Les mères, témoins impuissantes de la transmission familiale de la violence. © getty images

La violence intrafamiliale favorise-t-elle l’engagement djihadiste ?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Qu’a bien pu amener des jeunes vivant en Belgique à partir faire le djihad en Syrie ou à commettre des attentats à Bruxelles en 2016? Chercheuse associée au Centre d’études de la coopération internationale et du développement de l’ULB, Aicha Bacha a réalisé une enquête auprès de 52 mères de djihadistes, marocaines ou d’origine marocaine, de Vilvorde, Molenbeek, Verviers, Hoboken et Borgerhout pour tenter de déterminer le rôle de la sphère familiale dans la radicalisation violente des jeunes. Son livre Le Djihad en héritage sur le territoire belge (1) en propose l’analyse. La majorité des mamans viennent de la région du Rif, au nord du Maroc, connue pour sa grande histoire armée, sa résistance aux colonisateurs (dont le principal épisode est le djihad de l’émir Abdelkrim al-Khattabi contre le sultan du Maroc dans les années 1920) et son économie de la drogue.

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La violence est présente dans les récits de vie de ces mères, de la part du mari à l’égard de l’épouse ou du père à l’égard de ses filles. Le garçon, lui, bénéficie d’une forme d’impunité. Mais il est témoin de ces violences. Aicha Bacha en tire comme enseignement que «l’expérience personnelle des jeunes, très dense en matière de violence, peut influer considérablement sur leur engagement terroriste».

L’autrice ajoute que certaines mères, en se décrivant comme victimes de leurs parents, qu’elles jugent eux-mêmes victimes de la société, transmettent inconsciemment le sentiment victimaire à leurs enfants. Or, un point commun traverse la perception qu’ont ces mamans de leurs fils: ils crient à l’injustice et divisent le monde entre un «nous» et un «eux», qui définit les Occidentaux. Sur ce terreau familial, se greffe ensuite la solidarité de groupe des noyaux djihadistes pour favoriser le basculement dans la violence.

(1) Le Djihad en héritage sur le territoire belge, par Aicha Bacha, L’Harmattan, 116 p.

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