Nicolas Baygert
La famille royale belge doit s’inspirer des Windsor
« Fons Pereos », nom choisi par la reine Fabiola pour sa fondation, renvoie au terme latin pereo : je meurs. Qualis artifex pereo ! (« Quel artiste périt avec moi ! ») furent ainsi, d’après Suétone (1), les derniers mots de Néron. Qualis regina pereo !, semble exprimer la veuve du roi Baudouin, entraînant la monarchie belge tout entière dans son plan obsèques.
Ces derniers jours, hormis le baron Delpérée, le monde politique belge aurait presque relancé la piste de l’arbalétrier, qui menaça la reine à plusieurs reprises. On assista à la fusion des agendas N-VA et PS, formant une union sacrée à la chambre contre la fieffée bigote. En désirant sécuriser son trésor la reine ouvrit une nouvelle brèche dans la boite de Pandore. Car au-delà de la réduction de la dotation des membres de la famille royale, devenue priorité gouvernementale (le politique se mesurant dorénavant à sa faculté de digérer l’émoi, voire à le sublimer en nouvelle loi), c’est le basculement vers une monarchie purement protocolaire qui semble être remis à l’ordre du jour.
Constatons qu’après le tollé provoqué par l’ouvrage de Frédéric Deborsu (2), la polémique autour du discours royal et l’affaire Pereos, les Saxe-Cobourg-Gotha semblent connaître leur « annus horribilis ». Et à l’instar des Windsor en 1992, nos monarques étalent plus que jamais leur décalage sociétal et leur déficit communicationnel. Gageons que même réduite à une forme protocolaire, le constat resterait le même. Car c’est justement là que le bât blesse : si la monarchie désire perdurer par-delà le règne d’Albert II, il est urgent que celle-ci professionnalise sa conception du protocole (compris comme « l’ensemble des conventions qui facilitent une communication ») en s’inspirant, par exemple, de ses cousins d’outre-Manche.
En effet, à mille lieues des placements pieux de Fabiola, la monarchie britannique a su, dès Edouard VII (1901-1910), se muer progressivement en « Welfare Monarchy » au service des gens, allant jusqu’à se positionner en marque charitable tel Oxfam. De même, là où, en Belgique, officie l’indéboulonnable chef de cabinet Jacques van Ypersele de Strihou, « The Firm » (comme se nomment eux-mêmes les Windsor) s’entoure de spins doctors et de communicants de crise réputés, tel l’ancien journaliste du Financial Times et ex-DirCom de Manchester United, Paddy Harverson. Objectif : une communication assertive, en phase avec son époque. Aussi, à l’opposé des crispations devant la caméra de notre prince héritier, Elizabeth II présentait, il y a peu, ses premiers voeux en 3D. Du reste, YouTube, Twitter et Facebook permettent aux Royals de demeurer continuellement connectés à leurs sujets.
Du côté belge, conseiller conjugal hors pair durant 535 jours, Albert II paraît désormais affaibli suite au « point Godwin royal » relevé durant son discours de Noël (malgré le contreseing de son speechwriter officieux, Elio Di Rupo). Les couacs se succèdent et la monarchie encaisse. Mais la Belgique connaît aujourd’hui une concurrence au sommet : quelle place pour le roi et sa famille face au volksheld (héros du peuple) Bart De Wever – considérant la royauté « incompatible avec la démocratie » – et au Premier Di Rupo, au style présidentiel et au phrasé solennel ? Aussi, dans ce combat symbolique pour la représentativité populaire, la juste appréciation des relations publiques s’avère primordiale. Encore faut-il s’en donner les moyens.
Nicolas Baygert
(1) Vies des douze Césars, Suétone, préf. M. Benabou, trad. H. Ailloud, Paris, Gallimard, 1975.
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