La « communauté musulmane de Belgique », expression « hasardeuse » voire « erronée »
L’expression « communauté musulmane de Belgique », largement utilisée depuis les attentats du 22 mars, est « hasardeuse et manque de nuance » si l’on considère la communauté institutionnelle des musulmans, écrit Michaël Plastria dans une analyse publiée jeudi par le Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp).
Si l’on se réfère à la « communauté fantasmée » de tous les musulmans, la conception est selon lui « assurément erronée ».
Une communauté se compose de groupes et d’individus, dont le positionnement est variable et évolutif dans le temps. En tant que groupe social, une communauté est elle-même complexe et mouvante, souligne M. Plastria.
Le concept de « communauté musulmane de Belgique » est relativement récent, il a émergé au fil notamment d’événements internationaux impliquant une dimension politique de l’islam comme la révolution iranienne et le 11 septembre. « Cela relève donc d’une construction intellectuelle qui ne va pas de soi », poursuit le chercheur. L’expression vise aujourd’hui essentiellement deux formes.
La première est la communauté institutionnelle des musulmans, en l’occurrence l’Exécutif des musulmans de Belgique, mis en place en 1993 mais qui peine, notamment par manque de moyens, à faire exister une communauté transcendant les différences théologiques et les nationalités. « Sous cet angle, parler d’une ‘communauté musulmane’ parait dès lors pour le moins hasardeux et manquer de nuance », estime Michaël Plastria.
La seconde forme désigne les individus répondant aux caractéristiques dites arabo-musulmanes, sans distinction de nationalité, d’ethnie, de pratique ou d’appartenance religieuse. « Cette forme de lecture essentialiste qui considère que l’individu qui correspond au stéréotype en est un est assurément erronée », affirme l’auteur de l’analyse.
Il rappelle que l’islam de Belgique est majoritairement sunnite, et que ce sunnisme de Belgique est principalement divisé entre le rite malékite dominant au Maroc et le rite hanafite répandu en Turquie. Malgré la variété de courants, les différences internes à l’islam sont moins mises en avant d’un point de vue identitaire que celles existant parmi les chrétiens, ce qui s’explique par la notion de communauté de croyants (Umma), qui est un fondement important de l’islam, selon M. Plastria.
Par ailleurs, l' »islam d’internet », favorisé par le développement des nouvelles technologies, tend également à lisser les différences entre courants, bien qu’il en ait favorisé certains comme le wahhabisme, très actif dans la télévision par satellite.
L’islam en Belgique est aussi une question d’identité culturelle, affirme le chercheur. « Les Etats d’origine, les actes posés par ceux-ci et les formes prises par l’immigration sont des éléments fondamentaux qui déterminent la diversité rencontrée au sein des musulmans de Belgique. »
En combinant ces éléments, il est difficile de parler d’une communauté musulmane de Belgique, conclut Michaël Plastria, qui distingue au moins trois groupes: les Turcs de Belgique, la communauté belgo-marocaine – plus hétéroclite – et la « constellation des autres musulmans ».