Gérald Papy
La Palestine dans quel Etat ?
A l’OCCASION DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS unies la semaine prochaine à New York, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas déposera une demande de reconnaissance d’un Etat palestinien sur les frontières de 1967.
Même si on ignore encore la forme qu’elle prendra, la démarche, justifiée dans l’esprit des dirigeants de Ramallah par la persistance du blocage des négociations avec Israël, devrait tenir essentiellement du symbole. Devant le veto annoncé des Etats-Unis à une reconnaissance d’un Etat en bonne et due forme au Conseil de sécurité, les Palestiniens devront se contenter d’une reconnaissance au rabais par l’Assemblée générale : un statut d’ « Etat observateur permanent non membre », comme celui du Vatican. Certes il consacrera un rehaussement de la position internationale de l’Autorité palestinienne. Certes, sa prise de parole aura davantage de poids et son champ d’action sera étendu (notamment auprès de la Cour pénale internationale, ce que redoute Israël). Mais le chemin vers la légitimité internationale pleine et entière ne sera pas pour autant près de s’achever.
Dès lors, pourquoi tant d’agitation ? Parce qu’au Proche-Orient, plus qu’ailleurs, les symboles sont loin d’être anodins. Qui plus est, en l’absence de réels progrès dans la cohabitation entre Israéliens et Palestiniens depuis les accords de Wye Plantation en 1998 conclus par Yasser Arafat et Benyamin Netanyahou.
Les leaders palestiniens ont de bonnes raisons de vouloir rompre avec la paralysie des négociations. Autant ils ont misé sur le volontarisme de Barack Obama à l’entame de son mandat, autant ils ont déchanté quand le président des Etats-Unis s’est révélé incapable de contraindre les Israéliens à renoncer à la colonisation, condition préalable à la reprise de pourparlers. Ils doivent, en outre, composer avec une population d’autant plus lassée de son statu quo qu’elle envie les bouleversements engrangés ailleurs par le printemps arabe.
Les dirigeants israéliens ont de bonnes raisons de s’opposer à la démarche palestinienne. Ils craignent que toute concession faite à l’Autorité palestinienne ne bénéficie un jour à un pouvoir contrôlé par le mouvement islamiste Hamas qui nie toujours l’existence de l’Etat hébreu. Et ils savent que seule une issue négociée, incluant la possibilité d’échanges de territoires, emportera l’adhésion des Etats-Unis et d’autres grandes puissances à un Etat palestinien véritablement indépendant.
Dopée par le redressement économique de la Cisjordanie et par sa crédibilité restaurée grâce à l’action du Premier ministre Salam Fayyad, l’Autorité palestinienne espère au moins faire bouger les frontières de la négociation. Dans un premier temps, elle va surtout jeter une lumière crue sur l’échec diplomatique des Etats-Unis, sur les divisions de l’Union européenne et sur la difficulté d’Israël à s’adapter à la nouvelle donne régionale, comme en témoignent les tensions récentes avec des partenaires comme la Turquie et l’Egypte. Elle risque en l’occurrence de pâtir de l’adage selon lequel « toute vérité n’est pas bonne à dire ». Au regard des représailles attendues d’Israël et des Etats-Unis, le pari est dangereux. Sans doute, estime-t-on à Ramallah, qu’au vu de l’impasse du processus de paix il vaut la peine d’être engagé. En désespoir de cause.
GÉRALD PAPY
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