Jour J pour la sortie du nucléaire: qu’est-ce qui est sur la table?
Réuni en cabinet restreint, le gouvernement fédéral devrait prendre une décision ce vendredi sur l’avenir énergétique du pays. Si en décembre dernier, il semblait acquis que toutes les centrales nucléaires fermeraient d’ici 2025, la guerre en Ukraine a changé la donne.
Fin décembre 2021, les partenaires gouvernementaux ont convenu de prendre une décision sur l’avenir de l’approvisionnement énergétique de la Belgique ce 18 mars. Avant que la Russie n’envahisse l’Ukraine, la plupart des partis plaidaient pour la fermeture des centrales nucléaires en 2025.
Rappelons que le dossier traîne depuis 2003, le parlement ayant à l’époque voté une loi « sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité ». L’objectif était de fermer les trois réacteurs les plus anciens dès 2015 et ensuite d’arrêter la production d’électricité des quatre derniers entre 2022 et 2025. Pour se permettre de se passer de ces centrales, il fallait évidemment suffisamment d’alternatives pour produire de l’énergie, une question qui continue à faire débat.
Deux plans sur la table
Aujourd’hui, deux plans sont sur la table. Le plan A, qui repose sur la sortie complète du nucléaire en 2025 grâce à de nouvelles centrales au gaz, semble toutefois avoir du plomb dans l’aile depuis l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe. Le plan B, qui prévoit la prolongation des deux réacteurs nucléaires les moins anciens (Doel 4 et Tihange 3) au-delà de 2025, tient désormais la corde.
Selon une note politique discutée en intercabinets, et qui a fuité dans la presse mercredi, la prolongation de Doel 4 et/ou Tihange 3 jusqu’au 31 décembre 2035 est bien sur la table, couplée à un vaste plan de 8 milliards d’euros pour accélérer la transition énergétique. « Je peux confirmer que des contacts ont déjà eu lieu avec Engie concernant 2 GW. Mais, pour le moment, je n’ai pas de mandat de négociation de la part du gouvernement », a indiqué la ministre fédérale de l’Énergie Tinne Van der Straeten (Groen). Cependant, il n’est pas certain que ces réacteurs nucléaires Doel 4 et Tihange 3 soient prêts d’ici l’hiver 2025-2026. Il se pourrait qu’ils ne soient prêts que d’ici l’hiver 2026-2027.
Les Verts n’entendent pas aller au-delà de deux réacteurs. L’accord de gouvernement ne prévoit d’ailleurs que cette possibilité. « C’est ce qu’on a décidé dès le début, les cinq autres, c’est hors de question », a averti la vice-Première ministre Groen Petra De Sutter. Aux yeux du président du MR George-Louis Bouchez, le gouvernement doit voir si davantage de réacteurs nucléaires peuvent rester ouverts.
Interrogé par notre confrère de Knack, le spécialiste en énergie et ancien président du régulateur flamand de l’Energie VREG, Ronnie Belmans, plaide toutefois toujours pour le plan A, malgré la guerre en Ukraine. « Le gouvernement De Croo a un plan A tout prêt : la vente aux enchères pour la construction de nouvelles centrales à gaz en remplacement des centrales nucléaires a déjà eu lieu. Ce système de subvention a également déjà été approuvé par l’Europe. Le plan B, une prolongation de dix ans, est juridiquement beaucoup plus incertain. De plus – et c’est là ma plus grande préoccupation – le gouvernement De Croo devrait conclure un accord avec Engie pour y parvenir. L’historique des négociations entre Engie et la Belgique ne me rassure pas vraiment. Nous devrions demander à un opérateur qui affirme depuis des années qu’il est impossible de maintenir ces centrales ouvertes plus longtemps de le faire tout de même. ‘Nous n’avons pas le personnel pour le faire, nous sommes trop occupés par d’autres projets’, répondra Engie. Ce à quoi nous répondrons : ‘Mais est-ce que vous ne voulez vraiment, vraiment, vraiment pas essayer ? Quelqu’un qui doit supplier n’est pas en bonne position pour négocier’, explique-t-il.
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Transition énergétique
Comme l’a rappelé le Premier ministre Alexander De Croo jeudi à la Chambre, la discussion ne concerne pas uniquement la sortie du nucléaire. Tinne Van der Straeten a insisté sur l’indépendance énergétique. « Nous importons de Russie 30% de notre pétrole, 25% de l’uranium et jusqu’à 6 % du gaz naturel (…) Nous réduirons structurellement les factures énergétiques grâce à davantage d’énergies renouvelables et d’économies d’énergie. Et c’est ce qui fera mal à Poutine. Nous n’allons pas donner un chèque en blanc à Engie », a-t-elle assuré.
La ministre écologiste propose au gouvernement un vaste plan de 8 milliards d’euros pour accélérer la transition énergétique, en diminuant notre dépendance aux énergies fossiles et accélérer le renouvelable. « Investir dans le renouvelable, c’est LA mesure anti-Poutine », a également souligné Gilles Van den Burre (Ecolo) à la Chambre.
La note, citée aussi par le quotidien Le Soir, sera déposée au kern vendredi et se présente en effet comme un « catalogue de mesures » visant à réduire la dépendance aux combustibles fossiles de 4 % par an. Il est question entre autres de dégager une zone éolienne offshore supplémentaire en mer du Nord pour atteindre un total de 8 GW, d’abaisser la TVA sur l’achat et l’installation de panneaux solaires, et de supprimer progressivement des systèmes de chauffage central au mazout et au gaz, détaille Le Soir. La note encourage aussi à miser sur l’hydrogène vert en accélérant les importations et en renforçant les réseaux de distribution.
Les écologistes estiment que la Belgique peut arriver à 50% d’énergie renouvelable en 2030. « On a calculé, c’est faisable. Vous savez, on n’est pas les plus ambitieux. L’Allemagne va investir 200 milliards dans la transition. Ce que l’on met sur la table est réaliste », a déclaré Petra De Sutter. Reste à voir si les ministres aboutiront à un accord ce vendredi.
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