Procès des attentats de Bruxelles: un des premiers policiers intervenus à la station Maelbeek livre un témoignage poignant
Un policier, qui en mars 2016 faisait partie de la police des chemins de fer, en charge de la gestion des plans catastrophe pour le métro à Bruxelles, a livré vendredi après-midi devant la cour d’assises de Bruxelles un témoignage poignant de son intervention à la station Maelbeek, peu après l’explosion qui a coûté la vie à 16 personnes le 22 mars 2016.
Très ému, le témoin a dû interrompre à plusieurs reprises son récit, coupé par ses larmes. Le policier reste très marqué par son intervention dans la station de métro Maelbeek, expliquant à la cour bénéficier d’un suivi psychologique. « Malheureusement, tout le suivi du monde n’enlève pas les images, n’enlève pas les odeurs », a-t-il confié.
Ce policier, qui est désormais affecté à la circulation car « le métro, c’était plus pour moi », a expliqué que le 22 mars 2016, il est dépêché, avec un collègue, vers l’aéroport de Zaventem où deux explosions avaient retenti. Sur le chemin, alors qu’ils se trouvaient à hauteur de la rue du Trône, les agents reçoivent cependant un appel les avertissant d’une explosion à Maelbeek. « On a fait demi-tour. »
Comme à son habitude, le binôme policier se sépare: l’un reste à l’extérieur de la station tandis que le témoin pénètre à l’intérieur. « La fumée était très dense, je ne voyais pas mes mains », a-t-il raconté. « Sur la mezzanine, j’entendais des voix, des gens pleuraient, hurlaient. » L’agent les évacue et effectue des aller-retours. « Je me rappelle m’être dit qu’il fallait que j’arrête de crier police » en descendant dans la station, car il craint d’être pris pour cible.
Après avoir évacué plusieurs personnes, le policier s’enfonce dans la station et arrive sur le quai. Il explique être confronté directement à des blessés graves, dont une femme, propulsée contre le mur de la station. « Elle était consciente, elle essayait de ramper, elle gémissait. J’ai vu son état et je savais que je ne pourrais pas faire grand-chose. »
La station est ravagée, le témoin décrit les gravats, les corps « un peu partout », le toit de la deuxième voiture qui s’était entièrement replié sur le troisième wagon… « Je perdais mes moyens, je ne savais plus quoi faire, je sentais mes mains trembler », se rappelle-t-il.
Il finit par descendre sur les voies et rencontre alors le conducteur de la rame de métro, qui « titubait » et répétait sans cesse « voiture 2 ». Il l’évacue et le policier s’attelle alors à établir un premier bilan de la situation: « je compte le nombre de blessés, le nombre de morts. C’était très difficile« .
Le policier se souvient, ému, d’une victime, une femme d’une cinquantaine d’années très grièvement blessée. Elle lui demande de l’aide. « Sachant qu’elle n’en avait pas pour longtemps, je lui ai menti, en disant qu’on évacuait d’abord les enfants et les adolescents mais que dès que c’était fini, promis, je revenais (vers elle). Elle m’a répondu ‘merci, excusez-moi de vous avoir dérangé’. »
Le témoin explique que sa mission était de sécuriser les lieux et de prodiguer des informations aux services de secours. « Je voulais être sûr qu’il n’y avait pas d’autres objets explosifs, pour permettre aux pompiers de travailler. » Il pointe les difficultés de communication, les réseaux étant saturés, ce qui l’oblige à remonter plusieurs fois en surface pour transmettre des informations à son équipier et d’autres équipes de police arrivées sur les lieux, qui mettent en place un périmètre de dissuasion, pour éloigner la population du site.
L’agent revient également sur l’état d’alerte dans lequel les intervenants étaient à ce moment-là, alors qu’ils apprennent qu’une valise a été retrouvée à Zaventem et est considérée comme engin piégé. « Il y avait une valise derrière le métro, avec des fils électriques qui dépassaient. Elle correspondait à la description de la valise retrouvée à Zaventem donc je donne l’ordre d’évacuer la station », se souvient le policier.
Le témoin a terminé son intervention en confiant qu’il s’agissait de « la plus grande catastrophe que je vivais, de loin la pire (…). Tous les policiers et les pompiers, on est régulièrement amenés à voir des accidents, des meurtres. Mais des choses comme ça, c’est exceptionnel. Et pourvu que ça reste exceptionnel ».
