Joëlle Milquet bientôt inculpée ?
Le Vif/L’Express a appris que la ministre francophone de l’Enseignement, Joëlle Milquet (CDH), a été très longuement auditionnée, hier, dans le cadre de l’enquête menée par le conseiller-instructeur Frédéric Lugentz sur les » emplois fictifs » de son cabinet de l’Intérieur et de l’Egalité des chances (2014). On ne sait pas si elle a été inculpée ou non. Le parquet général a décidé d’observer un black-out total sur cette affaire.
La justice a franchi un pas de plus dans l’affaire du « cabinet Milquet ». L’actuelle ministre francophone de l’Enseignement a été auditionnée, a appris Le Vif/L’Express, ce mardi 16 février, dans le dossier des emplois fictifs suspectés au cabinet de l’Intérieur en 2014. A-t-elle été inculpée ? Le parquet général annonce qu’il ne fera « aucune communication » sur le sujet, sans date limite. On sait en tout cas que l’audition a été très longue et éprouvante, commençant le matin et se terminant au milieu de la nuit. Les faits: en 2014, Joëlle Milquet était ministre de l’Intérieur et de l’Egalité des chances dans le gouvernement Di Rupo. En février de cette année-là, Le Vif/L’Express s’était interrogé sur l’embauche curieuse, à six mois des élections fédérales et régionales du 25 mai, d’au moins huit nouveaux collaborateurs. Lesquels présentaient tous un même profil bruxellois et politique, la plupart ayant été élus et ayant figuré comme candidats CDH aux élections communales de 2012 dans les communes de Molenbeek, Anderlecht, Saint-Josse, Bruxelles, etc., précisément là où la candidate et ministre en exercice Milquet battait campagne avec vigueur.
Le Vif/L’Express avait également mis la main sur des profils de fonction qui, pour chacune de ces recrues, décrivaient bon nombre de tâches à remplir pour la campagne électorale de la ministre CDH et ex-présidente du parti humaniste. Nos révélations et la publication de ces profils ont alerté la justice qui, dans un premier temps, s’est contentée d’ouvrir une simple information judiciaire. A ce stade de la procédure, aucun devoir d’enquête n’a été demandé par le substitut en charge du dossier. Quelques mois plus tard, le parquet général se saisira de l’affaire. Logique, car ce qui touche un ministre en fonction est du ressort de la cour d’appel. Finalement, fin janvier 2015, une instruction sera ouverte et confiée au conseiller Lugentz.
Ce magistrat, connu notamment pour avoir enquêté sur le juge Leys dans le cadre de l’affaire KB-Lux (vaste fraude fiscale des années 80 et 90 estimée à 400 millions d’euros), a vite montré sa détermination à démêler cette histoire d’emplois fictifs. Mi-juin dernier, des perquisitions ont été menées tous azimuts, au cabinet de l’Enseignement (occupé à l’été 2014 par Milquet), à celui de l’Intérieur (repris à l’automne 2014 par Jan Jambon), au domicile des collaborateurs suspectés et au siège du CDH. Documents, ordinateurs, disques durs, GSM ont été saisis. Les enquêteurs ont pris le temps d’analyser le produit de leur pêche et de procéder à quelques auditions, avant d’entendre Joëlle Milquet, ce mardi 16 février. Il est bien sûr important de rappeler la présomption d’innocence de l’intéressée à ce stade de l’enquête. Pour l’heure, on ne sait toujours pas si une inculpation a été prononcée ou non.
Cela dit, cette longue audition montre que, pour la justice, l’affaire est sérieuse. Si Joëlle Milquet devait être inculpée, ce serait un acte exceptionnel, sans précédent même depuis la loi de 1998 réglant la responsabilité pénale des ministres. Cela dit, l’enquête est loin d’être terminée. On se demande toutefois si Frédéric Lugentz ira jusqu’au bout de son instruction, car Le Vif/L’Express a appris qu’il avait été nommé à la Cour de cassation par un arrêté royal du 6 janvier dernier, paru au Moniteur du 22 janvier dernier. L’arrêté royal mentionne le fait que sa prestation de serment ne peut pas intervenir avant le 1er avril 2016. Il lui reste donc très peu de temps – six semaines- pour procéder à des actes décisifs dans le dossier Milquet. Si Lugentz s’envole vers la Cassation avant la fin de son enquête, son successeur devra prendre connaissance de tous les éléments du dossier. Or on sait que le temps joue contre la justice…
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