Procès des attentats de Bruxelles: « Vous n’aurez pas ma haine, c’est la justice que je souhaite »
Un nouveau message fort a été directement adressé aux accusés par une victime, jeudi matin, devant la cour d’assises de Bruxelles chargée du procès des attentats du 22 mars 2016. « Vous n’aurez pas ma haine, car la haine c’est vouloir la mort de l’autre, et je ne veux la mort de personne, c’est la justice que je souhaite », a déclaré Pierre Bastin, le papa d’Aline Bastin, une jeune femme de 29 ans décédée dans l’explosion à Maelbeek.
« Vous n’aurez pas ma haine, car je vous plains sincèrement », a poursuivi ce père, ajoutant que la vie de sa fille a été belle, tandis que les accusés sont dans « une bulle de haine et de mort ». Les personnes qui sont décédées « ne demandent pas qu’on les pleure, mais qu’on les continue », a-t-il dit.
« Vous n’aurez pas ma haine, mais vous n’aurez pas non plus mon pardon. Je ne sais même pas si le pardon vous intéresse, car le pardon, c’est la rencontre de deux volontés », a déclaré ce médecin de la région liégeoise. « Au terme de ce procès, et quelle qu’en soit l’issue, le fil qui nous relie sera rompu. Vous sortirez de notre vie à jamais« .
Le sexagénaire a terminé son témoignage en jetant une bouteille à la mer, selon ses mots. « Vous et moi partageons la même nature humaine, alors je vais vous souhaiter la meilleure chose qu’on puisse vous souhaitez dans ces circonstances, celle de prendre un jour conscience de ce que vous avez fait, de comprendre par quel mécanisme vous en êtes arrivés là« .
Avant ces derniers mots, Pierre Bastin a évoqué la personnalité de sa fille, une jeune femme simple, drôle, passionnée de voyages et de littérature. Elle vivait en colocation à Watermael-Boitsfort, où elle a vécu de beaux moments, selon son papa. Elle avait un travail qu’elle adorait – c’est là qu’elle se rendait le 22 mars 2016 au matin – et elle s’apprêtait à s’installer dans son propre appartement. La signature des actes de vente était prévue à midi le jour de l’attentat.
« Sa vocation initiale était le journalisme. Elle a fait un master en communication, puis un autre en Études européennes aux Facultés Saint-Louis à Bruxelles. Elle a ensuite travaillé au CER, la Communauté européenne du rail. Elle adorait Bruxelles pour son côté cosmopolite. Elle n’aurait jamais pensé que le danger viendrait de la ville qu’elle aimait tant. Elle a énormément voyagé en solo, en Inde, en Birmanie, au Japon, à Cuba, ou encore au Cambodge où j’ai pu l’accompagner », a-t-il raconté. « Elle aimait le cinéma, la littérature, en particulier des auteurs comme Sylvain Tesson et Romain Gary. Aujourd’hui, quand je vais au cinéma, je regarde à côté de moi et Aline est là, attentive. En voyage, nous sommes ses yeux et ses oreilles ».
Pierre Bastin a remercié toutes les personnes qui ont embelli la vie de sa fille, notamment les collègues de la jeune femme, qui ont créé au CER un concours de photographies en sa mémoire.
La maman d’Aline était également citée comme témoin jeudi, mais n’a pas eu la force de venir. Son mari a donc lu une lettre qu’elle avait écrite et dans laquelle elle raconte l’angoisse qu’elle a vécue le 22 mars. En déjeunant, elle a entendu à la radio qu’il y avait eu un attentat à l’aéroport de Zaventem et a demandé à son mari s’il ne fallait pas prévenir Aline. Elle raconte l’enchaînement de SMS, de plus en plus insistants, restés sans réponse : « Aline, tu n’es pas dans le métro ? », « Aline réponds. Où es-tu ? » La maman a décrit une matinée « épouvantable » d’angoisse et d’attente.
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Ce n’est qu’après quatre jours que le corps de sa fille a pu être identifié. La police de Watermael-Boitsfort a appelé les parents d’Aline, leur demandant de se déplacer à l’Hôpital Militaire à Neder-over-Heembeek. Une assistante sociale est venue les chercher pour les y conduire. « On se demande encore aujourd’hui comment notre cœur résiste à pareil choc », a écrit la maman. « Le Roi et la Reine étaient là, dignes et humains. La Reine s’est assise à notre table, les yeux humides. Aline est partie sans souffrir (le décès a été causé par le ‘blast’, l’effet du souffle de l’explosion, NDLR), c’est ma seule consolation. On ne se remet jamais de la perte d’un enfant », a-t-elle confié dans sa lettre.