Une partie du nouveau Code pénal porte atteinte à la liberté d’expression, dénonce la LDH
La Ligue des droits humains a interpellé la cour constitutionnelle sur plusieurs dispositions problématiques du nouveau Code pénal, que ce soit pour la liberté d’expression ou sur la question de la privation de liberté.
Plusieurs recours ont été introduits vendredi dernier par la Ligue des droits humains (LDH) devant la cour constitutionnelle, afin de faire annuler certaines dispositions du nouveau Code pénal apparaissant «contraires aux droits humains».
Trois recours en rapport avec la liberté d’expression
En février dernier, le Parlement a approuvé la réforme du Code pénal. Cette révision – la première depuis 1867 – était nécessaire, juge la LDH. Ce nouveau Code pénal prévoit cependant des infractions représentant, entre autres, «une ingérence dans la liberté d’expression», selon l’ONG. Trois de ces recours visent le livre II du Code pénal, relatif aux incriminations. Le premier d’entre eux a été introduit en collaboration avec l’Association des journalistes professionnels (AJP) et son pendant flamand, la Vlaamse Vereniging van Journalisten (VVJ). Il concerne l’élargissement de la notion de divulgation et de réception de secrets d’Etat. Si cette infraction existait déjà dans le Code pénal, son nouveau spectre est «extrêmement large et peu clair», selon Jil Theunissen, juriste à l’AJP. «Des informations très importantes révélées par des journalistes par le passé auraient pu entrer dans cette définition, telles que le dossier Nethys ou celui des PFAS», souligne-t-elle.
Ce recours a par ailleurs été doublé d’une autre requête en annulation contre la loi «Digitalisation de la justice», déjà en vigueur, qui porte sur des dispositions similaires. Une disposition portant sur la question de l’apologie du terrorisme se trouve également dans le viseur de la LDH. Dans sa version actuelle, le Code pénal punit déjà les incitations directes et indirectes au terrorisme. «Si on retire l’incitation de la notion d »apologie’, il subsiste juste le discours. Comment cela peut-il être criminalisé sans porter atteinte à la liberté d’expression ?», s’interroge l’ONG.
Un troisième recours a été introduit en collaboration avec la coalition «droit de protester», qui réunit les trois syndicats, Greenpeace, Amnesty International Belgique, la Liga voor menserechten, ainsi que la LDH. Il concerne l’inscription dans le nouveau Code pénal de l’infraction d’atteinte méchante à l’autorité de l’État. Les requérants estiment que cette nouvelle infraction comporte «de sérieux risques pour le droit de manifester et la liberté d’expression» et dénoncent une infraction «imprécise et équivoque», ce qui «met à mal le principe de légalité.»
Un Code pénal trop répressif?
Outre les atteintes à la liberté d’expression, la LDH vise également le volet carcéral du Code pénal révisé. Un dernier recours concerne ainsi le livre 1er du nouveau Code, qui établit les principes généraux du droit pénal et dresse la liste des peines principales. Dans un premier point, ce recours aborde la question de la récidive. Selon le nouveau Code pénal, un auteur d’infraction pourra voir sa peine aggravée s’il récidive dans un délai de cinq ans. «Les criminologues ont mis en évidence que la prison était un échec depuis des années», regrette l’ONG. «Tout l’esprit du nouveau Code pénal est de sortir de la logique carcérale. Or, cette disposition aspire tous les efforts réalisés par ailleurs», ajoute Olivia Venet, avocate de la LDH.
Le second point touche au traitement sous privation de liberté. Dans sa version initiale, le Code pénal prévoyait soit des peines de prison, soit l’internement pour les personnes souffrant d’un trouble psychologique ou psychiatrique. «Le traitement sous privation de liberté crée une nouvelle catégorie intermédiaire», explique Manuel Lambert, conseiller juridique à la LDH. «Notre crainte est que cette disposition mène à une extension du filet carcéral, et que toute une série de personnes qui n’étaient pas sous le contrôle de la justice ne le deviennent», précise-t-il.
Une réponse de la cour constitutionnelle devrait parvenir à l’ONG dans un délai d’un à deux ans. «La cour sait ce qu’il se passe concernant le respect de l’Etat de droit dans d’autres pays d’Europe et c’est son rôle de le garantir en Belgique. Je pense qu’elle aura à cœur d’examiner nos recours et qu’elle se montrera à la hauteur de cette mission» conclut Olivia Venet.