La fièvre constructrice privée envahit Charleroi
Si on additionne les permis accordés pour des nouveaux logements privés et ceux qui sont à l’étude, on aboutit à un total de plus de… 3 000 unités depuis 2012 à Charleroi. Zoom sur deux projets audacieux pour redynamiser la ville.
Comme d’autres villes du pays, Charleroi se prépare depuis quelques années déjà à un boom démographique. Et pas des moindres puisque, selon les estimations, sa population grimpera à plus de 250 000 habitants en 2050. Soit un afflux de quelque 50 000 habitants en une trentaine d’années. Pour accueillir tout ce petit monde, les autorités carolorégiennes s’activent à promouvoir la production de logements. En stimulant des projets publics, bien sûr – 230 permis pour des nouveaux logements publics ont été accordés sous la mandature – mais aussi, et surtout, en soutenant ceux portés par le secteur privé.
Récemment, » dans un souci de précision « , l’échevine de l’urbanisme et du logement Ornella Cencig (MR) et le bourgmestre Paul Magnette (PS) ont lancé un » outil comparatif global » pour comptabiliser les logements unifamiliaux privés construits sur le territoire carolo ces cinq dernières années. D’après leurs calculs, non moins de 1 439 logements ont été autorisés au sein des quinze communes de Charleroi. Pas question, toutefois, de sacrifier la qualité à la quantité. » Pour chacun d’entre eux, précisent les deux élus, les procédures d’octroi ont fait l’objet d’une attention toute particulière, tant par le collège communal que par l’administration de la Ville. » L’objectif étant que la densification du parc résidentiel se réalise en répondant aux besoins des futurs occupants des lieux.
Concrètement, l’étude porte sur les octrois de permis d’urbanisme délivrés entre décembre 2012 et février 2018 et » exclut toute création de logements privés par le biais de subdivisions ou de changements d’affectations, ainsi que toute construction de logements publics « . Sur les 1 439 unités d’habitation recensées, 618 sont des maisons unifamiliales et 821 des appartements, dont deux tiers comptent deux chambres (contre 19 % de 1-chambre, 16 % de 3-chambres). La qualité prônée par les pouvoirs publics se marque notamment dans la superficie des biens, supérieure à la moyenne : 192 mètres carrés pour une unifamiliale, 96 mètres carrés pour un appartement.
Quid des dossiers de demande de permis d’urbanisme actuellement en cours d’analyse ou en projet ? D’après les services de l’urbanisme, ils portent sur un total de 1 624 logements privés. Parmi les plus importants figurent le Left Side Business Park (400 unités), le River Tower (350), le nouveau quartier des Hiercheuses à Marcinelle (350) et celui du Sacré Français à Dampremy (340).
Les Hiercheuses, un futur quartier vert au Pays noir
Fondé au pied d’un ancien terril haut de 200 mètres, le futur quartier des Hiercheuses de Marcinelle, signé par le bureau carolo Syntaxe Architectes, se rattache au passé industriel du bassin de Charleroi. » Le terme « hiercheuses » désigne les ouvrières des charbonnages, chargées de pousser les berlines à la force des bras dans les mines « , explique Sylvie Vandezande, de la société de construction éponyme, qui porte le projet. En un siècle, la suie a été balayée et c’est un ensemble résolument vert qui verra le jour au sein du parc de vingt hectares qui s’est réapproprié les lieux. Au programme, des logements (intergénérationnels notamment, avec de l’habitat kangourou), une maison de repos, une résidence-services, une crèche, des bureaux et des commerces de proximité. » Nous souhaitons intégrer le nouveau quartier dans le tissu existant, précise Sylvie Vandezande. Puisqu’il côtoie trois hauts immeubles à appartements voisins, trois tours de sept, onze et quinze étages seront élevées pour leur répondre. Nous voulons que le site s’ouvre vers la ville de Charleroi, dont la gare est distante de moins d’un kilomètre seulement. »
Fort de 1 200 futurs habitants, le quartier des Hiercheuses se déploiera sur six hectares. Dix seront en libre accès et le solde, protégé. » Le projet a été pensé pour être le plus respectueux possible de l’environnement. « , assure Sylvie Vandezande. En effet, un chauffage urbain basé sur la géothermie permettra à 20 % des logements d’être autonomes, des microéoliennes fonctionnant avec des vents de 5 km/h et pour lesquelles la société est en discussion avec la Sonaca seront placées sur les toits, tandis que les eaux grises seront traitées et récupérées pour l’arrosage des plantes et les toilettes. Côté mobilité, les voitures seront consignées aux abords du nouveau quartier, uniquement accessible aux modes de déplacement doux.
Après avoir acquis le site il y a dix ans, le début du chantier est prévu pour début 2019. Budget ? 130 millions d’euros. » C’est un peu trop lourd pour notre société familiale, c’est pourquoi nous sommes à la recherche d’investisseurs « , conclut Sylvie Vandezande.
Des tours et une marina à l' »Ohr ! zons »
Portés par le groupe Eiffage Immobilier et oeuvre du bureau carolo RGPA, les lots 5 et 6 (1,3 hectare) du projet Left Side Business Park ont déjà beaucoup fait parler d’eux. Et pour cause, le site, baptisé » Ohr ! zons « , se caractérise par cinq tours – trois côté ville, résidentielles, et deux côté ring, destinées à du bureau (13 000 mètres carrés) et des logements intergénérationnels avec services – ancrées au bord d’une… marina. Ou plutôt d’un » relais nautique » ou » place bleue » puisqu’il n’est pas question de mer mais d’un fleuve, la Sambre, détournée dans une poche créée entre le ring et le boulevard Tirou, en lieu et place des bureaux du ministère des Finances et des TEC.
» Les tours ont été pensées non pas pour se replier sur elles-mêmes autour d’un îlot central réservé aux seuls occupants, mais pour être ouvertes sur l’espace public, dans lequel elles s’intègrent « , décrit Brice Polomé, de l’atelier d’architecture RGPA, né de l’association des bureaux Réservoir A et Goffart-Polomé. » Le choix de la hauteur est compensé par les socles, qui s’ajustent aux gabarits existants tout en préservant une emprise au sol réduite. Cette implantation audacieuse permet de tisser une couture avec le noyau urbain. »
A l’étude depuis quelques années, le projet nécessite lui aussi des investissements privés pour démarrer. Et le plus tôt sera le mieux puisqu’Eiffage espère livrer au moins un immeuble en 2020, parallèlement à l’inauguration de la marina. Le port autonome, qui la développera grâce à des fonds européens Feder, vient en effet d’en attribuer le marché à Tractebel pour une finalisation d’ici à deux ans.
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