Procès des attentats de Bruxelles: Mohamed Abrini se serait radicalisé en prison après le décès en Syrie de son frère
Mohamed Abrini se serait radicalisé en prison après le décès de son frère, à la suite d’un bombardement en Syrie, a-t-il été expliqué mercredi devant la cour d’assises chargée de juger les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles et Zaventem. Selon l’exposé d’un enquêteur de la DR3, l’unité anti-terroriste de la police judiciaire fédérale, dressant le portrait de l’accusé, ce décès et ce séjour derrière les barreaux sont les deux éléments déclencheurs de sa radicalisation.
Mohamed Abrini, dit « l’homme au chapeau » ou Abou Yahya, faisait partie du trio de l’aéroport. Il a accompagné les kamikazes Ibrahim El Bakraoui et Najim Laachraoui depuis l’appartement conspiratif de la rue Max Roos à Schaerbeek jusqu’à Brussels Airport. Il y abandonnera sa bombe et prendra la fuite à pied. Il sera finalement arrêté le 8 avril 2016. Ce Belgo-Marocain, né le 27 décembre 1984, n’avait pas d’enfant. Il était en couple et projetait de s’installer avec sa compagne. C’était un voisin proche des familles Abdeslam et Abaaoud. Après une scolarité perturbée par de la dyslexie et de la dysorthographie, il enchaîne les petits boulots. Il ouvre ensuite un snack à Molenbeek en 2013 avec un ami.
Mohamed Abrini vivait principalement d’argent provenant de vols à répétition – il était d’ailleurs surnommé « Brinks » du nom d’une compagnie de transport de fonds – et de jeux comme le Bingo. Il aimait l’argent et les vêtements de luxe, a exposé l’enquêteur de la DR3. Il était connu pour une cinquantaine de faits de droit commun. Il apparait dans le viseur de la police dès 1997, à l’âge de 13 ans, et finira par accumuler un casier judiciaire « assez fourni », selon les mots de la juge d’instruction Sophie Grégoire. Cela sans compter la condamnation par la cour d’assises de Paris pour les attentats du 13 novembre 2015, à la réclusion criminelle à perpétuité, avec une période de sûreté de 22 ans, pour son rôle dans ces attaques.
A partir de 2010, Mohamed Abrini passe beaucoup de temps en prison, où il finira par se radicaliser. Le décès de son petit frère Soulayman en Syrie, des suites d’un bombardement en août 2014, alors qu’il est incarcéré à la prison de Forest, semble avoir été un élément déclencheur. Ses proches constatent en effet un changement dans son comportement. Selon eux, il commence à pratiquer la religion environ un an avant les attaques à Paris. Lorsqu’il sort de prison en septembre 2014, il est décrit comme plus calme et plus religieux. L’homme dira lui-même avoir commencé à lire le Coran durant son incarcération. Il envoie un SMS à sa compagne le lendemain de sa sortie pour lui demander de ne plus sortir de chez elle sans être voilée.
En novembre 2014, sa décision est prise: le Belgo-Marocain veut se rendre en Syrie. Il dit dans un SMS vouloir y aller pour « se battre afin de défendre la cause du Tout Puissant. » Ses propos coïncident alors avec un processus de radicalisation, selon l’analyse de l’islamologue Mohamed Fahmi. Il émet la volonté de réaliser une « hijra » djihadiste, c’est-à-dire quitter son pays pour se rendre dans un pays musulman, et a un discours radical en accord avec le discours djihadiste officiel. Il semble avoir adhéré pleinement avec l’idée du djihad armé, relève l’expert.
Durant un autre séjour en prison, en mars 2015, Mohamed Abrini envoie une lettre à son cousin incarcéré à la prison d’Ittre prouvant, pour l’islamologue, sa radicalisation. Il s’y présente comme un pieu pratiquant la bienfaisance et se permet de donner des conseils islamiques. Il marque un intérêt prononcé pour l’islam et a développé lien émotionnel avec sa croyance. Pour l’accusé, l’organisation terroriste Etat islamique serait un bon exemple à suivre puisque celui-ci serait religieusement légitime, a noté l’expert.