Joyce Azar
La Kazerne Dossin dans la tourmente
La nouvelle a surpris : le 4 novembre, Christophe Busch annonçait sa démission du poste de directeur de la Kazerne Dossin. Le criminologue de formation dirigeait le mémorial, musée et centre de documentation sur l’Holocauste et les droits de l’homme depuis 2016.
Les raisons de son départ demeurent délibérément vagues. Au sein de l’institution malinoise, les tensions n’ont cessé de croître entre le directeur et le conseil d’administration. En cause : la mission du musée-mémorial. Autour de laquelle deux visions s’opposent : d’une part, l’importance d’honorer la mémoire des victimes juives, de l’autre le devoir d’instruire de façon plus vaste sur les problématiques actuelles du racisme, de la violence ou de la polarisation .
La démission de Christophe Busch a suscité de nombreux questionnements au nord du pays. Ce départ reflète en effet un problème structurel, que l’ancien directeur de la caserne, Herman Van Goethem, pointe lui-même du doigt. Dans un entretien accordé à De Standaard, il rappelle que la Kazerne Dossin a officiellement une double mission : commémorer les dizaines de milliers de victimes juives et roms depuis le lieu où elles ont été déportées vers les camps de concentration, et, parallèlement, éduquer en documentant le public sur l’Holocauste mais aussi sur les génocides et violences de masse, dans la perspective des droits de l’homme. Aux yeux de certains membres du conseil d’administration, Christophe Busch tendait à favoriser les réflexions plus contemporaines liées au racisme ou à la discrimination, au détriment de la mémoire des victimes juives. » Nous utilisons l’Holocauste pour transmettre aux gens le sens de la nuance « , défendait-il récemment dans la presse. Alors qu’il s’était donné pour tâche de proposer » un espace ouvert » consacré à » un passé douloureux mais aussi aux difficultés du présent « , Christophe Busch a fini par jeter l’éponge, révélant à demi-mot que ses » marges de manoeuvre » étaient devenues trop » limitées « .
Incontestablement, le mémorial est légitime et indispensable. Certains éditorialistes flamands questionnent néanmoins son efficacité dans la lutte contre un antisémitisme qui regagne du terrain. Mais, en l’absence d’un contexte historique, le monument commémoratif à lui seul risquerait d’être réduit à un symbole d’un passé toujours plus méconnu et lointain. Et comme instruire le public pour mieux l’armer contre les dérives identitaires reste plus que nécessaire, Herman Van Goethem plaide pour concilier les deux visions en scindant la Kazerne Dossin en un musée d’une part, et un mémorial de l’autre.
Avant son départ, Christophe Busch a inauguré une dernière exposition, intitulée Auschwitz.camp. Il a aussi organisé une formation suivie par plus de 10 000 policiers, ainsi qu’une visite sur mesure destinée au sulfureux leader de Schild & Vrienden, Dries Van Langenhove, à la demande d’un juge d’instruction. En démissionnant, il aura creusé un peu plus la réflexion sur les indissociables devoirs de mémoire et d’éducation.
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