Inondations : une gestion de crise qui passe aussi par « la structuration de l’aide citoyenne »
À mesure que la phase de sauvetage avance en Belgique, le bilan des inondations s’alourdit : on compte aujourd’hui 36 décès et plus d’une centaine de personnes disparues. Comment organiser « un retour à la normale le plus rapide possible »? Le point avec Antoine Iseux, porte-parole du Centre de crise.
Comment s’organisent les premières phases de la gestion de crise d’une telle ampleur ?
Quand on est face à une situation d’urgence de ce type, l’ensemble des services de secours travaillent en collaboration pour évidemment s’assurer que les moyens nécessaires arrivent au bon endroit. Si les pompiers travaillent quelque part, par exemple, il faut peut-être que la police encadre leur travail ou dégage des accès. Il y a une gestion stratégique de crise qui se fait au niveau des provinces. Donc le gouverneur réunit une cellule de crise et autour de lui, il y a des responsables des différents services. Ensemble, ils vont réfléchir à comment est-ce qu’ils peuvent gérer au mieux la situation sur le terrain. C’est la gestion de crise au niveau provincial.
Depuis maintenant quelques jours, on est aussi en phase de crise nationale. À ce niveau, le rôle du Centre de crise est de venir en appui des gouverneurs. On est à l’écoute des gouverneurs pour voir s’ils ont des besoins particuliers, qu’ils n’ont pas. Par exemple, ils auraient besoin de personnel, de moyens techniques, parce qu’il faut effectuer des recherches pour les personnes disparues, ou parce qu’on a besoin du personnel de l’armée pour effectuer les déblaiements. C’est le rôle de logistique qu’apporte le Centre de crise national par rapport au travail de gestion de crise qui est opéré directement dans les provinces.
Quels moyens ont été déployés ?
Il y a eu une très grande solidarité entre les services de secours du pays. À peu près toutes les zones de police du pays et les zones de secours ont proposé de l’aide aux provinces les plus touchées : notamment du Luxembourg, Namur et bien sûr Liège. C’est comme ça qu’on a vu des policiers de la zone de Bruxelles travailler à Liège ou des pompiers d’Anvers travailler directement sur le terrain dans les zones les plus sinistrées pour soutenir leurs collègues sur place, qui étaient dépassés par l’ampleur de la situation. On a également la protection civile et la défense qui ont évidemment apporté un appui sur le terrain.
Mais à côté des moyens nationaux, il y a aussi des moyens internationaux. On a bénéficié d’une grande solidarité de nos pays voisins, avec des renforts qui sont venus des Pays-Bas, de France, du Luxembourg, d’Autriche, d’Italie, de République-Tchèque… Même la Roumanie a proposé son aide. Tous ces pays ont apporté un soutien dans la première phase de la gestion de crise, qui était la phase de sauvetage – c’est-à-dire aller rechercher les personnes bloquées chez elles. Cela a été un enjeu, un défi au début de cette situation d’urgence. Au vu de la crue exceptionnelle et des conditions climatiques, il était très difficile de secourir toutes les personnes bloquées chez elles. Là, les secouristes venus des pays étrangers ont pu porter leur aide aux services de secours belges.
Et l’aide apportée par les citoyens eux-mêmes, est-ce que cela a été difficile à cadrer ?
On salue évidemment cette grande solidarité qu’on a vue au sein de la population. C’est clair que lorsque la solidarité prend de telles dimensions, cela peut avoir un impact qui pourrait être négatif dans certains cas. C’est pourquoi il est nécessaire de cadrer cette solidarité. Si je prends par exemple les dons, il faut s’assurer que ces dons arrivent aux personnes qui en ont besoin. On s’est retrouvé avec des centres d’accueil submergés de dons qui ne savaient plus trop quoi faire des biens ou aliments qu’on leur apportait. D’où la nécessité de cadrage.
C’est pour ça qu’au niveau des services fédéraux et des gouverneurs, il y a eu des initiatives pour structurer et cadrer ces dons et réfléchir à comment faire entrer en adéquation à la fois l’offre et la demande. Qu’il s’agisse de l’aide humaine – il y a eu beaucoup de volontaires qui sont venus aider les sinistrés et merci à eux – mais aussi l’aide matériel.
Pour prendre un autre aspect et montrer la nécessité de bien structurer cette aide citoyenne, on a eu beaucoup de personnes qui se sont rendues sur place pour aider, mais cela a contribué à amener des problèmes sur des axes qui étaient parfois difficilement accessibles. Des gens qui vont par exemple se garer dans des zones qu’il faut déblayer. Au niveau local, les zones de police organisent désormais des parkings de dissuasion desquels les citoyens peuvent partir vers la zone sinistrée. À ce niveau aussi, il y a donc une structuration et centralisation de l’aide qui peut être apportée pour éviter qu’elle ne devienne un obstacle à la bonne gestion de la crise sur le terrain.
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Quels sont les gros points encore à aborder pour gérer cette crise dans les semaines à venir ?
La phase de sauvetage est plus ou moins derrière nous : il y a encore des actions de recherche pour les personnes desquelles on est sans nouvelle. Mais on espère qu’il s’agit de personnes qui n’ont pas pu joindre leurs proches, faute d’électricité.
Ce travail de recherche est la priorité à l’heure actuelle, il est au centre des préoccupations des autorités. Et à côté de ça, il y a tout le travail de nettoyage des débris et la remise en état des réseaux et voies de transport (réseau routier, voies navigables…) ainsi que la remise en ordre des réseaux électriques, d’eau potable et de gaz touchés lors des inondations.
L’objectif est un retour à la normale le plus rapide possible. Maintenant, il est certain que cela va prendre des jours, des semaines pour certains points. Si on prend l’exemple de la remise en ordre des voies ferrées, Infrabel a communiqué que des travaux sur certaines portions devraient durer jusqu’au 30 août. On est face à un défi.
Ouvrir les voies fluviales, notamment, cela va demander un certain temps: vérifier les digues, les écluses, évacuer les déchets – on a vu des vidéos avec des péniches qui ont sombré.
Des actions de pompage sont également toujours en cours pour des tunnels inondés, du côté de Liège. Cela aussi, ca va prendre un certain temps. Une fois qu’on aura retiré l’eau, il faudra voir si ces tunnels – ou même les ponts – sont toujours sécurisés et s’il ne faut pas prendre des opérations supplémentaires pour garantir la pérennité des infrastructures. Il y a donc tout un travail d’évacuation des déchets, puis de diagnostic et enfin de réparation pour remettre en ordre les infrastructures du pays.
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