Bernard Devos
« La Convention internationale relative aux droits de l’enfant s’applique à tous les enfants. Sans distinction. »
Il y a deux ans, fin 2016, le Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration Theo Francken annonçait la fin de la » crise de l’accueil » et entreprenait, en conséquence, le démantèlement d’une série de structures d’accueil pour demandeurs d’asile, dont plusieurs à destination des Mineurs Etrangers Non Accompagnés.
Nous avions signalé à l’époque que la démarche était insensée et risquait de créer, à court ou moyen terme, un engorgement du système d’accueil dont les MENAS souffriraient immanquablement.
Fin 2016 en effet, personne ne pouvait échapper aux images de ces enfants d’Alep, blancs de la poussière de leur propre maison et rouges de leur propre sang. Personne ne pouvait ignorer que, 60000 êtres humains, dont de nombreuses femmes et de nombreux enfants, étaient coincés dans des hotspots insalubres où ils vivaient sans protection, dans la peur, entourés de barbelés. Personne ne pouvait passer sous silence ces autres dizaines de milliers d’enfants, de femmes et d’hommes, coincés en Turquie et qui servaient déjà d’otages et de monnaie d’échange au gré des marchandages indécents avec l’Europe.
A force de limiter les capacités d’accueil et de réduire le personnel dédié à l’enregistrement des demandeurs d’asile, c’est le système entier qui patine à nouveau. Depuis ce 22 novembre, en raison d’une nouvelle augmentation des demandes d’asile, le Secrétaire d’Etat en charge de l’asile et la migration a décrété une limitation des demandes d’asile à environ 50 par jour, la priorité étant donnée aux demandeurs d’asile les plus vulnérables.
Le tri entre les personnes se fait sur base de leur apparence physique sans que leurs déclarations ne soient prises en compte. Résultat : des personnes se déclarant « Mineurs Etrangers Non Accompagnés » ne sont plus accueillies au simple motif qu’elles paraissent majeures ! Des familles avec enfants se voient également refuser l’accès car le quota journalier est atteint.
Ces personnes n’ont dès lors pas accès à l’enregistrement et à l’accueil, qui pourtant doit être garanti chaque fois qu’un enfant est concerné.
Depuis le mois de septembre, le soir et le week-end, l’accueil n’est plus garanti à tous les MENAS signalés par le service des Tutelles à Fédasil. En effet, à défaut de nouvelles places d’accueil en première phase (le taux d’occupation des Centres d’Observation et d’Orientation est proche des 100%), Fédasil n’accueille en dehors des heures de bureau que les jeunes particulièrement vulnérables, tels que les filles, les jeunes de moins de 15 ans, les victimes potentielles de la traite des êtres humains, les jeunes en situation administrative « extraterritoriale » ou encore les jeunes ayant un handicap physique ou mental. Les autres jeunes doivent se présenter le lendemain au Dispatching s’ils souhaitent un accueil.
Cette situation déplorable a pour conséquence directe que plus de 200 jeunes, signalés par le service des Tutelles en soirée ou le week-end, se sont vus refuser un accueil parce qu’ils ne rentraient pas dans les critères repris ci-dessus ! Ces mineurs ont dès lors dû dormir dehors, livrés à tous les dangers de la rue et à ses différents risques d’exploitation.
L’hiver est à nos portes. Depuis plusieurs années, Fédasil met en place un plan hivernal entre le début novembre et le début mars pour les jeunes non demandeurs d’une protection internationale. Ce plan permet aux MENAS signalés par le service des Tutelles d’être accueillis pendant deux nuits en Centre d’Observation et d’Orientation, avant leur enregistrement. Cette année, à défaut de place, ce plan n’est toujours pas lancé et il y a de fortes chances qu’il ne voit jamais le jour…
La Convention internationale relative aux droits de l’enfant s’applique à tous les enfants. Sans distinction.
La Convention internationale relative aux droits de l’enfant s’applique à tous les enfants. Sans distinction. Les Etats signataires, dont la Belgique, se sont engagés à tenir compte de leur intérêt supérieur dans toutes les décisions les concernant, à les protéger contre les mauvais traitements, à leur assurer un niveau de vie suffisant et à accorder une protection spéciale à ceux qui cherchent à obtenir le statut de réfugié. En laissant des enfants à la rue, l’Etat ne respecte pas la Convention. Et c’est lamentable.
Il est grand temps que les autorités politiques fédérales se ressaisissent et prennent leurs responsabilités. Tout mineur, accompagné ou non, qui se présente à l’Office des étrangers doit pouvoir se faire enregistrer et être accueilli le jour même. Sans exception. La sélection des MENA sur base du faciès doit immédiatement prendre fin et chaque mineur doit être traité en fonction de ses droits inaliénables et dans la dignité.
Bernard DE VOS
Délégué général aux droits de l’enfant
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