Thierry Fiorilli

La N-VA, son sang et son poison

Thierry Fiorilli Journaliste

Et donc, la N-VA s’est ouverte à des anciens du Vlaams Belang. Une quarantaine. « Sur 2 600 nouveaux membres, c’est dérisoire. Et nous stigmatiser pour si peu prouve qu’il y a acharnement contre nous, qu’il y a quelque chose d’anormal », considère, sidéré, Bart De Wever.

Le patron du premier parti de Flandre se trompe. Ou continue à prendre son auditoire, qu’il soit électoral ou médiatique, pour un rassemblement de simples d’esprit. Parce que : quand on capte près de 40 % d’intentions de vote, qu’on relève en campagne électorale que 36 % des habitants de la ville dont on vise le mayorat (Anvers) ne sont pas nés en Belgique et que 17 % n’ont pas la nationalité belge, qu’on a dû s’expliquer sur une photo de jeunesse sur laquelle on figure avec Jean-Marie Le Pen (en 1996), que des responsables de sa propre formation gardent des liens avec la Fondation van Severen, du nom de l’un des leaders de l’extrême droite flamande des années 30, qu’on a critiqué les excuses du bourgmestre anversois, il y a cinq ans, pour l’implication de l’administration communale dans la déportation des juifs durant la Deuxième Guerre mondiale – « Des excuses gratuites. Soixante ans après les faits, alors que tout le monde est mort, le fait de présenter des excuses n’est évidemment pas un acte de grand courage politique » et qu’on on a affirmé, il y a deux ans, par écrit, dans un grand quotidien, que les francophones devraient faire toute la lumière sur leurs collaborateurs durant la guerre 40-45 plutôt que de reprocher aux Flamands le leur, quand tout ça, on ne peut pas considérer comme anodin, anecdotique, sans valeur, le fait qu’un, deux, trois ou quarante anciens membres d’une formation d’extrême droite, définitivement xénophobe, rallie sa propre formation. En n’exigeant pas même une seconde comme condition sine qua non à tout transfuge le rejet public des idées antidémocratiques du Vlaams Belang.

Pour autant, la polémique n’est pas forcément négative. Si Patrick Dewael (Open-VLD ) déplore que le parti de De Wever soit devenu « une plate-forme pour l’extrême droite » et si Meyrem Almaci (Groen), entre autres, fustige le fait que la Nieuwe Vlaams Alliantie serve de « vernis démocratique » aux ex du Belang, on peut au contraire envisager qu’il s’agit là d’une bonne nouvelle.

A deux titres. D’abord, l’affaire a le mérite d’être claire : la N-VA n’a pas caché ses nouvelles recrues. Elle considère donc soit que les idées des ex-Belang se dilueront jusqu’à évaporation dans celles, a priori démocratiques, de leur nouveau parti, soit que mettre encore un peu plus à genoux le VB, en le dépeçant de ses troupes, après lui avoir déjà raflé son électorat, est encore bon à prendre. Et qu’importent leurs opinions, à ces troupes-là.

Ensuite, que l’extrême droite se pare d’un vernis démocratique, c’est ce qu’il y a de plus souhaitable. Autant on a reproché à Nicolas Sarkozy ou Silvio Berlusconi d’aller chasser, en termes de programmes politiques et de décisions gouvernementales, sur les terres du FN pour l’un, des ex-néofascistes pour l’autre, autant on ne peut que se réjouir lorsque des jusqu’ici extrémistes de droite rejoignent un parti dit démocratique, dès lors qu’ils ne le pourrissent pas pour le transformer en nouvelle phalange de combat. Mais s’y fondent parce qu’ils ont évolué.

C’est ce qui est arrivé en Italie, notamment, avec Gianfranco Fini, longtemps leader convaincu et résolu des anciens mussoliniens, jusqu’à ce qu’il recentre son parti, se coupe des radicaux obstinés et tourne le dos à la peste brune. Quinze ans plus tard, alors qu’il a entretemps occupé les fonctions de ministre des Affaires étrangères et président de la Chambre, Fini est un homme politique respecté. Aux valeurs démocratiques. Mais il avait fait urbi et orbi son mea culpa et le procès du régime de Mussolini.

Le jour où Bart De Wever fera son propre procès, en admettant ses propres erreurs et en renonçant pour de bon à ces feux qui soufflent tant de fumée noire autour de sa N-VA, nous aurons la preuve que dans les veines du premier parti de Flandre ne coule pas plus de poison que de sang. Puisque son combat est légitime.

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