Cristal Park: Pierre Grivegnée placé sous mandat d’arrêt pour abus de biens sociaux
Pierre Grivegnée, l’ancien responsable du projet immobilier Cristal Park dans les anciennes Cristalleries du Val Saint-Lambert à Seraing, a été placé sous mandat d’arrêt pour abus de biens sociaux mardi soir.
Pierre Grivegnée, l’ancien responsable du projet immobilier Cristal Park à Seraing, avait été privé de liberté ce lundi, après une perquisition à son domicile, à Bruxelles. Il a été entendu par les enquêteurs liégeois et a été présenté ce mardi après-midi au juge d’instruction financier Philippe Richard. Des informations confirmées au Vif et à la RTBF par la substitute du procureur du roi de Liège Catherine Collignon.
Au terme d’un long interrogatoire face au juge d’instruction, Pierre Grivegnée a été inculpé d’abus de biens sociaux et placé sous mandat d’arrêt mardi soir.
La justice a également perquisitionné les anciens bureaux de Pierre Grivegnée au Val Saint-Lambert ce lundi matin. Les enquêteurs se sont intéressés à deux endroits en particulier : la salle dite « Amande », dans le château, et un autre bureau situé au-dessus du studio du souffleur de verre. Ces deux endroits étaient les lieux personnels de travail de Pierre Grivegnée. C’est dans la salle Amande qu’étaient conservés, sous clé, les documents relatifs à sa gestion du projet. Les enquêteurs sont repartis avec des documents.
Fausses factures et audit financier
Pierre Grivegnée est l’ancien patron du projet Cristal Park. Ce projet devait transformer l’ancien site industriel des cristalleries en un centre commercial et de loisirs. Il était accompagné d’un vaste volet immobilier (lotissements, bureaux…). Le projet est en route depuis près de vingt ans et n’a pas encore abouti, malgré plus de 40 millions d’euros d’argent public mobilisés.
La gestion de Pierre Grivegnée posait question. En juillet dernier, Le Vif et la RTBF ont publié une série de fausses factures découvertes dans le dossier. Les propriétés informatiques de ces documents indiquent comme auteur « p.grivegnée ». La Ville de Seraing, interpellée, a déposé début août une plainte pénale avec constitution de partie civile contre Pierre Grivegnée et X.
Cette plainte pour détournement, escroquerie, faux et usage de faux, et abus de biens sociaux se fondait sur un audit financier commandité par la Ville. Selon des informations recueillies par Le Vif et la RTBF, cet audit a permis de confirmer ce que nos articles avaient mis en évidence. La Ville de Seraing n’est pas la seule à avoir déposé plainte. Elle avait été précédée par le PTB et suivie par Guido Eckelmans, l’associé de Pierre Grivegnée.
Etonnante intrusion des pompiers
La salle Amande est l’ancien bureau principal de Pierre Grivegnée. Cette salle avait fait l’objet d’une étonnante intrusion au petit matin le dimanche 24 juillet dernier. Des pompiers, alertés par une alarme incendie non détectée sur place, ont pénétré dans le château par effraction et fracturé la porte de ce seul bureau, fermé à clé. Or c’est dans ce bureau qu’étaient conservés les documents relatifs à la gestion du projet Cristal Park.
Une source proche du dossier et de la Ville nous dit, de même qu’une source judiciaire, que des documents ont été dérobés dans la salle Amande
« Ce n’est pas la première fois qu’il y a une fausse alerte au château. J’y suis même déjà intervenu moi-même », nous assure un officier des pompiers de Liège que nous avons contacté à ce sujet. « L’alarme fonctionne très mal et appelle régulièrement les pompiers pour rien », nous assure une autre source.
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Documents dérobés
La Ville de Seraing relate l’incident dans la plainte qu’elle a déposée entre les mains de la justice. Une source proche du dossier et de la Ville nous dit, de même qu’une source judiciaire, que des documents ont été dérobés dans la salle Amande. Ces sources ignorent pour l’instant si ces documents ont disparu avant, pendant ou après que les pompiers soient entrés au château. C’est cet incident qui a permis de remarquer la disparition des documents.
Inculpé d’abus de biens sociaux, sous mandat d’arrêt
Au terme d’un long interrogatoire face au juge d’instruction Philippe Richard, Pierre Grivegnée a été inculpé d’abus de biens sociaux et placé sous mandat d’arrêt, a annoncé la magistrate en charge des relations avec la presse, Catherine Collignon, mardi soir peu après 21 heures. Pierre Grivegnée doit être transféré à la prison de Lantin où il passera une seconde nuit privé de liberté en cellule.
Il comparaîtra vendredi devant la chambre du conseil qui statuera sur son maintien ou non en détention préventive. La chambre du conseil devra évaluer si Pierre Grivegnée, libre, représente un risque de destruction de preuves ou de collusion avec des tiers pouvant nuire à la manifestation de la vérité judiciaire dans ce dossier.
Les faits d’abus de bien sociaux reprochés à Pierre Grivegnée concernent des retraits de cash non justifiés et de multiples dépenses privées réalisées avec ses comptes courants au sein des sociétés chargées de développer le projet Cristal Park. On parle ici d’Immoval, de Valinvest et de Speci, toutes trois mises fin juillet en procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) par le tribunal de l’entreprise de Liège.
Me Bottin conteste toute intention frauduleuse
Selon Me Pierre Bottin, l’avocat de Pierre Grivegnée, les montants que la justice reproche à son client d’avoir retirés abusivement « sont de l’ordre de 470.000 euros chez Speci, 18.000 euros chez Valinvest, et 12.000 euros chez Immoval sur la période 2017-2022 ». Pour Me Bottin, la question est de savoir si ces sommes prélevées en compte courant sont des sommes que Pierre Grivegnée pouvait légalement s’octroyer. « Si ce n’est pas le cas, cela reviendrait à dire que mon client a travaillé de manière importante pendant près de 14 ans sans rémunération », déclare-t-il.
« Il y a un pacte d’actionnaires qui prévoit des émoluments qui n’ont pas été réglés à cause de problèmes de trésorerie, poursuit l’avocat. Donc c’était moins coûteux, fiscalement parlant, de faire des prélèvements en compte courant que de prélever des rémunérations. Il s’agissait d’avances, et il devait y avoir une régularisation, mais elle n’a jamais eu lieu parce que le projet s’est embourbé suite à l’échec des négociations avec le groupe luxembourgeois Macadam 1919, puis avec le groupe Eloy. » Deux échecs que Me Bottin impute à la majorité socialiste sérésienne « qui a donné l’impression qu’elle ne soutenait plus le projet ».
« Tout qui gravitait autour du projet Cristal Park était au courant de ce système de prélèvements. Et ils l’ont accepté parce que ça permettait des besoins en trésorerie limités. Ce n’est pas de l’argent qui a été détourné ou volé. Ça s’est fait à la connaissance de tous et à l’insu de personne. Il n’y a pas d’intention frauduleuse dans le chef de mon client », conclut l’avocat. Pierre Grivegnée a été entendu lundi pendant huit heures par les enquêteurs de la police judiciaire fédérale de Liège, et durant six heures mardi par le juge d’instruction financier Richard.
David Leloup, avec François Braibant (RTBF)
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