« Inacceptable »: un ancien député belge a travaillé pour des espions chinois durant des années
L’ancien député Frank Creyelman (Vlaams Belang) a été utilisé comme informateur par des espions chinois durant des années. Il a été exclus du parti dans la foulée.
L’ancien parlementaire Frank Creyelman (Vlaams Belang) a été utilisé comme informateur par des espions chinois pendant plus de trois ans pour tenter d’influencer la politique belge en faveur de Pékin, rapportent vendredi plusieurs médias étrangers sur la foi de SMS et de messages de discussion ayant fait l’objet de fuites.
Le président du parti d’extrême droite, Tom Van Grieken, a dans la foulée réclamé et obtenu sur le champ du bureau du VB l’exclusion de ce membre, qui est encore conseiller communal à Malines, jugeant son attitude « inacceptable » dans un communiqué. Quant au parti socialiste flamand Vooruit, il a demandé que le parlement flamand lui retire sa qualité de député honoraire de cette assemblée.
Selon ces médias – les journaux britannique ‘Financial Times’ et français ‘Le Monde‘, ainsi que l’hebdomadaire allemand ‘Der Spiegel’ -, un agent du ministère chinois de la Sécurité d’État a mis l’ancien député flamand et sénateur Frank Creyelman sous pression pour influencer les discussions en Europe sur les questions chinoises, allant de la répression chinoise à Hong Kong à la persécution des Ouïghours dans la province du Xinjiang.
Selon ‘Le Monde’, M. Creyelman a reçu le 3 juillet 2019 un premier message venant de M. Woo et lui demandant de « faire un rapport sur Charles Michel, sur ses opinions politiques, sa personnalité, ses loisirs et son opinion sur notre pays (Chine, ndlr) ».
M. Michel avait été élu la veille comme président du Conseil européen.
Trois jours plus tard, M. Creyelman a reçu un rappel. Dans sa première réponse, il s’était limité à déclarer que l’ancien Premier ministre belge avait « acheté » son nouveau poste par des manœuvres politiques. Selon M. Creyelman, M. Michel aurait également des liens avec des « internationalistes proches de George Soros« , un milliardaire américain d’origine hongroise souvent pris pour cible par l’extrême droite. « Il aime l’argent, mais n’est pas un ami de la Chine ou de la Russie », a ajouté M. Creyelman.
Alors que le chancelier allemand Olaf Scholz était sur le point de se rendre en Chine à la fin de l’an dernier, M. Woo a demandé à M. Creyelman de convaincre deux députés de droite du Parlement européen de déclarer publiquement que les États-Unis et le Royaume-Uni compromettaient la sécurité énergétique européenne.
« Notre objectif est de diviser les relations américano-européennes« , a déclaré M. Woo dans un message adressé à M. Creyelman.
Un échange de 2021 entre les deux hommes montre, toujours selon la presse, que M. Woo a également déclaré à M. Creyelman qu’il avait reçu l’ordre « d’attaquer (l’anthropologue allemand) Adrian Zenz », un chercheur qui a contribué à révéler comment la Chine détenait des centaines de milliers d’Ouïghours au Xinjiang.
L’agent chinois a encore demandé à M. Creyelman de l’aider à perturber une conférence sur Taiwan. Le duo a également discuté du paiement d’un intermédiaire pour influencer un cardinal catholique afin qu’il mette en garde contre la politisation de la pandémie de Covid-19 à un moment où la Chine était sous pression parce que le virus provenait de Wuhan, en Chine, où les premiers cas ont été détectés fin 2019.
Les messages divulgués entre les deux hommes couvrent la période de 2019 à fin 2022. Ils ont été obtenus par une « source de sécurité occidentale » dans le cadre d’une enquête conjointe menée par le ‘Financial Times’, le ‘Monde’ et le ‘Spiegel’. M. Creyelman lui-même n’a pas répondu aux tentatives visant à le joindre pour obtenir un commentaire, selon les médias concernés.
Ils indiquent en revanche ignorer comment le contact s’est établi entre MM. entre Woo et Creyelman. Ils semblent s’être tenus à distance, à l’exception d’un voyage de l’élu du Vlaams Belang à Sanya, une station balnéaire de l’île chinoise de Hainan, où une rencontre entre les deux hommes a eu lieu en 2019.
Selon les médias, les messages échangés montrent comment les services de renseignement chinois tentent de manipuler les débats politiques dans le monde à l’avantage de Pékin, une préoccupation qui a déjà été soulevée par les services de renseignement occidentaux.
Frank Creyelman, âgé de 62 ans est député flamand honoraire et est encore chef de groupe VB au conseil communal de Malines après avoir siégé au parlement flamand et au Sénat pour le compte du parti d’extrême droite. Il a annoncé en octobre dernier qu’il ferait ses adieux à la politique l’an prochain.
Cet élu est également connu pour ses sympathies pour le régime russe. Il a été invité à plusieurs reprises à Moscou et a été observateur lors du référendum controversé organisé par le Kremlin qui a entériné l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée en 2014.
Vooruit, dans l’opposition en Flandre – tout comme le VB – a demandé que le parlement flamand lui retire sa qualité de député honoraire de cette assemblée.
« Cet homme ne devrait plus avoir libre accès au Parlement. Frank Creyelman et le réseau autour de Filip Dewinter (lun des leaders du parti d’extrêmle droite) démontre une fois de plus que le Vlaams Belang est dans la poche de régimes extrêmes et dangereux », a déclaré le député Thijs Verbeurgt dans un communiqué.
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Le PS demande des mesures conservatoires
Le PS demande que des mesures conservatoires soient prises rapidement à l’égard du député Steven Creyelman (Vlaams Belang). « Nous demandons que des mesures conservatoires soient prises. En application du principe de précaution, nous estimons que M. Creyelman ne peut plus faire partie de ces deux commissions. Dans l’intervalle, nous demandons que plus aucune réunion de ces commissions n’aient lieu ou que des documents ne leur soient transmis tant que M. Creyelman en fait partie », a-t-on expliqué au groupe socialiste de la Chambre. Les écologistes se sont également émus de cette situation. Ils ont adressé un courrier à la présidente de la Chambre, Eliane Tillieux, afin de tirer cette situation au clair.
« Nous avons pris connaissances des faits via les médias. Nous avons demandé des informations complètes sur la situation. Si les faits sont avérés, le parlement entreprendra toutes les actions utiles pour veiller à son intégrité », a indiqué le cabinet de la présidente.