La nouvelle star de la droite radicale, futur cauchemar de Theo Francken
Dries Van Langenhove, celui qui disait encore la semaine dernière détester la politique, a tourné casaque. L’homme derrière le mouvement de jeunesse d’extrême droite Schild & Vrienden se présente comme tête de liste pour le Vlaams Belang dans le Brabant flamand. Au-delà d’une pirouette discutable et cynique, c’est surtout un très mauvais coup à la N-VA.
« La politique est trop importante pour être laissée aux politiciens », voilà comment celui qui est derrière Schild & Vrienden justifie son passage au Vlaams Belang. Beau retournement de veste pour celui qui il y a seulement deux semaines déclarait encore qu’il tenait trop à son indépendance et ne souhaitait pas suivre les directives d’un parti. Et qui, la semaine dernière, lors de la marche pour la démocratie à Ninove après l’installation d’une majorité communale dont le Vlaams Belang a été exclu, répétait, à qui voulait l’entendre, qu’il « détestait la politique partisane ».
Mais ça, c’était avant. Hier, il brillait aux côtés de Tom Van Grieken, président du Vlaams Belang pour annoncer qu’il prenait la tête de la liste pour les élections fédérale en Brabant flamand. S’il prend soin de préciser qu’il reste indépendant, il ajoute qu’il a opté pour ce parti, car « il défend un projet est large et dynamique. J’aimerais y mettre mes épaules. Beaucoup m’ont demandé d’aller un pas plus loin. À côté de la rue et des médias sociaux, nous serons également actifs au parlement », a-t-il assuré. Cette annonce s’inscrit dans la volonté du parti extrémiste de coaliser les forces de droite flamandes. « Forza Flandria (nom donné au projet jamais réalisé d’une union des nationalistes, populistes et conservateurs flamands) n’est toujours pas mort. Pour cette raison, je proposerai avec une fierté toute particulière Dries Van Langenhove comme candidat indépendant et tête de liste en Brabant flamand au conseil de parti », a encore expliqué M. Van Grieken lors d’une conférence de presse.
Van Langenhove est devenu l’un des porte-drapeaux de l’extrême droite flamande suite au reportage de Pano sur la VRT en septembre. Celui-ci révélait les coulisses du mouvement identitaire Schild & Vrienden, d’une soixantaine de membres, mais aux milliers de « followers » sur Facebook. Dans un vaste groupe privé de discussion, de nombreux membres se répandaient en propos racistes, faisaient parfois l’apologie du nazisme et posaient même avec des armes à feu.
Les révélations sur Schild & Vrienden avaient secoué la N-VA. Il était apparu que plusieurs de ses membres étaient actifs au sein de la formation nationaliste flamande. Le président, Bart De Wever, avait clairement pris ses distances avec le mouvement. M. Francken s’était montré plus nuancé, en condamnant les propos racistes du groupe de discussion, mais en reconnaissant une similitude entre certaines des thèses du mouvement sur le modèle migratoire européen et les siennes. Sa liste aux communales comptait également un membre de S&V qui s’était finalement retiré.
Face à Francken
« Le nouveau candidat pourra imposer ses propres accents à la campagne. Il a un « talent de communicateur » doublé d’un « cuir dur », selon le président du VB. Un cuir bien utile puisqu’il aura quelques poids lourds face à lui : Koen Geens ou encore probablement Gwendolyn Rutten. Mais le vrai adversaire électoral du jeune homme de 26 ans sera surtout l’ex-secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Theo Francken (N-VA). Et cela ne doit probablement rien au hasard. Le nouveau venu en politique n’a d’ailleurs pas perdu de temps puisqu’il ouvrait directement les hostilités en dénonçant le fossé qui existait selon lui entre les paroles et les actes de M. Francken, prétendant que celui-ci avait laissé entrer en Belgique des centaines de milliers de migrants. Rien de bien neuf puisque Le Vlaams Belang insiste depuis longtemps sur le fait que selon eux il y a une énorme différence entre ce qu’il appelle la ‘Theo-rie’ et la ‘Theo-practice’.
