La Belgique, nouvel eldorado du vin?
La Belgique est un grand pays d’amateurs de vins. Serait-il absurde d’imaginer qu’un jour nous deviendrons aussi terre de grands vignerons ?
Soyons honnêtes : une part de nous-mêmes adorerait titiller le grand frère viticole français. En tout cas, il est certain que dans l’ombre de l’Hexagone se modèle un nouveau paysage viticole belge. Un retour à une tradition ancienne, puisque durant le Moyen Age, les vignes étaient nombreuses : les aléas météorologiques, économiques et surtout une volonté politique (merci Napoléon) ont quasi réduit à néant les vignobles existants.
Ces dernières années, le nombre d’exploitations explose : bien sûr, la plupart sont de taille modeste, mais quelques-unes, comme le Domaine des Agaises (Haulchin) et le Chant d’Eole (Quévy-le-Grand) ont de véritables structures pros. Le domaine du Ry d’Argent (Bovesse) a, quant à lui, passé un cap, celui d’être aussi producteur-négociant puisqu’il a acheté en plus de ce qu’il a produit sur ses 13,5 hectares des raisins à d’autres vignerons en 2018. Ce qui constitue plutôt une bonne nouvelle : les vins belges se font, mais surtout se vendent, avec en tête les effervescents ! Cinquante-cinq à soixante pour cent de la production y sont consacrés contre trente-cinq pour cent pour les vins blancs et dix pour cent environ de vins rouges. D’après l’association des vins wallons, nonante vignerons sont recensés officiellement au sud du pays dont une dizaine de professionnels, et un million de bouteilles ont été produites en 2015. Pas de quoi – encore – donner le tournis à nos voisins mais l’ambition est là. Du côté wallon, on y croit en tout cas dur comme fer, porté aussi par ce subside de 100 000 euros accordé en 2016 par le gouvernement wallon pour promouvoir nos productions viticoles.
D’où vient ce soudain engouement ? Les producteurs misent beaucoup sur le réchauffement climatique : ces degrés supplémentaires pourraient enfin donner les maturités dont nos raisins manquent parfois. Jeanette van der Steen a fait ce pari, en créant l’ambitieux domaine Bon Baron (Lustin). D’après elle, le climat actuel de la Wallonie correspondrait peu ou prou au climat d’il y a trente ans en Bourgogne. On pourrait dès lors espérer que d’ici à quelques années, nous possédions enfin une conjonction sol-météo idéale. Hélas, les choses ne sont pas aussi simples : il n’est pas question que de degrés mais aussi de précipitations. Nous en sommes généreusement pourvus et cette humidité ne fait guère de bien au vignoble, il suffit de voir l’explosion de maladies cryptogamiques. On peut en partie pallier ce souci avec le choix de cépages plus résistants et nécessitant moins de traitements comme le régent à l’abbaye de Villers-la-Ville, le rondo, l’hélios ou le johanitter au domaine du Chenoy (Emines), le solaris au Wijndomein Waes (Gand)… Mais les climatologues sont extrêmement réservés quant au sort de nos régions dans les vingt, trente, cinquante prochaines années. Le réchauffement climatique combiné à la variabilité naturelle, eux-mêmes associés au changement de sens de circulation des masses d’air induisant des épisodes caniculaires ne rendra pas forcément nos vins plus aisés à produire ou meilleurs : ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas tenter l’aventure !
Unanimement, les professionnels reconnaissent une qualité croissante pour nos vins, avec un bémol : il s’agit encore de productions modestes et onéreuses. Pour le consommateur, le prix à payer est relativement élevé. Une bouteille d’Acolon de Bon Baron se négocie autour des 23 euros, quand le chardonnay Goud de Genoels Elderen (Riemst) avoisine les 30 euros.
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