Procès des attentats de Bruxelles: les fouilles à nu auraient ôté à Mohamed Abrini l’envie de se défendre
Les conditions de transfert des accusés détenus – et les fouilles à nu qui vont de pair – au procès des attentats à Bruxelles du 22 mars 2016 expliquent l’absence de Mohamed Abrini à l’audience depuis plusieurs semaines. C’est ce qu’a affirmé mardi Me Stanislas Eskenazi, qui représente « l’homme au chapeau » avec Me Laura Pinilla, à la présidente de la cour Laurence Massart.
« Comment expliquez-vous que M. Abrini n’assiste pas à l’audience? », a adressé cette dernière au conseil de l’accusé. Mohamed Abrini demande en effet depuis plusieurs semaines, en début d’audience, à retourner au cellulaire. Il n’a pas dévié de sa position même lorsque les enquêteurs ont brossé son portrait devant la cour, le 1er février, ni ce mardi pour assister aux questions que ses avocats attendent pourtant de poser depuis de longues semaines pour le défendre.
C’est en cela que le dossier des conditions de transfert est directement lié au procès d’assises, lui a répondu Me Eskenazi.
Depuis le début du procès, les accusés détenus dénoncent leurs conditions de transfert depuis la prison de Haren, où ils sont incarcérés sous haute sécurité, vers le Justitia, situé non loin, où se tient le procès. Une procédure en référé a été engagée par leurs avocats et, le 29 décembre, le tribunal civil de Bruxelles siégeant en référé (une autre juridiction, donc) a interdit les fouilles à nu systématiques et non motivées, au motif qu’elles constituent des traitements dégradants. L’État belge, contraint de faire cesser la pratique, a fait appel. Toutefois, la décision du juge des référés est effective. Or, selon la défense des accusés, elle n’est pas respectée par le service de la DAP (Direction Protection), au sein de la police fédérale, qui est chargée des transferts des détenus.
Ce « ressenti » d’injustice, « c’est en cela que la question relève aussi de votre juridiction », a insisté Me Eskenazi, alors que la présidente rappelle pour sa part régulièrement que la cour d’assises n’est pas compétente pour se prononcer sur les conditions de transfert.
« Le fait de leur imposer ce régime-là (les fouilles à nu, NDLR) leur ôte l’envie de se défendre« , a poursuivi l’avocat. Le pénaliste a ensuite souligné le contraste entre le mutisme de Mohamed Abrini au Justitia et sa présence régulière au procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.
L’accusé a opposé le silence à ses interlocuteurs « chaque fois qu’il a eu l’impression qu’on lui faisait un coup tordu. C’est sa manière de réagir et de faire valoir ses droits », a résumé sa défense. « Je l’ai vu pendant un an à Paris répondre aux questions qui lui étaient posées, se lever quand on le lui demandait, s’asseoir quand on le lui demandait. J’ai même vu des victimes saluer ces hommes », a lancé l’avocat en se tournant vers le box de verre, où n’étaient plus présents mardi que quatre accusés détenus, à savoir Hervé Bayingana Muhirwa, Bilal El Makhoukhi, Ali El Haddad Asufi et Sofien Ayari.
Mohamed Abrini, Osama Krayem et Salah Abdeslam ont, eux, comme à leur habitude, demandé à retourner au cellulaire le temps de l’audience. Le 19 janvier, Salah Abdeslam avait annoncé qu’il n’assisterait plus aux débats jusqu’au verdict, en raison des fouilles à nu pratiquées.