Mais cette nouvelle recrue rend le numéro d’équilibriste de Francken, et par extension de toute la N-VA, encore plus difficile : il devra désormais rester assez radical pour charmer le flanc droit de la N-VA pour qu’ils ne se tournent pas vers Van Langenhove tout en n’étant pas trop « sale » que pour faire fuir ses électeurs plus modérés.
Des recherches récentes montrent un lien évident entre le Vlaams Belang et la N-VA. Dans 73 % des municipalités, le Vlaams Belang s’est amélioré aux dépens de la N-VA lors des élections provinciales. Ce n’est que dans 9 % des cas que les deux partis ont engendré tous deux des gains. « La N-VA veut combler l’écart avec le Vlaams Belang. Sans cette avancée du VB, il n’y aurait pas eu de crise à Marrakech. La N-VA avait perdu son image de rebelle par sa participation au gouvernement. Elle a essayé de la faire renaître à travers la crise de Marrakech, mais ils ne pourront pas effacer par magie le pragmatisme dont ils ont fait preuve dans le gouvernement Michel » dit encore le politologue Bart Maddens dans De Morgen.
Un pari risqué
Sa nouvelle notoriété lui vaudra le haro de nombres de faiseurs d’opinion et de politiciens, mais cela a aussi indéniablement fait briller son étoile dans les cercles radicaux de droite. Cette popularité peut indéniablement être utile au Vlaams Belang. « Van Langenhove est le nouveau héros et martyr de l’extrême droite flamande », déclare encore Bart Maddens. « Il peut attirer des jeunes qui peuvent goûter ses provocations. » Sa présence peut aussi pousser les autres partis à qualifier le Vlaams Belang de parti extrémiste. Une bonne nouvelle pour le parti qui en ressortira d’autant plus renforcé. « Il devient alors le Vlaams Belang, seul contre les autres, et c’est la position dans laquelle le parti aime être », dit Maddens. « C’est une moins bonne nouvelle pour la N-VA qui ne peut dès lors plus se présenter comme l’outsider. »
« Malgré cela le Vlaams Belang a peut-être péché par excès de confiance, car si Van Langenhove semble être un atout incontesté pour le parti, il peut aussi rapidement se montrer ingérable », selon Maddens : « Il se peut qu’il s’agisse d’un nouveau Filip Dewinter, que le parti ne peut contrôler. Un projectile fou qui peut faire exploser toute tentative de dédiabolisation de leur parti. »
On peut voir si dessous un échange verbal très agressif lors de l’émission Terzake d’hier, avec la journaliste Kathleen Cools qui le met face à ses contradictions. Face aux faits, il se contente de hausser le ton en la traitant de menteuse. La journaliste reste, elle, impassible.
Des motivations plus cyniques aussi
« Dries Van Langenhove est sur le point de finir ses études et ses débouchés professionnels sont relativement limités », dit Ivan De Vadder chef politique de la VRT sur les ondes de la RTBF. « Qui se verrait engager un tel personnage en ce moment, si ce n’est dans quelques cercles restreints ? Un mandat de parlementaire lui assurerait ainsi une sécurité d’emploi pour 5 ans. »
Dries Van Langenhove a aussi des ennuis judiciaires. Le parquet de Flandre orientale avait ouvert une enquête après la diffusion du reportage du magazine Pano en septembre de l’année passée. Celui-ci avait notamment démontré que des propos à caractère racistes, antisémites et glorifiants la violence avaient été échangés sur des forums de discussion privée du mouvement identitaire. Le juge d’instruction saisi de l’affaire a effectué plusieurs perquisitions chez différents membres de Schild & Vrienden dont le fondateur du mouvement. Du matériel informatique, également saisi lors de ces diverses perquisitions, a entretemps été remis au principal intéressé. « Les investigations sont en cours et rien ne sera communiqué dans l’intérêt de l’enquête », a indiqué la porte-parole du parquet. Son élection pourrait donc lui donner une fort opportune immunité parlementaire. Autre argument avancé par Ivan De Vadder : Dries Van Langenhove est persuadé qu’une telle tribune va lui permettre d’enfin dire ce qu’il veut. Sauf que, sur ce point, il risque d’être un peu déçu.
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