Mohamed Abrini dénonce les conditions de son transfert: « Les choses doivent changer ou je garderai le silence »
L’accusé Mohamed Abrini a demandé à prendre la parole, lundi peu après 12h00, au procès des attentats du 22 mars 2016 devant la cour d’assises de Bruxelles, pour dénoncer les conditions de son transfert de la prison de Haren au Justitia. « On vous humilie, on vous met à nu, vous avez un bandeau sur les yeux et de la musique satanique à fond dans les oreilles », a-t-il fustigé, disant « avoir le sang qui bouillonne ».
« J’ai entendu dire qu’il n’y avait pas de vengeance dans notre état, ça ne passe pas. Ça fait sept ans qu’on subit votre vengeance« , affirme Mohamed Abrini. « Je ne répondrai à aucune question si ça se passe comme ça », a averti l’accusé. « Je prends sur moi pour être là, mais ce sont des choses qui ne se font pas. En France [au procès des attentats à Paris, NDLR], on a été respecté. Les choses doivent changer ou je garderai le silence jusqu’à la fin du procès », a-t-il prévenu.
Les conditions de transfert ne sont pas de la compétence de la cour d’assises, lui a répondu sa présidente Laurence Massart, ajoutant que « les procureurs (fédéraux) vous ont entendu ». Ceux-ci ont alors pris la parole pour préciser que les conditions dénoncées ne ressortaient pas de leur compétence non plus. Elles ont été décidées sur base d’évaluations administratives, en tenant compte de la sécurité des détenus, de leurs proches (c’est-à-dire de leurs avocats) et de la police elle-même, a expliqué le procureur Bernard Michel. Il a assuré à Mohamed Abrini que ses doléances seraient relayées.
Mise en demeure
Dans la foulée, Jonathan De Taye, avocat d’Ali El Haddad Asufi, a abondé dans le sens de Mohamed Abrini. Il a dénoncé les fouilles anales dont son client est l’objet chaque jour de transfert. Cela alors qu’il n’a rien dans sa cellule, qu’il est détenu dans un quartier de haute sécurité à la prison de Haren et qu’il ne voit aucun autre détenu, a-t-il insisté. « Ces gens vont accepter ça tous les jours?! », a-t-il interpellé la présidente. L’avocat demande dès lors des conditions dignes pour ce procès, à l’image de ce qu’il s’est passé à Paris. « Si les conditions de détention ne sont pas dignes, le procès n’est pas digne », a encore lancé Me De Taye.
Au regard de ces conditions, l’avocat a annoncé qu’il enverrait ce lundi une lettre de mise en demeure aux ministres de la Justice Vincent Van Quickenborne et de l’Intérieur Annelies Verlinden. S’ils ne réagissent pas, Jonathan De Taye introduira un référé et demandera à suspendre les débats dans l’intervalle. Il est enfin apparu qu’une lettre écrite notamment par Me Paci, l’avocate de Salah Abdeslam, a été adressée au parquet ainsi qu’aux ministres de l’Intérieur et de la Justice pour demander une amélioration des conditions de détention des accusés.
Mohamed Abrini « ne se dit absolument pas étranger aux faits »
Mohamed Abrini, accusé devant la cour d’assises pour les attentats commis à Bruxelles et Zaventem le 22 mars 2016, « ne se dit absolument pas étranger aux faits », a rappelé lundi, à l’entame du procès, son avocat, Me Eskenazi. Lors du procès des attentats du 13 novembre à Paris, « il a déjà pu s’exprimer sur les faits et les faits belges y ont été évoqués« , a-t-il déclaré.
Me Eskenazi s’est montré soulagé que le procès puisse enfin démarrer. « On a vu le premier jour, le jour de la constitution du jury, que les débats pouvaient se passer sereinement », après la modification du box des accusés qui a retardé les audiences de près de deux mois. Cette sérénité des débats, « c’était l’objectif de la défense », a-t-il réaffirmé.
« On n’a pas de préjugé, pas d’a priori »
La présidente de la session d’assises, Laurence Massart, a rappelé, lundi matin, quelques principes aux jurés, à commencer par celui de l’impartialité dont tout juge doit faire preuve. « On n’a pas de préjugé, pas d’a priori. On ne défend personne », leur a-t-elle dit. Dans ce procès hors normes, dix hommes sont accusés, dont un, Oussama Atar, fait défaut. Les neuf autres, Mohamed Abrini, Osama Krayem, Salah Abdeslam, Sofien Ayari, Bilal El Makhoukhi, Hervé Bayingana Muhirwa, Ali El Haddad Asufi, Smail Farisi et Ibrahim Farisi comparaissent, détenus pour les sept premiers, libres pour les deux derniers.
La présidente a conseillé aux jurés de prendre des notes durant les débats et a insisté sur l’impartialité, le « travail à charge et à décharge » qui incombe aux trois juges de la cour et au jury. « On n’a pas de préjugé, pas d’a priori. On ne défend personne », a-t-elle dit. La magistrate a aussi évoqué deux principes fondamentaux: l’égalité des armes entre les parties et la loyauté dans les débats. « L’accusé a toujours la parole en dernier lieu et les parties civiles n’ont pas la parole sur la peine, en cas de culpabilité, car on n’est pas dans une société de vengeance », a-t-elle ajouté. « Sans vous, le procès s’arrête », a également insisté auprès des jurés Laurence Massart. Lundi, deux jurés suppléants manquaient déjà à l’appel, ce qui fait déjà baisser la « réserve » de 24 jurés à 22, pour ce procès qui sera extrêmement long, entre six et neuf mois.
« Il y a deux phases dans un dossier pénal », a poursuivi la présidente, s’adressant toujours aux jurés. « Il y a la phase préalable au procès pénal. C’est l’enquête. C’est une procédure écrite, qui est secrète. Le dossier n’est alors accessible qu’à certaines personnes et dans certaines conditions. Cette enquête-ci fait près de 300 cartons. Trois juges d’instruction l’ont menée. Vous les entendrez en février. Puis, il y a la phase du procès pénal. Là, c’est inverse, tout est oral et public, donc toute l’enquête va revivre devant vous. »