Inondations, un mois après: commission d’enquête, il y aura
Une commission d’enquête parlementaire ne risque-t-elle pas d’interférer dans une procédure pénale en cours? Le débat n’est pas nouveau. Il ressurgit pourtant à chaque fois.
Elio qui dit non. Elio qui dit oui, peut-être. Le débat politique autour d’une éventuelle commission d’enquête parlementaire sur les inondations de juillet a un relent de parfum ultraconnu. Chaque fois qu’un parti (très souvent d’opposition) demande la mise en place d’une commission parlementaire, après un événement dramatique ou un scandale, c’est la même chose, surtout si la justice a démarré une procédure pénale ou civile de son côté: commission spéciale ou d’enquête? La majorité rechigne, hésite, puis penche pour la spéciale. Quoi? Une commission d’enquête qui, contrairement à la « spéciale », peut entendre des témoins sous serment et procéder à des perquisitions ou des saisies? « Si un juge d’instruction a été désigné à Liège pour homicides involontaires à la suite des inondations, que fera une commission d’enquête sans interférer dans son travail? », a d’abord réagi le ministre- président wallon Di Rupo.
Eternelle rengaine qui ne permet, finalement, que de gagner du temps. Lors de l’affaire Publifin, en février 2017, le parlement de Wallonie avait d’abord installé une commission spéciale, mais il est vite apparu que celle-ci se faisait rouler dans la farine par les témoins entendus. Il n’a pas fallu deux semaines pour que, la majorité PS – CDH se ravisant, elle soit requalifiée « d’enquête », ce qui lui a permis dès le 9 mars d’ordonner des perquisitions au sein de l’intercommunale. Or, une enquête judiciaire avait démarré au même moment, à Liège. Aujourd’hui, qui – sauf bien sûr les avocats des anciens dirigeants de Publifin – remettrait en cause le bien-fondé de cette commission? Idem en 2016 pour le Kazakhgate, le scandale tournant autour du milliardaire Patokh Chodiev, impliquant en particulier des éminences MR: ici aussi, les libéraux ont d’abord fait valoir l’existence d’une information judiciaire. La procédure pénale n’ayant finalement rien donné après le décès d’ Armand De Decker, seule la commission d’enquête du Parlement fédéral aura réussi à lever un peu le voile sur ce sombre imbroglio politico-financier.
A la fin des années 2000, le même débat avait fait rage lors du Fortisgate, de façon d’autant plus aiguë qu’étaient en jeu les relations entre les pouvoirs exécutif et judiciaire. L’ avocat de l’Etat s’était vu interdire de témoigner au Parlement fédéral. Ambiance. Les quatre experts de la commission d’enquête Fortis, eux-mêmes, avaient tiré la sonnette d’alarme. Il faut dire que les excès de la très médiatisée commission Dutroux qui, à la fin des années 1990, avait scruté les manquements de la justice, étaient encore dans toutes les mémoires. Certes critiqué, le travail des députés qui ont analysé le Fortisgate n’aura toutefois pas été vain. Une enquête parlementaire, parallèle à une instruction pénale, reste évidemment délicate. Il y a des règles à respecter. Dans le cas des inondations, qui ont tout de même causé 38 morts, outre les responsabilités individuelles et administratives, les députés devront pointer les failles des procédures d’urgence et d’aide ainsi que le manque de moyens. Plutôt essentiel pour ne pas répéter les mêmes erreurs lors du prochain déluge. Alors, commission d’enquête? Rendez-vous après le 15 août, lors du prochain bureau du parlement de Wallonie.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici