La Commission européenne ouvre une enquête sur la prolongation de Doel 4 et Tihange 3
La prolongation des réacteurs nucléaires Doel 4 et Tihange 3 est dans le viseur de l’Union européenne. Une enquête approfondie est ouverte.
La Commission européenne a annoncé l’ouverture d’une enquête approfondie pour vérifier si le soutien public que la Belgique prévoit d’accorder en faveur de la prolongation de la durée de vie de deux réacteurs nucléaires (Doel 4 et Tihange 3) est conforme aux règles de l’UE en matière d’aides d’État. La ministre Van der Straeten y voit une étape attendue de la procédure.
Le gouvernement fédéral a signé en décembre 2023 un soutien à la prolongation de ces deux réacteurs, pour une capacité totale de 2 gigawatts, au moyen d’un partenariat avec l’énergéticien Engie. C’est ce partenariat que l’exécutif examinera plus avant. Il implique le recours à un « contrat pour différence » (CfD, selon son acronyme anglais), qualifié par la Commission de « contrat d’écart compensatoire » (CEC). Or ce n’est que depuis le 1er juillet dernier que la Commission vérifie le respect des principes de conception des CEC, à la suite de l’entrée en vigueur de nouvelles règles d’organisation du marché de l’électricité.
Procédure
L’ouverture de l’enquête approfondie donne à la Belgique et aux tiers intéressés la possibilité de faire part de leurs observations. Elle ne préjuge en rien de l’issue de l’enquête, rappelle la Commission européenne. « Cela fait partie de la procédure« , a relativisé, par la voix de sa porte-parole, la ministre sortante de l’Énergie, Tinne Van der Straeten. « Cela montre que le dossier progresse efficacement. En d’autres termes, la Commission évalue si la conception de l’opération est nécessaire, appropriée et proportionnée. À cette fin, elle invite toutes les parties intéressées à présenter leurs observations », selon la ministre Groen.
Cette dernière souligne le caractère complexe de l’opération, qui implique aussi un forfait pour le traitement des déchets, la création d’une entreprise commune avec l’Etat belge, etc. La ministre se dit confiante. Elle considère que chaque nouvelle étape rapproche la Belgique de l’objectif final : le redémarrage des deux unités pour l’hiver 2025.
Questionnements
Les deux réacteurs sont codétenus par Electrabel, filiale d’Engie S.A, avec une participation de 89,8 %, et Luminus, filiale d’EDF, avec une participation de 10,2 %. Plusieurs clauses de l’accord avec Engie nourrissent les questionnements de la Commission. C’est le cas de la création de l’entreprise commune et de son financement, ainsi que d’une garantie de trésorerie opérationnelle et d’un prêt de 580 millions d’euros.
La Commission s’interroge sur le caractère approprié du CfD, prévu pour la durée de la prolongation. Ce contrat vise à répartir les risques de la prolongation en prévoyant une rémunération de la production d’électricité. Le prix d’exercice doit se baser sur le coût réel de l’extension des unités nucléaires. Ce coût n’est pas encore connu, mais un prix initial sera fixé en 2025, puis actualisé en 2028, en fonction des exigences de sûreté nucléaire établies par l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN).
Certaines dispositions sont susceptibles de décharger « indûment » les bénéficiaires d’une part trop importante des risques, fait observer la Commission. La sélection et l’indépendance de l’agent vendant l’électricité nucléaire seront aussi vérifiées. Autre élément à contrôler: la proportionnalité de la combinaison des aides et du forfait de 15 milliards d’euros qui serait payée par Electrabel à l’État belge en échange de transferts de passifs pour le stockage des déchets nucléaires et du combustible usé.
À ce stade, la justification même de la mesure belge n’est pas en cause. Il s’agit en effet de préserver la sécurité de l’approvisionnement en électricité en Belgique et dans les pays voisins, tout en maintenant l’intensité de carbone du bouquet électrique belge au niveau le plus bas possible. La prolongation vient compléter le « mécanisme de capacité » belge actuel, destiné à faire en sorte qu’il existe une capacité suffisante pour produire de l’électricité et que cette production réponde à la demande prévue.