stop Ethnic Profiling » qui a pour but de mettre un terme au profilage ethnique en Belgique. Les cas de violences policières se seraient donc multipliés à la suite de la pandémie. Vincent Gilles assure que « l’année 2020 a représenté un ralentissement drastique au niveau des attaques sur les collègues, car il y avait moins de monde dans les rues », cependant ce n’est apparemment pas le cas du côté des civils.
Une augmentation du profilage ethnique pendant la pandémie
Nicha Mbuli, porte-parole francophone de Stop Ethnic Profiling remarque une hausse du contrôle au faciès depuis le début de la pandémie. Selon elle c’est « une réalité », « on a pu voir une différence de traitement, entre par exemple un contrôle à Schaerbeek ou à Saint Josse, ou un contrôle à Uccle ». Elle a recueilli des témoignages de personnes ayant le « sentiment qu’on les contrôlait parce qu’ils étaient d’origine étrangère, parce qu’ils habitaient un quartier tel que Schaerbeek ou Molenbeek ». La campagne Pas Normal – Stop Ethnic profiling qui est en place pour encore un an veut dénoncer l’utilisation par la police de critère tel que « la couleur de peau, de prétendue race, l’origine ou la religion », mais aussi renseigner les forces de l’ordre et les citoyens sur ce phénomène. L’objectif est aussi d’apaiser les tensions entre la police et les citoyens, car comme l’explique la porte-parole, « une personne qui subit un contrôle d’identité injustifié ou qui semble injuste a plus de méfiance vis-à-vis de la police qui est censée être là pour la protéger ».
Dans un contexte très sensible, où la police est effectivement devenue une cible et où les citoyens cherchent à dénoncer certains dérapages, les deux parties doivent continuer à chercher les voies d’un dialogue constructif.
Angèle Bilégué
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