La Belgique vante son respect des droits de l’Homme devant l’ONU
Dans son rapport, notre pays souligne les progrès effectués depuis 2016 et justifie la « proportionnalité » des mesures Covid. Mais la société civile a été peu consultée et il n’y a pas un mot sur les discriminations linguistiques.
En prévision de son 3ème « examen périodique universel » (EPU) devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, le 5 mai, la Belgique lui a transmis son rapport qui relate l’évolution des droits humains, chez nous, et les progrès réalisés, depuis 2016, année du 2ème EPU, dans la mise en oeuvre des 187 recommandations (sur 232) qu’elle a acceptées. La société civile, associée in extremis à la rédaction de ce rapport, déplore l’ « absence de mesures concrètes ou d’engagements clairs du gouvernement fédéral et des entités fédérées. »
Notre pays vante l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2016, de la Convention d’Istanbul sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique et celle de la loi du 12 mai 2019 portant création d’un Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains (IFDH). A cet égard, l’Association pour la promotion de la francophonie en Flandre dénonce le fait que ce nouvel organe ne puisse traiter de plaintes individuelles et reste, dans l’attente d’un accord de coopération avec les entités fédérées, limité aux matières de compétence fédérale.
La société civile peu consultée
Alors ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders (MR) avait insisté, en 2016, devant l’ONU, sur l’importance que la Belgique accordait à la consultation de la société civile dans le suivi et la mise en oeuvre des recommandations issues des EPU. Ceci pour répondre à une recommandation de la Pologne. Nos ONG et autres institutions de protection des droits humains n’ont, en réalité, été conviées qu’à une seule réunion de véritable débat, en décembre 2019, dans la perspective de l’EPU de mai prochain.
La Belgique porte à son crédit l’élargissement du droit d’accès à un avocat (réforme Salduz), la réduction de la population carcérale et l’amélioration des conditions de détention via la rénovation et la construction de bâtiments. Notons que cette population est passée de 11.800 détenus en 2014 à 10.800 en 2020 et que la capacité carcérale a chuté de 10.300 places en 2014 à 9.200 places en 2020.
Autres progrès avancés : la lutte contre les « abus » du profilage ethnique par les forces de police.
Pas un mot sur les discriminations linguistiques
En 2017, la Chambre a voté le rapport provisoire présenté par sa commission d’experts chargés d’évaluer la législation fédérale relative à la lutte contre les discriminations. Le rapport de la Belgique à l’ONU énumère les efforts développés, depuis 2016, par les entités fédérées en matière d’intégration et de lutte contre les discriminations et le racisme. Parmi cette législation fédérale, figure la loi antidiscrimination de 2007, pour laquelle les experts de la Chambre recommandaient la nomination par arrêté royal d’un organe spécifiquement chargé de lutter contre les discriminations linguistiques. Quatorze ans après le vote de cette loi, nulle trace d’organe compétent… et nulle trace de cette carence dans le rapport à l’ONU.
En matière d’égalité hommes-femmes, notre pays cite la proportion de femmes au sein des conseils d’administration des sociétés cotées en bourse et des entreprises publiques, passée de 8,2% en 2008 à 26,8% en 2017. Et souligne des avancées dans l’enregistrement des personnes transgenres ainsi que l’intégration de la dimension genre « dans tous les domaines et à tous les niveaux de pouvoir ».
Un « Conseil du dialogue » entre les cultes et la laïcité
La lutte contre la pauvreté infantile et la violence à l’égard des enfants est également à l’ordre du jour de programmes d’action du fédéral et des entités fédérées, toujours selon le rapport à l’ONU. Les relations entre les différents cultes et la Laïcité bénéficient, depuis 2017, d’un « Conseil du dialogue », axé sur les questions juridiques et d’actualité ainsi que sur certains changements législatifs.
La Belgique vante aussi sa politique « inclusive » au bénéfice des enfants handicapés dans l’enseignement et des invalides adultes dans le monde du travail. Elle relève que les mineurs étrangers, accompagnés ou non, ne peuvent être détenus en centre fermé et qu’un adulte étranger ne peut être éloigné vers un pays où il serait exposé à une violation du principe de non-refoulement.
Après les attentats terroristes de 2016, notre pays s’est doté de moyens juridiques de répertorier les Foreign terrorist fighters, propagandistes de la haine et personnes condamnées pour terrorisme.
La formation aux droits humains, énonce encore le rapport, est entrée dans les programmes scolaires des différentes Communautés, avec l’éducation à la philosophie et à la citoyenneté.
Covid : des mesures « proportionnées »
Le rapport à l’ONU ne pouvait éluder les conséquences de la crise sanitaire sur l’exercice des droits humains « resté au coeur des préoccupations du gouvernement » via l’adoption de mesures « proportionnées, basées sur les recommandations d’experts, intégrant la dimension de genre et la situation des personnes fragilisées. » Dans cette pandémie, la continuité pédagogique aurait également constitué une des « pierres angulaires » de la politique belge. Le rapport national reste toutefois muet sur la protection des données personnelles, largement mise en cause par divers experts, récemment.
A Genève, le 5 mai prochain, la Belgique sera confrontée à son rapport national, aux documents officiels « pertinents » récoltés par l’ONU ainsi qu’aux informations fournies par des ONG, des Instituts de défense des droits de l’Homme, des Universités et Instituts de recherche et les autres Etats membres de l’ONU.
Michelle Lamensch
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