J’étais à un duel Schyns VS enseignants, et tout est vrai
C’est l’une des trente écoles dans lesquelles Marie-Martine Schyns se sera déplacée pour discuter du fameux Pacte d’excellence. Ce soir-là, vers 19h15, la salle compte quelque deux cents personnes. Beaucoup, beaucoup de professeurs.
On croise tous les spécimens du genre : des vétérans lavés de toute illusion, des jeunes coqs exaltés, des déprimants. Pas mal d’angoissés surtout, ou des frondeurs – c’est selon – qui promettent de » poser les questions qui dérangent « . A 19h30, voilà la ministre de l’Education, accompagnée de membres de son cabinet, qui grimpe sur l’estrade. C’est une leçon qui commence. Ses premières phrases entendent démonter » le flux d’informations erronées qui circulent sur les réseaux sociaux » et » les fuites dans la presse « . » Toutes vos remarques seront consignées et transmises à ceux qui planchent sur le Pacte. »
Appliquée, elle dresse pendant quarante-cinq minutes les défis à relever par notre école : renforcer le cycle maternel, créer une nouvelle filière qualifiante, assurer une meilleure formation des enseignants… Sur l’écran, les PowerPoint glissent. Ça va vite, trop vite. Elle termine avec ces mots : » On n’invente pas la poudre ! » Mais » va falloir creuser et se montrer créatifs « . Elle sait de quoi elle parle, parce que » pendant dix ans, elle-même a été prof « . Répété une dizaine de fois, le » moi, prof » joue la proximité. Non, » rien n’est tranché « , » rien n’est figé « . Pour l’heure, le Pacte doit se voir comme une » feuille de route « .
Arrive le moment rituel consacré aux questions. On prévient : il faut se montrer précis, concis et laisser le temps à la ministre de répondre. Une enseignante de latin-grec se lance. Elle s’inquiète de la place du latin dans la future grille horaire. C’est long. Le modérateur l’interrompt. » Non, non, laissez-la, laissez-la « , intervient Marie-Martine Schyns, qui prend des notes. » On se connaît, non ? » Oui ? La prof se révèle à l’origine d’une page Facebook » Non au Pacte d’excellence « , et assiste à toutes les séances d’information sur la réforme. » Eh bien, chère Madame, à chaque fois, je vous répondrai la même chose : rien n’est gravé. Ce sont des pistes ! »
Au fil des interpellations, la tension perce. Ça ne tourne plus qu’autour du tronc commun élargi à tous les élèves et prolongé jusqu’en 3e secondaire. Face à elle, maints profs qui semblent bloquer sur ce chapitre. L’un d’eux s’engage dans une critique sur le non-redoublement dans le premier degré du secondaire. Dans le parterre, on entend crier un autre : » C’est une catastrophe ! » Marie-Martine Schyns livre alors dans une veine très volontariste, voire autoritaire : » Je n’ai pas besoin qu’on crie que c’est une catastrophe. Nous allons évaluer cette réforme. » Le ton devient plus défensif, plus cassant.
En aparté, la ministre continue de répondre aux enseignants qui s’attardent. Elle se montre moins sèche. » On n’est pas idiots. On ne réforme pas le système sans les enseignants. » C’est l’heure pour elle de rentrer. Les trajets sont longs, épuisants. Des profs saluent son cran : » Elle n’a pas peur du face-à-face. »
Plus tard, sur le parking, on croise un directeur d’école. Il fume une clope. Et soupire : » J’ai été atterré par les conservatismes pédagogiques que les enseignants ont exprimés. »
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