Jan Nolf
La Fondation de Fabiola: il ne faut pas la critiquer, il suffit de l’analyser
A en croire certains, la lecture ‘fiscale’ de la Fondation de la reine Fabiola serait évidemment réservée aux seuls populistes : ceux qui votent les lois et s’en indignent quand cela les arrange. La lecture ‘budgétaire’ de la Fondation paraît précoce, car la reine insiste : il s’agit exclusivement de sa fortune personnelle. Ayons alors l’honnêteté intellectuelle de lui accorder les droits de chaque citoyen.
Mais d’autres lectures sont possibles.
Prenons d’abord la lecture historique de ce document, passé devant notaire le 14 septembre dernier. Son premier but est « philanthropique ». Il ne s’agit, en effet, pas du tout de distribuer une fortune ‘à la tout va’ – ce qui serait contraire à la notion essentielle de toute Fondation – mais d’aider certaines personnes selon des critères bien définis.
Sur ce point, les statuts de la Fondation apparaissent en même temps flous et limités : en fonction de difficultés « morales » par exemple, mais après des conseils « spirituels ».
C’est cependant sur la liste des « personnes concernées » que l’histoire se précise. Dans la famille en question, elle se limite aux descendants issus du « premier mariage catholique ». Il n’y a pas de hasard : le 11 septembre 1941, le roi Leopold III, veuf de la reine Astrid, célébra son deuxième mariage catholique avec Lilian Baels, mère des princes et princesses Alexandre, Marie-Christine et Marie-Esméralde. A partir de 1960, après le départ – forçé – de Leopold III de Laeken pour Argenteuil – il n’apparaitra en public avec le roi Baudouin qu’une seule fois : lors des funérailles de la reine Elisabeth en 1965.
En résumé, on pourrait dire que le pardon est plus difficile en famille que devant la justice.
Cette condition « spirituelle » en met d’autres en avant. Les avantages éventuels se limitent aux descendants d’un mariage catholique. Le divorce est exclu. Le mariage civil – ouvert au same-sex – ne suffit pas. Ce ‘cordon sanitaire’, propose une lecture catholique très traditionnelle.
Pourtant, c’est notre Reine à tous. Elle a du oublier – ou ses conseillers ont omis de rappeler que – si non devant leur Dieu – au moins devant la loi, tous les enfants naissent égaux.
Autre anomalie – donc dans une lecture juridique – vis-à-vis de notre société civile : l’exclusion de descendants non « biologiques ». Respectons le choix de la reine Fabiola et le roi Baudouin de ne pas adopter des enfants. Les complications constitutionnelles et politiques l’expliqueraient déjà, certainement dans les années ’60.
Difficile par contre encore en septembre 2012 de lire cette exclusion autrement que par aversion. D’une part, du risque de ne pas tout maitriser, tout au moins pour le moment. D’autre part, par obsession de cette volonté de Dieu qui ne l’a pas voulu. Il faut se rappeler que l’Eglise, même dans l’histoire récente et même en Belgique, n’a jamais été précurseur pour l’adoption : au contraire, elle a toujours tout fait pour freiner cette institution juridique.
Concluons avec maître Fernand Keuleneer que la reine Fabiola a des droits comme chacun et chacune : d’optimaliser son héritage privé et de le tailler en fonction de sa conviction intime.
Elle l’aura fait parfaitement, mais elle aurait pu le faire différemment.
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