Immobilier : Liège-ville joue sur ses petits prix
Le bâti de la Cité ardente est bien plus abordable que celui d’autres grandes villes belges. Une aubaine pour les acquéreurs moins fortunés et les investisseurs.
Comme Bruxelles, Liège est une grande ville. Comme Bruxelles, aussi, elle compte une multitude de quartiers plus ou moins recherchés, et donc, plus ou moins valorisés. La comparaison s’arrête là. Car, à Liège, les raisons pour lesquelles un quartier sera plus prisé qu’un autre sont moins tranchées que dans la capitale. Il n’y a pas, ici, de véritable césure nord/sud, mais, peut-être, et pour certaines entités seulement, une forme de démarquage entre une moitié haute et une moitié basse de leur territoire. C’est, par exemple, le cas de la périphérie liégeoise – Grivegnée, Angleur, Thier-à-Liège… Mais cela tient plus au fait que, puisque Liège s’est développée au creux de la vallée de la Meuse, les quartiers limitrophes sont par essence accrochés aux flancs des collines entourant la ville. » Dans ces entités, dès que l’on s’élève un peu, le bâti devient plus aéré et… les prix montent, souligne le notaire Paul-Arthur Coëme, dont l’étude est située à Grivegnée. Plus on descend, au contraire, et plus l’immobilier stagne, voire perd un peu de sa valeur. Cela se joue à 100 mètres près. Il faut connaître les lieux pour bien acheter. »
Quant à la tendance à la gentrification, c’est-à-dire à la montée en valeur de certains quartiers anciennement délaissés grâce à l’intérêt de candidats acquéreurs plus aisés, plus jeunes, plus aventureux et moins rebutés par la perspective de grands travaux, elle se fait également moins sentir à Liège. Sans doute parce que, à l’inverse de Bruxelles, les différences de prix entre les quartiers sont moins importantes. Il n’y est pas question, ou plus rarement, de proportions passant du simple au double, voire au triple, mais plutôt de différences de tarifs se calculant en milliers ou, tout au plus, en dizaines de milliers d’euros. Ce qui ne veut pas dire pour autant que le phénomène ne se rencontre pas du tout à Liège, comme l’atteste l’exemple du quartier du Laveu. » Il y a une quinzaine d’années, une population de cadres moyens et d’intellectuels ont jeté leur dévolu sur le Laveu, se souvient Me Coëme. Ils y ont acheté en masse, ont rénové les biens et les prix sont partis en flèche. Aujourd’hui, le quartier est devenu un peu « bobo » et assez cher. » Soit de l’ordre de 200 000 euros pour une petite maison jointive, auxquels il faut souvent ajouter 30 000 à 40 000 euros de travaux de rafraîchissement et de remise au goût et aux normes du jour. » En cherchant bien, on peut encore dénicher une maison à 120 000 – 130 000 euros, tempère sa consoeur Aline Hugé, dont l’étude est située au centre-ville liégeois. Mais à ce prix-là, elle sera fort étriquée. » Et la notaire de glisser que, désormais, le » nouveau Laveu » est… Thier-à-Liège. » Les prix y sont très bas et c’est franchement le moment d’investir là-bas « , assure-t-elle.
Des prix bas qui ne peuvent que monter
Au rang des zones amenées à prendre de la valeur dans les années qui viennent, Paul-Arthur Coëme épingle aussi le nord de Liège, soit, de part et d’autre de la Meuse, l’ancienne commune de Bressoux, la plaine de Droixhe et le quartier Saint-Léonard. » Ils étaient à l’abandon jusqu’à ce que les autorités liégeoises décident récemment d’y mener de grands travaux, à commencer par les hautes tours de logements sociaux de Droixhe, toutes démolies. A l’issue du chantier, qui verra la construction de logements sociaux, mais aussi moyens, leur cote s’en trouvera certainement améliorée. » Et le notaire de souffler que lorsqu’on part de si bas – moins de 100 000 euros pour un appartement ou une petite maison à rénover -, cela ne peut de toute façon que monter… » Ce sont des quartiers qui ont de l’avenir, c’est certain. »
Les quartiers du Longdoz et des Guillemins figurent aussi dans la liste de Me Coëme, qui y relève des prix très bas également. Car ce n’est pas faute de bénéficier de sérieux moteurs : le centre commercial à succès de la Médiacité pour le premier, la gare de l’architecte espagnol Calatrava et le futur projet mixte (bureaux, logements…) Paradis Express, au pied de la tour des finances (tour Paradis), pour le second. » Le marché immobilier évolue un peu comme un paquebot, illustre le notaire. Il lui faut trois ou quatre ans pour atteindre sa vitesse de croisière, et pareil pour l’arrêter dans sa course. L’effet est toujours très lent. » En l’occurrence, il l’est tout spécialement puisque la Médiacité et la gare des Guillemins ont toutes deux été inaugurées en 2009. Huit ans après, donc, il est toujours possible de s’offrir des maisons bourgeoises du début du siècle dernier aux grands volumes et à belle hauteur sous plafond pour quelque 120 000 euros. » Elles sont habitables telles quelles, mais le niveau d’équipement est assez faible, met en garde Paul-Arthur Coëme. Il faut réinjecter au moins 100 000 euros de travaux pour leur rénovation si l’on veut bien faire les choses. Tout dépend évidemment des goûts et des moyens des acquéreurs. » Avec ceci, intervient Aline Hugé, que les environs de la Médiacité pèchent par un cruel manque de parking. » Les biens qui ne disposent pas de garage sont clairement désavantagés par rapport à d’autres. »
Public cible : les seniors
Quid du centre-ville de Liège à proprement parler ? Les maisons y sont rares, mais les appartements y sont de plus en plus demandés, tant sur le plan de la location que sur celui de l’acquisition, affirment les notaires liégeois. Et ce, surtout quand ils sont neufs. Mais, si la demande est bien présente, l’offre, elle, accuse un léger retard. » Non pas parce qu’il n’y a pas d’opportunités, défend Me Hugé, mais parce que les charges d’urbanisme sont très importantes et effraient plus d’un promoteur. » Comme d’autres communes, Liège a aussi besoin de faire rentrer de l’argent dans ses caisses. D’ailleurs, poursuit la notaire, il arrive souvent que de grands terrains soient disponibles mais ne trouvent pas acquéreur. » Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que pas mal de projets en cours ou à venir sur Liège soient portés – financièrement à tout le moins – par des sociétés flamandes. Ce sont elles qui disposent des ressources nécessaires. » Aline Hugé cite entre autres un projet près de la cathédrale Saint-Paul et un autre, quai de la Batte. Le premier, baptisé Cathédrale, table sur la construction de 44 appartements assortis de vastes terrasses (du studio au 3-chambres, de 135 000 à 380 000 euros) dont la commercialisation débutera le mois prochain. Le chantier est en cours, qui sera livré dès septembre 2018. » Ce type de promotion vise bien entendu les candidats à l’investissement, mais aussi les seniors, qui se défont de leur grande villa en périphérie liégeoise pour acquérir un appartement confortable en ville, proche des commodités et des services. »
Raison pour laquelle, dans le centre-ville toujours, les quais de Meuse sont assez courus, car particulièrement appréciés des retraités. Du moins, pour autant que les appartements allient la vue et l’espace. » Il faut faire la part des choses entre ceux qui peuplent le boulevard Frère Orban et les environs des Terrasses, par exemple, de très haut standing et qui s’étendent sur 150 à 200 mètres carrés, et les autres, plus petits – 90 à 100 mètres carrés – et moins bien cotés « , précise Me Hugé. Ce qui ne veut pas dire que ces distinctions sont figées. Ainsi du quai de Rome, une ancienne voie rapide dont le réaménagement, voici deux ans, en une voie de circulation lente doublée d’une promenade récréative le long de l’eau a réveillé l’attrait et l’attention. Un projet d’aménagement similaire ciblera d’ailleurs prochainement le quai Marcellis.
Des quartiers qui plafonnent
Les notaires liégeois se font l’écho d’un phénomène nouveau : l’achat « Zalando ». Où prime la volonté des candidats acquéreurs de s’offrir un bien – maison ou appartement – rapidement et sans tracas. C’est-à-dire sans travaux de rénovation ou de remise aux normes bien sûr, mais aussi sans décision à prendre en matière d’aménagement : choix des revêtements de sol, des équipements sanitaires, du mobilier de cuisine… « Cela vaut pour le neuf, avec le succès que l’on imagine pour le clé sur porte, mais aussi pour l’ancien, remarque Renaud Grégoire, notaire à Wanze. De plus en plus, les gens se tournent vers des biens déjà entièrement rénovés et habitables en l’état, dans lesquels ils n’ont plus qu’à poser leurs valises. » Une aubaine pour les investisseurs, qui s’empressent de mettre pareils biens sur le marché, économies d’échelle dans les travaux d’aménagement et coquette plus-value à la clé.
Avec ceci que le danger de cette nouvelle donne est de « faire perdre aux acquéreurs la notion de réalité économique, déplore Me Grégoire. L’achat immobilier s’opère tellement vite qu’il arrive souvent qu’il n’aboutisse pas. Difficile de digérer l’implication de pareille décision quand elle est prise presque sur un coup de tête. On voit même des couples se séparer entre la signature du compromis et celle de l’acte de vente. »
A l’inverse, certains quartiers liégeois montrent des signes d’essoufflement. » Ceux-là semblent être arrivés au maximum de leurs possibilités « , acquiesce Paul-Arthur Coëme. Qui évoque le très prisé quartier du Botanique, du nom du jardin voisin, dont les biens s’échangent à partir de 300 000 – 350 000 euros et même jusqu’à 500 000 euros pour certaines propriétés d’exception. Idem du quartier des Vennes, d’après la rue éponyme, qui concentre, avec les artères voisines de l’avenue du Luxembourg et du boulevard Emile de Laveleye, moult belles maisons bourgeoises reconditionnées. » Les candidats acquéreurs intéressés par ces situations ne sont pas des investisseurs, mais plutôt de futurs propriétaires occupants, voire des promoteurs amateurs de démolition- reconstruction et désireux d’y élever des immeubles à appartements de standing « , décrit le notaire.
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