Les accusés présents à l’audience
Depuis le début du procès, la présence des accusés détenus à leur procès devant la cour d’assises de Bruxelles reste incertaine. Salah Abdeslam, Mohamed Abrini, Osama Krayem, Sofien Ayari, Bilal El Makhoukhi, Ali El Haddad Asufi et Hervé Bayingana Muhirwa dénoncent les conditions dans lesquelles ils sont transférés depuis la prison de Haren vers le Justitia, où se tient le procès.
Ces conditions de transfert ont été longuement débattues depuis mardi, les avocats de la défense s’offusquant que des fouilles à nu systématiques soient encore opérées malgré une ordonnance du tribunal civil de Bruxelles siégeant en référé les interdisant de manière systématique et non motivées par un danger précis.
La journée de jeudi avait été consacrée aux motivations des fouilles à nu – qui avaient dû être traduites du néerlandais vers le français, langue de la procédure. Ce vendredi, les justifications ont une nouvelle fois été transmises en néerlandais et ont été envoyées en traduction. La présidente de la cour d’assises a précisé qu’à partir de lundi, elles seraient communiquées en français directement.
Si les sept accusés détenus étaient bien présents à l’entame de l’audience, deux ont cependant décidé de ne pas assister aux débats, à savoir Osama Krayem et Salah Abdeslam. Ce dernier a d’abord sollicité la parole à la présidente de la cour, pour évoquer les conditions de transfert. Laurence Massart lui a assuré qu’elle lui donnerait la parole à la suite de l’exposé des pompiers, qui doivent retracer leur intervention à Maelbeek le 22 mars 2016. L’accusé a ensuite décidé de ne pas assister à l’audience.
Les pompiers avaient dressé un bilan de 141 blessés à Zaventem et de 154 à Maelbeek
Le major Nicolas Jalet a brièvement abordé l’intervention des pompiers bruxellois après les explosions à l’aéroport de Zaventem le 22 mars 2016, avant de concentrer son exposé sur l’intervention des secouristes après l’explosion dans la station de métro Maelbeek, qu’il a lui-même commandée. L’officier a tenu à préciser que les pompiers de Bruxelles étaient intervenus en grand nombre à Zaventem, en soutien de leurs collègues de la zone de secours du Brabant flamand Ouest.
Le témoin a indiqué que le bilan dressé à la fin des opérations de secours le 22 mars faisait état de 141 blessés à l’aéroport de Zaventem et de 154 blessés à la station de métro Maelbeek. Par ailleurs, 16 personnes ont perdu la vie à Zaventem et 16 autres à Maelbeek.
Le major Jalet a également souligné le « bilan non négligeable » des moyens engagés ce jour-là par les pompiers de Bruxelles, soit « plus de deux tiers du personnel de garde » déployés.
Le major a dressé un bilan de l’intervention des pompiers qui, en une trentaine de minutes, ont pu clôturer le sauvetage de toutes les personnes ayant survécu à l’explosion dans la rame de métro. Parmi les facteurs de « succès », il a salué la coordination entre les services médicaux et les pompiers, qui a permis de faciliter la circulation des informations et la mise en place d’actions concrètes. La météo clémente a aussi permis de placer des blessés sur le trottoir tout en évitant le risque d’hypothermie.
La typographie du site a, elle, été décrite comme un facteur de chance et de malchance. De nombreuses victimes encore mobiles ont pu s’extraire elles-mêmes de la station et atteindre la rue de la Loi. « Une sorte de pré-tri s’est effectué. » Cependant, les pompiers sont arrivés sur les lieux du côté de la chaussée d’Etterbeek, point d’accès le plus rapide pour eux, ce qui les a empêchés d’obtenir une vision globale immédiate du nombre de blessés.
Les opérations de sauvetage par les pompiers de Bruxelles se sont terminées à 09h43, laissant ensuite la place aux services de déminage qui ont dû inspecter plusieurs colis suspects. Une fois le site déclaré sûr, les pompiers ont procédé à une ultime vérification, pour s’assurer qu’il ne restait aucun blessé. Entre midi et 13h00, « nous levons le camp progressivement ».
« On peut préparer, anticiper. Mais on fait face à une situation éprouvante, pénible psychologiquement, qui renvoie à ce que nous sommes profondément. Aurions-nous pu faire mieux? Sauver plus de victimes? Ces questions resteront pour toujours (dans la tête de) tous les collaborateurs qui ont dû faire face aux éléments ce jour-là », a témoigné Nicolas Jalet.