Me Dayez, avocat de Marc Dutroux: « Il n’est pas exclu que nous réintroduisions une demande de libération conditionnelle »
La libération sans condition de Michelle Martin a lieu ce vendredi. Une étape qui dirige inéluctablement les regards vers Marc Dutroux. Son avocat, Me Bruno Dayez, déclare au Vif ne pas exclure une nouvelle demande de libération à moyen terme. « Marc Dutroux serait beaucoup plus en danger que dangereux s’il était libéré.»
Michelle Martin, l’ex-épouse de Marc Dutroux, est libérée sans condition, aujourd’hui. Votre réaction ?
Elle a réglé définitivement ses comptes avec la justice. Elle redevient une citoyenne à part entière qui n’est assujettie à aucune espèce de conditions et qui retrouve une liberté intégrale. C’est la logique des choses. C’est à cela qu’une peine doit théoriquement servir dans sa définition-même. Dans la loi, la peine a pour but la réparation du tort causé aux victimes, la réhabilitation du condamné et sa réinsertion dans la société libre. Ce sont les termes mêmes de la loi.
Qu’en est-il des procédures actuelles concernant votre client, Marc Dutroux ?
Nous avons dû déposer une demande de libération conditionnelle (en 2019, NDLR) car c’était la condition sine qua non pour pouvoir solliciter la tenue d’une nouvelle expertise psychiatrique. Les conclusions de cette dernière étaient très défavorables pour mon client. On s’est donc désisté de cette demande de libération conditionnelle. Il n’est pas du tout exclu que nous en réintroduisons une à moyen terme.
Que vous dit-il, actuellement ?
Marc Dutroux écrit beaucoup sur les lacunes de l’enquête, sur les faits dont il a été coupable et qu’il continue de démentir avec véhémence. En particulier l’enlèvement de Julie et Mélissa et l’assassinat d’An et Eefje, qu’il a toujours niés catégoriquement. Cela n’avance pas tellement le processus en vue d’une nouvelle demande de libération conditionnelle. Il est en aveu sur l’essentiel mais il se focalise sur ce qu’il conteste. Pour moi, ses contestations restent marginales et cela n’enlève rien au fait qu’il a été condamné lourdement, que cette peine était méritée et qu’il l’a subie. Selon moi, on est face à quelqu’un qui a déjà réglé ses comptes avec la justice. Il a déjà été suffisamment puni.
Marc Dutroux écrit beaucoup sur les lacunes de l’enquête, sur les faits dont il a été coupable et qu’il continue de démentir avec véhémence.
Me Bruno Dayez
Le dernier diagnostic psychiatrique de votre client, Marc Dutroux, était plutôt accablant…
Il reste en effet la question de sa dangerosité, qui est au centre des débats. La prison a deux soutènements : un, c’est un châtiment. Et deux, c’est une façon de mettre hors d’état de nuire des personnes qui seraient considérées comme dangereuses. Dans la vision rétributive, pour moi, il a fait son temps en prison. Il est d’ailleurs dans les conditions de libération de 2013. Au niveau de la dangerosité, le diagnostic psychiatrique reste très négatif. Mais je ne suis pas du tout d’accord avec les conclusions de cette expertise. Pour moi, un psychiatre n’est pas spécialement détenteur de la vérité révélée. On n’envisage pas une nouvelle demande de libération conditionnelle dans l’immédiat, mais à moyen terme, ce n’est pas du tout exclu. On doit d’abord sortir de cet imbroglio.
En cas de nouvelle demande de libération conditionnelle, ne craignez-vous pas une fronde populaire ?
Je maintiens, en ce qui me concerne, que Marc Dutroux serait beaucoup plus en danger que dangereux s’il était libéré. C’est quelqu’un qui ne présente plus réellement de danger pour autant que l’on fixe des balises. Ce à quoi sert précisément la libération conditionnelle. L’Etat a une vocation à cela et il ne la remplit pas. Il faillit à sa mission.
Marc Dutroux serait beaucoup plus en danger que dangereux s’il était libéré. C’est quelqu’un qui ne présente plus réellement de danger pour autant que l’on fixe des balises.
Me Bruno Dayez
Comment expliqueriez-vous cette nouvelle démarche aux parents de victimes ?
Je peux comprendre que les parents de victimes soient toujours dans une logique de vengeance consistant à dire que la peine subie ne suffit pas à réparer le tort causé – il n’y a d’ailleurs pas d’équivalence entre les deux. Je peux comprendre que du point de vue de Jean-Denis Lejeune, les peines ne soient jamais suffisantes. Je conçois beaucoup moins cette incompréhension qui a lieu dans la société civile, par rapport à des principes élémentaires de justice.
Cette incompréhension est due à une absence totale d’éducation du public sur ce que justice signifie. Le problème est que la population, dans sa grande majorité, est encouragée à ces réactions par une série de médias qui jouent clairement la carte du populisme et du scandale. Si l’on pouvait expliquer sereinement, sans évoquer systématiquement le cas de Dutroux, à quoi la peine est censée servir et ce que la justice fait quand elle punit, on pourrait faire évoluer les mentalités. La difficulté est qu’on se confronte à une sorte de tir de barrage.
Vous trouvez que les principes de la justice ne sont pas assez respectés ?
« L’homme de la rue » pense pouvoir se mettre à la place des victimes, alors que c’est en fait une usurpation. On ne peut pas juger à la place des victimes. Et surtout, ce ne sont pas les victimes qui jugent. Toute l’histoire de la justice nous éloigne de l’orbite de la vengeance pour essayer d’arriver à quelque chose qui soit mesuré. Le fait qu’on soit toujours dans une logique du talion est inquiétant. Cela pose question sur la façon très primaire et simpliste d’envisager à quoi la justice serait supposée servir.
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