La demande d’extradition d’Abdesalem Lassoued perdue de vue depuis le 12 septembre 2022
Le procureur du Roi de Bruxelles faisant fonction, Tim De Wolf, a déclaré à la presse que la dernière trace de la demande d’extradition d’Abdesalem Lassoued, que son office avait reçue le 22 août 2022, date du 12 septembre 2022.
« Aucun des collègues concernés ne se souvient de ce qu’il est advenu de ce dossier spécifique il y a un an. Il n’y a aucune trace d’un traitement ultérieur », a-t-il dit, la mine grave, tentant de faire toute la transparence sur la procédure.
« Force est de constater qu’il n’y a pas eu d’autre traitement. Le dossier a été placé dans une armoire avec des dossiers en cours, où il doit être disponible en permanence au cas où la personne visée serait retrouvée lors d’un contrôle de police », a encore indiqué Tim De Wolf. « Afin d’éviter de perdre de vue des dossiers, une vérification de tous les dossiers en cours est effectuée deux fois par an. En raison du nombre croissant de dossiers dans le département concerné, cette vérification n’a pas pu avoir lieu au printemps de cette année« , a-t-il ajouté. « Comme nous n’avons aucune trace de l’itinéraire exact du dossier, il ne sera malheureusement jamais possible de donner une réponse complète à toutes les questions« , a admis le magistrat.
« Il est important de souligner que les facteurs cités, tels que la charge de travail générale élevée qui a empêché l’examen périodique des dossiers en cours, sont une tentative d’expliquer le cours des événements et non de chercher des excuses. Il est donc vrai que le grave sous-effectif du parquet de Bruxelles a joué un rôle, mais si cela permet d’expliquer en partie le cours des événements, ce n’est pas une justification », a insisté Tim De Wolf, rappelant que le nombre de dossiers que son office a à traiter a augmenté de 25% en deux ans pour atteindre 1.650 dossiers en 2022.
Genèse du dossier
Le procureur a évoqué la genèse de ce dossier. Il apparaît tout d’abord que, le 1er juillet 2022, les autorités tunisiennes ont signalé via Interpol Abdesalem Lassoued, l’auteur de l’attentat qui a fait deux morts à Bruxelles lundi. Puis, le 15 août, les autorités tunisiennes ont adressé à la Belgique une demande d’extradition pour cet individu.
Le 22 août, le parquet de Bruxelles a reçu une copie du signalement avec la demande d’extradition, qui précise que l’individu est recherché pour une évasion de prison. Lassoued avait été condamné à plus de 26 ans de prison en Tunisie en 2005 et s’était évadé en janvier 2011. Le parquet a également reçu des « documents annexes » le 8 septembre.
Le dossier de demande d’extradition a ensuite été « préparé » le 12 septembre par « l’administration du parquet ». Il a en effet été possible de constater que « deux questions pour le magistrat traitant ont été notées sur le dossier ». C’est la dernière trace de travail au parquet sur cette affaire. « On ne peut que supposer, mais cela reste une hypothèse et non une certitude, que dans le cadre du mode de fonctionnement habituel, ces questions ont probablement été discutées oralement par un collaborateur administratif et le magistrat traitant« , a tout juste pu dire Tim De Wolf. « Il est possible que le magistrat a demandé que le dossier soit soumis à nouveau plus tard, en raison d’un trop grand nombre d’affaires urgentes à ce moment-là ».
Plus d’efficacité
Le procureur a clos son exposé par une sorte de mea culpa de son office. « Le fait que [la vérification dudit dossier] ne se soit pas produit en raison d’un concours malheureux de facteurs est dramatique dans les circonstances actuelles. Il laisse des traces profondes chez tous les collègues impliqués, qui donnent le meilleur d’eux-mêmes chaque jour dans le traitement des dossiers. La société n’a pas reçu ce à quoi elle a droit, ce qui blesse profondément notre sens des responsabilités ».
Le parquet de Bruxelles va examiner ces prochains jours comment, malgré le sous-effectif actuel et dans l’attente du renforcement annoncé par le gouvernement fédéral, il peut encore modifier son fonctionnement interne pour une meilleure efficacité.
« Je regrette que ce magistrat soit publiquement attaqué »
Le procureur général de Bruxelles, Johan Delmulle, a, quant à lui, déclaré lors de cette conférence de presse, qu’il déplorait vivement les attaques contre le magistrat qui avait en charge la demande d’extradition d’Abdesalem Lassoued.
« Nous allons, avec le magistrat concerné, examiner demain, de façon formelle, ce qu’il s’est passé exactement, et ce de manière objective, sereine et contradictoire« , a annoncé Johan Delmulle. « Je regrette que ce magistrat soit publiquement attaqué, car un magistrat doit pouvoir se défendre », a-t-il dit.
Le procureur général est revenu également sur les « mesures structurelles prises hier » et « remercie le ministre de la Justice (démissionnaire, ndlr) d’avoir pris la décision de remplir et de renforcer le cadre du parquet de Bruxelles« . Le haut magistrat a rappelé que le parquet de Bruxelles compte actuellement 95 magistrats, alors que le cadre en prévoit 119.
Samedi soir, le Kern s’est réuni en urgence à la suite de l’annonce vendredi soir de la démission du ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne. Il a décidé que le cadre du parquet de Bruxelles sera renforcé de cinq magistrats et qu’un nouveau procureur du Roi de Bruxelles sera nommé. Actuellement, c’est le procureur du Roi adjoint, Tim De Wolf, qui assure cette fonction.
Le Kern a également pris la décision de compléter les effectifs de la police judiciaire de Bruxelles par 50 équivalents temps plein supplémentaires.