Un détenu torturé à la prison d’Anvers: le ministre de la Justice confronté au problème de la surpopulation carcérale
Le parquet d’Anvers a ouvert une enquête sur des faits de violence au sein d’une maison d’arrêt à Anvers. Un détenu a été brutalisé par des codétenus et, selon Paul Van Tigchelt, le ministre de la Justice, il restait dans une « situation précaire ». L’opposition n’a pas manqué d’interpeller le ministre sur la question de la surpopulation dans les prisons belges.
L’opposition a pris à partie mercredi après-midi le ministre de la Justice Paul Van Tigchelt (Open Vld), lui reprochant des « mesurettes » (dans les mots du député PTB Nabil Boukili) face au problème criant de la surpopulation carcérale. « On vous avait prévenu! », ont accusé des députés de la commission Justice de la Chambre, depuis les rangs des Engagés, du VB, de la N-VA, de DéFI et du PTB. Le récent incident à la prison d’Anvers, dont un détenu a été hospitalisé mardi soir après avoir été torturé durant trois jours par ses compagnons de cellule, a donné une autre dimension aux critiques.
Ce détenu est actuellement « en situation précaire », a informé le ministre. Selon les dernières nouvelles, il y a surtout « un risque d’infection dû aux brûlures qu’il a subies », a-t-il ajouté. Un médecin légiste a été mis sur le dossier, et l’enquête suit son cours. Selon la députée des Engagés Vanessa Matz, la surpopulation carcérale ne peut en aucun cas « justifier » les faits. Mais il est impossible de ne pas lier ce récit de torture et de viol dans une cellule prévue pour trois mais occupée par six détenus à la problématique de la surpopulation et à celle des conditions de travail des agents pénitentiaires, a-t-elle insisté. « C’est inqualifiable et incompréhensible (…) Comment cela a-t-il été possible? »
À ses côtés, des élues du Vlaams Belang et de la N-VA, ainsi que Sophie Rohonyi pour DéFI et Nabil Boukili pour le PTB, ont demandé au ministre de la Justice ce qu’il avait fait pour s’attaquer à la surpopulation carcérale et pour atténuer la problématique des internés (qui sont des centaines à séjourner en prison sans les soins nécessaires). La décision gouvernementale de faire exécuter toutes les peines de prison, même courtes, ne passe pas. « On savait que ça allait être une catastrophe », si l’ouverture de nouvelles maisons de détention ne suivait pas, a pointé Nabil Boukili. « Vous vous êtes entêtés (…) alors même que l’on vous avait averti à maintes reprises que nous n’étions pas prêts », a renchéri Sophie Rohonyi. Comme d’autres, elle a rappelé que « deux maisons de détention » ont été ouvertes. « En début de législature, votre prédécesseur en avait annoncé quinze ».
Le ministre de la Justice ne s’est pas laissé démonter, déroulant sans hésitation la politique suivie par son gouvernement, une politique qui met inévitablement du temps à se mettre en place et à produire ses effets. « Je suis le premier à admettre que malgré les places créées (1.200 depuis le début de cette législature, assure-t-il), la surpopulation est encore bien trop importante (…) Mais je n’ai pas de baguette magique ». Si on tourne aujourd’hui autour d’une surpopulation de 15%, « il y a 10 ans elle était de 24% », balaie-t-il.
Des efforts mis en place freinés par le Conseil d’Etat
Des places ont été créées, la construction de nouvelles structures se poursuit, le personnel des prisons a gonflé (augmentation nette de 611 personnes, selon le ministre), et l’ambition est maintenue d’avoir davantage de maisons de détention, ces petites structures qui doivent justement servir à l’exécution des courtes peines. Une procédure au Conseil d’Etat a cependant freiné cet effort, a rappelé le ministre, sans parler des réticences au niveau local. Et avec le démantèlement de Sky ECC, il y a eu un afflux important de suspects liés au trafic de drogue dans les prisons. Quant aux courtes peines, leur exécution systématique aurait un effet à relativiser, selon le ministre. « On a actuellement environ 1.000 détenus en prison avec des peines jusqu’à 3 ans de détention. Avant l’application de la loi, on tournait de manière standard autour des 400-500 détenus avec des courtes peines ». « Nous sommes constamment restés en ‘speaking terms’ avec les syndicats, dans une concertation constructive », s’est encore félicité Paul Van Tigchelt.
Au rayon des mesures à court terme, le ministre a rappelé le congé pénitentiaire allongé (un mois sur deux) qui s’applique à certains détenus. La mesure est entrée en vigueur il y a une semaine. « Ce lundi 11 mars, 167 détenus ont été placés sous cette forme de surveillance pénitentiaire », précise le libéral.
Un gain de place bien maigre face à l’ampleur de la surpopulation, s’est empressée de souligner l’opposition. Celle-ci s’est unanimement déclarée insatisfaite des réponses apportées par le libéral flamand. Pour souligner leur propos, Vlaams Belang et N-VA ont déposé une motion de méfiance, exigeant la démission du ministre.