La douceur plus que la rigueur pour une éducation respectueuse et bienveillante
Si la fessée n’est toujours pas explicitement interdite en Belgique, de plus en plus de jeunes parents bannissent les violences éducatives ordinaires (VEO). Au coeur de leur approche: une éducation respectueuse et bienveillante.
L’acronyme VEO signifie « violence éducative ordinaire » et désigne les violences physiques, psychologiques et verbales, souvent admises et tolérées, infligées envers les enfants sous prétexte d’éducation ou de correction: faire peur, crier, menacer, agresser, humilier, ou encore recourir au chantage. Ces « violences » sont dites ordinaires car souvent quotidiennes et considérées comme banales. Pourtant, elles sont de plus en plus remises en question. Notamment via l’éducation NVEO, une parentalité se voulant positive et proscrivant ces comportements.
Samuel, père au foyer et suivi par plus de 115.000 personnes sur sa page Instagram @samueletgaspar, dexpose son quotidien avec Gaspard, son fils de 2 ans. Il décrit cette éducation comme « une approche de la parentalité qui considère l’enfant comme l’égal du parent et dont les besoins doivent être respectés ». Et comme lui, de plus en plus de nouveaux parents tendent à se tourner vers une nouvelle forme de dialogue entre adultes et enfants.
D’après l’association StopVEO Enfance sans violences, fondée en 2016, « beaucoup de jeunes parents se questionnent et remettent en cause leur propre éducation. Ils souhaitent que leur enfant grandisse dans un monde plus respectueux de leurs droits. Ce n’est pas un courant ni une mode. C’est juste le respect des droits des enfants pour qu’ils soient considérés comme n’importe quel autre être humain ». Après le vote de la loi contre les châtiments corporels en Suède en 1979, les droits de l’enfant ont été fixés le 20 novembre 1989 dans la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations unies. Celle-ci est entrée en vigueur en Belgique le 15 janvier 1992. Pourtant, seule la Communauté flamande interdit formellement les violences éducatives dans ses institutions.
Ce n’est pas un courant ni une mode. C’est juste le respect des droits des enfants.
Des mots sur des émotions
Durant sa grossesse, Sarah, animatrice extrascolaire de 31 ans, s’est beaucoup renseignée via les réseaux sociaux. Après plusieurs rencontres avec ce curieux acronyme, elle s’est interrogée sur des comportements jugés comme normaux par le plus grand nombre. « Les violences éducatives ordinaires sont encore très courantes, du fait de leur caractère héréditaire, expose la jeune maman. Nous répétons une partie de l’éducation que nous avons reçue, parfois de manière automatique, et il est important d’être informé pour pouvoir remettre en cause notre manière d’être avec nos enfants. » Sarah veille donc à adopter une posture d’exemple pour son fils. En cas de crise, la parade est simple: dialoguer et mettre des mots sur les émotions. L’objectif? Lui donner confiance en lui et en ses aptitudes mais également lui permettre d’avoir confiance en ses parents et de ne pas redouter leurs réactions.
La docteure Catherine Gueguen, pédiatre, formée en haptonomie (science des interactions et des relations affectives humaines) et en communication non violente, a vulgarisé les études des neurosciences affectives et sociales. Dans son livre Pour une enfance heureuse (Robert Laffont, 2015), devenu une référence en la matière, elle démontre que « les neurones du cortex préfrontal où s’établit une bonne part du contrôle rationnel des émotions ne parviennent à maturité qu’au début de l’âge adulte. Les expériences que vit l’enfant ont un impact sur le développement de son cerveau et influencent ses réactions psycho-affectives et sociales lorsqu’il est enfant mais aussi quand il sera devenu adulte. » Lorsqu’un enfant subit des violences éducatives, il ne connaîtrait pas un développement émotionnel normal. Ce qui aura d’importantes répercussions sur son futur. « L’adulte qu’il deviendra sera incapable de réguler ses émotions, il aura des difficultés importantes pour donner de l’affection, éprouver de l’empathie pour les autres et son sens moral, sa capacité à prendre des décisions seront perturbés. » L’enfant apprend par mimétisme et reproduit le comportement de ses parents. S’il est frappé, il retiendra ce geste. A l’inverse, un enfant entouré de tendresse deviendra un adulte davantage bienveillant.
Une approche qui considère l’enfant comme l’égal du parent.
Mais de par sa notion encore floue, le terme « éducation NVEO » engendre beaucoup de débats et de discussions, d’autant qu’il reste encore très peu connu chez nous. « Notre pays présente un réel retard. Sur le plan légal, la Belgique est toujours en défaut d’avoir clairement et explicitement interdit toute forme de VEO. De nombreuses instances internationales ont rappelé à plusieurs reprises l’importance de légiférer en la matière, mais malgré des engagements fermes, rien n’a bougé, analyse Benoit Van Keirsbilck, directeur de la section belge de l’organisation Defence for Children International. Il ne s’agit pas d’en faire des enfants rois. Le fait de ne pas admettre ces violences ne veut pas pour autant dire qu’il ne faille pas mettre de limites. »
Accusations de laxisme
En plus d’être parfois considérés par leur entourage comme de « nouveaux laxistes », Samuel et Sarah sont confrontés au même combat quotidien que la majorité des parents: la fatigue. « C’est chronophage d’exposer, d’adapter, de proposer des alternatives quand un « non » sans explication, une mise au coin ou une fessée sont une réponse rapide, détaille la jeune femme. Quand je suis au bout du rouleau et que plusieurs situations s’enchaînent, il m’arrive de me mettre en colère, comme tout le monde. Je pense que l’important est alors d’expliquer à l’enfant ce qu’il s’est passé et pourquoi nous avons réagi de la sorte. »
Bien qu’il reste difficile de déconstruire les idées reçues et de faire émerger une certaine prise de conscience, les études tendent à démontrer la nocivité de l’éducation par la peur et la violence. Ces dernières laissent des traces qui continuent à influer sur le comportement adulte. Toutefois, il serait également contre-productif d’endosser le rôle de super-héros qui réussira à ne commettre aucune erreur dans sa parentalité. Une fois cela intégré, il devient plus facile de faire preuve de plus de bienveillance envers soi-même, ce qui constitue sans aucun doute le socle d’une éducation davantage positive.
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