Enquête | Comment la villa en Thaïlande d’Alain Mathot a été payée par… Lucien D’Onofrio (info Le Vif)
L’ex-homme fort du Standard de Liège, Lucien D’Onofrio, a viré 472.500 euros en 2016 depuis son compte suisse à Lugano pour payer la luxueuse villa thaïlandaise de l’ex-député fédéral PS Alain Mathot. L’instruction judiciaire pour blanchiment concernant l’achat de cette villa est désormais clôturée.
En mai 2019, Le Vif et Apache dévoilaient l’existence d’une instruction judiciaire pour blanchiment concernant l’achat, par le député-bourgmestre (PS) Alain Mathot, d’une luxueuse villa en Thaïlande. Une villa en bord de plage sur l’île de Koh Samui, comprenant quatre chambres, quatre salles de bains, terrasse, piscine et jacuzzi. La justice liégeoise avait ouvert, 18 mois plus tôt, une enquête sur l’origine des fonds ayant permis d’acquérir la villa, confiée au juge d’instruction financier Frédéric Frenay.
Alain Mathot, alors député fédéral et bourgmestre de Seraing, avait acquis la villa pour près d’un demi-million d’euros. Il s’était fait perquisitionner fin janvier 2019. Le président de la Chambre, Siegfried Bracke (N-VA), était présent le jour de la perquisition mais, étrangement, les « meilleurs ennemis » du PS n’avaient rien fait fuiter…
Caraf Company
Pour acquérir la villa, il fallait acheter la société thaïlandaise Caraf Company qui détenait le bien immobilier. La signature de la convention pour l’achat des parts de Caraf a eu lieu en juin 2016 à Estepona, à 30 km à l’ouest de Marbella (Costa del Sol). Mais, ensuite, ce n’est pas Alain Mathot qui a payé les 472.500 euros que réclamait le couple britannique pour sa villa de rêve. Face aux enquêteurs, l’ex-homme fort de Seraing avait évoqué un mystérieux ami à qui il aurait emprunté les fonds. Le Vif et Apache peuvent aujourd’hui dévoiler qu’il s’agit de Lucien D’Onofrio, l’ex-homme fort du Standard de Liège (1998-2011) et ex-vice-président du RFC Antwerp (2017-2021).
La défense de D’Onofrio a fourni aux enquêteurs des extraits de comptes bancaires suisses qui tendraient à montrer que les fonds ayant servi à l’acquisition de la villa ne sont pas occultes. En remontant un étrange carrousel (voir infographie ci-dessous), ces fonds proviendraient en réalité de l’Organe central pour la saisie et la confiscation (OCSC), dépendant du SPF Justice.
En clair, dans le cadre du méga-dossier judiciaire sur le Standard de Liège ouvert en 2003, les fonds d’une société écran néerlandaise de D’Onofrio, Kick International, avaient été saisis. Cet argent avait ensuite été confié à l’OCSC, le « coffre-fort » de la Justice pour les avoirs saisis. Puis, mi-2015, Lucien D’Onofrio et ses sociétés – dont Kick – signent une transaction pénale avec le parquet : ils paieront plus de 1,5 million d’euros pour éteindre les poursuites pour blanchiment, faux et usage de faux à leur encontre. Suite à ce paiement, l’OCSC rétrocèdera, le 19 avril 2016, les fonds saisis de Kick, soit 3,4 millions d’euros, sur le compte suisse de la société ouvert à la Corner Banca de Lugano.
Goutte d’eau de Javel
Trois semaines plus tard, le 10 mai 2016, Kick transfère 3,2 millions d’euros vers le compte, ouvert dans la même banque, de Mondial Services, une autre offshore de D’Onofrio créée au Panama en 1986. Enfin, encore trois semaines plus tard, le 30 mai 2016, Mondial Services vire 2,8 millions d’euros sur le compte personnel de Luciano D’Onofrio, toujours à la Corner Banca de Lugano. Et c’est à partir de ce compte que 472.500 euros ont été virés, le 11 juillet 2016, aux époux Fisher, les vendeurs de la villa…
Ainsi, l’argent « blanchi » par l’OCSC qu’a fait circuler D’Onofrio d’une société à l’autre – on ne sait pour quelles raisons économiques – aurait en quelque sorte « purifié » l’intégralité des fonds figurant sur ces trois comptes suisses. Comme une goutte d’eau de Javel dans une carafe d’eau du robinet… Cette thèse sera-t-elle retenue par le parquet de Liège, qui a reçu le dossier d’instruction à l’été 2021 mais n’a pas encore eu le temps de se pencher dessus ?
Le ministère public entend en tout cas « prendre attitude par rapport au dossier d’ici le printemps 2023 ». En clair : demander des devoirs d’enquête complémentaires, ou tracer son réquisitoire – de non-lieu ou de renvoi en correctionnelle – pour ensuite débattre en chambre du conseil des suites judiciaires à donner à ce dossier. Alain Mathot n’a pas réagi à nos multiples sollicitations. Quant à Me Paul Delbouille, l’avocat de Lucien D’Onofrio, il précise que son client n’a été entendu qu’une seule fois et qu’il ignorait que l’instruction judiciaire était bouclée.
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