© BELGA/Paul-Henri Verlooy

Jeudis pour le climat: « Ces manifestations s’inscrivent dans un renouveau global du mouvement écologique »

Le Vif

Des milliers de jeunes sont à nouveau attendus dans les rues de Bruxelles ce jeudi pour exiger des politiques climatiques ambitieuses. Pour le sociologue et professeur à l’UCL, Geoffrey Pleyers, « ces manifestations sont loin d’être isolées et participent à un renouveau plus global du mouvement écologique ».

Depuis le 10 janvier, date de la première mobilisation lancée à l’initiative de deux néerlandophones – Anuna De Wever et Kyra Gantois -, le rendez-vous est devenu hebdomadaire. Chaque jeudi, les élèves du secondaire, désormais soutenus par les étudiants du supérieur, sont des milliers à battre le pavé et scander leur célèbre slogan: « on est plus chaud, plus chaud que le climat ».

Initié par le collectif « Youth For Climate », le mouvement a de quoi surprendre. Par sa spontanéité, son ampleur et sa durée, mais aussi par sa capacité à mobiliser sans l’intermédiaire de la société civile organisée. « Aujourd’hui, de nombreuses manifestations voient le jour en dehors des structures des ONG, associations, etc., mais cela ne veut pas dire que celles-ci ne jouent pas un rôle dans leur relais », explique Geoffrey Pleyers.

Pour le sociologue, plusieurs facteurs ont contribué au succès de ces mobilisations. « Un terreau favorable existe en Belgique. De nombreux Belges ont assisté à la COP21 à Paris en 2015. Il en a résulté un nouvel élan du mouvement écologiste et la création de différents réseaux. Sur le terrain, les ONG et le CNCD-11.11.11 oeuvrent à l’expertise et l’éducation citoyenne. Tout cela est combiné à un sentiment d’une nécessité d’agir face à l’urgence climatique, même si celle-ci existe depuis les années 70 », ajoute-t-il. « La marche du 2 décembre à Bruxelles (qui a attiré 65.000 participants, NDLR) a par ailleurs ouvert un espace pour ces mobilisations, de même que l’indignation suscitée par l’incohérence de la réaction politique ».

Les marcheurs du jeudi, parfois très jeunes, ont-ils néanmoins toutes les clés pour comprendre les enjeux? « Ils ont des connaissances pour comprendre les dimensions scientifiques du réchauffement climatique et de la transition écologique, issues notamment des programmes scolaires. Mais on n’approche pas ces phénomènes qu’à partir de l’expertise. Les émotions, l’indignation face à l’inaction, l’expérience du quotidien et la projection dans l’avenir sont également des paramètres importants », affirme Geoffrey Pleyers.

Jeudis pour le climat:
© Nina Dautrebande

Si la vaste majorité des marcheurs, souvent mineurs d’âge, ne peut faire pression par les urnes, « les mobilisations des dernières semaines sont déjà un succès en ce qu’elles ont contribué à placer l’environnement au coeur du débat public, forçant les politiques à se positionner sur ce thème, considéré jusqu’ici comme secondaire », poursuit-il.

Au-delà de l’incidence sur la politique institutionnelle, ces « manifestations ont un impact sur les participants, leur manière d’aborder la politique. Elles ne feront pas bouger les lignes à elles seules, mais elles font partie d’un mouvement plus vaste et participent à un renouveau plus global et plus profond du mouvement écologique, qu’incarnent aujourd’hui ces jeunes », analyse le sociologue. Ces manifestations ont également pour effet d’encourager « une plus grande vigilance de la population » et de « renforcer la capacité d’interpellation des autorités » sur les questions climatiques.

L’argument politique qui vise à dénoncer d’éventuelles manipulations extérieures « est un grand classique de la rhétorique utilisée par les adversaires des mouvements sociaux qui vise à les décrédibiliser », ajoute encore Geoffrey Lepers. Cet argument vise à « stigmatiser les jeunes comme des acteurs qui ne sont pas capables de penser par eux-mêmes et se positionner seuls dans le débat public et politique. Or, ceux qui manifestent dans les rues démontrent qu’ils sont des acteurs sociaux et politiques à part entière et jouent un rôle essentiel dans nos démocraties en donnant toute leur importance à des thématiques négligées car elles s’inscrivent sur le long terme et portent sur des enjeux globaux », conclut le sociologue.

Renfort des étudiants du supérieur

Les élèves du secondaire qui manifestent pour réclamer des politiques climatiques ambitieuses pourront compter ce jeudi sur le renfort des étudiants du supérieur attendus en masse dans les rues de la capitale. Comme lors des précédentes éditions, la police prévoit des milliers de participants. Le cortège partira à 10h30 de la Gare du Nord pour rejoindre la Gare du Midi, où les jeunes se disperseront vers 13h00.

« Le rendez-vous est donné à Bruxelles pour tout le monde », selon la coordinatrice francophone du mouvement « Youth For Climate », Adélaïde Charlier.

La semaine dernière, l’action principale s’était déroulée à Louvain, où quelque 10.000 marcheurs avaient pris part à la cinquième mobilisation des élèves du secondaire. Des actions décentralisées avaient également eu lieu dans d’autres villes flamandes ainsi qu’à Bruxelles, Liège, Mons et Arlon, notamment.

Ce jeudi, les étudiants du supérieur s’apprêtent à gonfler les rangs des élèves à l’appel de « Students for climate », un réseau créé sur Facebook, subdivisé en plus petits groupes représentant les diverses communautés estudiantines.

Si les élèves réclament des politiques climatiques ambitieuses, les étudiants entendent pousser la réflexion plus loin. « Dès la semaine prochaine, nous lancerons de grandes assemblées étudiantes dans les villes universitaires pour créer un débat de fond à propos de la crise climatique et parvenir ensemble à des revendications concrètes pour le mouvement », indique Bakou Mertens, à l’origine du réseau.

Les manifestations des jeunes sont soutenues dans la plupart des universités, qui feront preuve de souplesse à l’égard des participants, ont-elles souligné. Dans de nombreux établissements, des aménagements ont été prévus de sorte que les étudiants ne seront pas pénalisés pour leur absence aux cours.

La Fédération des étudiants francophones (FEF) s’est félicitée de cette décision.

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