« Interdire les trottinettes électriques partagées, ce serait un aveu d’échec »
Pour Benoît Godart, porte-parole de l’institut Vias, il faut encadrer l’usage des trottinettes électriques partagées par de nouvelles mesures en matière de sécurité routière. A commencer par l’obligation de porter le casque.
L’institut Vias a récemment publié un rapport explorant les opportunités et menaces des trottinettes électriques partagées.
Interdire les trottinettes en libre service, est-ce opportun ou prématuré?
C’est prématuré à ce stade. L’interdiction pure et simple serait un aveu d’échec. C’est comme si, au lieu de sécuriser un carrefour problématique, on devait se résoudre à le fermer. La trottinette électrique a quand même une certaine utilité. Oui, il faut mieux l’encadrer et oui, les mesures prises vont dans la bonne direction. On est tous d’accord sur le fait qu’il y a trop de trottinettes en libre-service à Bruxelles. Avoir plus de points de stationnement est positif également.
Les mesures adoptées récemment sont-elles suffisantes?
Là où on devrait aller plus loin, c’est sur le plan législatif: nous plaidons pour l’obligation du port du casque à trottinette électrique. Nous avons aussi été alertés par des traumatologues et des urgentistes qui ne comprennent pas pourquoi ce n’est pas déjà le cas. Une telle obligation pourrait par ailleurs dissuader un public qui est davantage là pour s’amuser que pour se déplacer. Nous voudrions aussi imposer le port de la veste fluo durant la nuit. Contrairement à un vélo, sur une trottinette, le feu arrière est très bas et se couvre plus facilement de poussière ou de boue. Enfin, il faudrait davantage de sanctions et de contrôle. Aujourd’hui encore, il est fréquent de croiser des personnes circulant à deux sur une trottinette. Soulignons toutefois que pour la première fois depuis longtemps, on a constaté une baisse du nombre d’accidents impliquant une trottinette électrique: si on compare les six premiers mois de l’an dernier et de cette année, on est passé de 885 à 722. Il semblerait donc que les mesures déjà prises portent peu à peu leurs fruits.
Est-il opportun de distinguer trottinettes personnelles et partagées en matière de sécurité?
Au fil du temps, de plus en plus d’usagers achètent la leur. Ces gens sont relativement bien équipés et plus prudents également. Il faut aussi relever que les modèles vendus aujourd’hui sont de meilleure qualité que ceux apparus il y a quelques années.
La trottinette électrique serait trois à quatre fois plus accidentogène que le vélo, en raison de propriétés telles que la taille des roues…
Le fait que les roues soient plus petites est un problème connu. Vous êtes plus vite à terre si vous passez sur une branche ou sur un pavé déchaussé. Pour le moment, on parle beaucoup de mesures assez stupides que l’Europe envisage, comme l’interdiction des SUV pour les jeunes ou l’obligation de repasser le permis de conduire pour les plus âgés. La Commission serait plus avisée de veiller à ce qu’il n’y ait plus de trottinettes dotées de roues trop petites sur le marché européen.
Vous semble-t-il possible de réconcilier les engins en libre-service, en particulier sans permis, avec le nécessaire civisme dans l’espace public?
Réponse au printemps 2024. En tout cas, les sociétés ont aussi une part de responsabilité, puisqu’il me revient qu’il leur serait très facile de vérifier l’âge du conducteur empruntant une trottinette électrique, grâce à une copie de la carte d’identité. Les opérateurs se disent prêts à le faire, à condition que tout le monde le fasse. La vitesse n’est plus tellement un problème, vu les limites déjà imposées. Restent les comportements inadéquats, comme le fait de slalomer, de circuler à deux. Voyons donc comment cela évolue. Mais effectivement, il y aura toujours un public moins disposé à respecter les règles.
La disparition potentielle des trottinettes électriques partagées nuirait-elle à la transition vers des modes de déplacements doux?
Il faut différencier le public qui a acheté sa propre trottinette. Elle fait par exemple gagner beaucoup de temps à ceux qui, en sortant de la gare, veulent rejoindre leur lieu de travail le plus efficacement possible. Pour certains, la marche ou les transports en commun prendrait trop de temps. Et pour une société, c’est un atout d’avoir des salariés capables de parcourir les cinq kilomètres qui les séparent de la gare plus rapidement. Le vélo ne répond pas à tous les besoins. Quand il fait chaud, personne n’a envie d’arriver trempé de sueur à une réunion. Et les vols de vélos pliants sont fréquents dans les trains, là où vous pouvez placer la trottinette électrique sous votre siège. Il est sans doute vrai que sans trottinette, un jeune sortant de l’école marcherait ou prendrait les transports en commun. Mais à côté de cela, cette solution s’avère pertinente pour le public professionnel, d’autant que l’autonomie des trottinettes a progressé.
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