Immobilier : Liège veut aussi gratter le ciel
La Cité ardente et ses environs comptent plus de tours sur papier que sur le terrain. Mais la volonté affichée à la concrétisation de ces projets démontre que le mouvement vers le ciel est véritablement amorcé. Au grand dam, parfois, des citoyens et de certains observateurs.
Il y a deux ans, la délégation liégeoise au Mipim, le Marché international des professionnels de l’immobilier, avait fait le déplacement à Cannes en emportant dans ses valises un projet de tour qui avait fait grand bruit. Et pour cause, ses instigateurs, le développeur Thomas&Piron et Serge Barvaux, propriétaire du site du garage éponyme, avaient annoncé sur place et avec beaucoup de fierté qu’elle serait dessinée par l’architecte néerlandais internationalement reconnu Rem Koolhaas, du bureau OMA.
A la mi-mars dernier, les Liégeois ont fait mieux encore, s’armant de non pas un, ni deux, mais… de trois projets de tours pour s’en aller parader sur la Croisette. Deux d’entre elles, prévues à Liège-Ville et à Visé, sont signées par le même architecte – liégeois cette fois – Luc Spits. Le maître d’oeuvre de la troisième, destinée à marquer l’entrée de ville de Seraing et commanditée par ses autorités, n’a pas encore été désigné. Mais l’esquisse présentée au public est on ne peut plus… avant-gardiste. » Je souhaite un geste architectural fort pour ma commune, quelque chose qui « claque », qui lui donne un cachet, confiait Alain Mathot, bourgmestre PS de Seraing. Pas question de construire une « bête » tour, pas plus que de se lancer dans une course à la hauteur. Le projet peut aussi se transformer en deux tours jumelles de taille raisonnable, pour peu qu’elles soient esthétiquement remarquables. »
De son côté, le Visétois Luc Spits, qui non seulement dessine, mais porte aussi ses deux projets de tours, s’est montré plus offensif encore. » L’idée était de venir au Mipim avec des projets qui marquent. De bousculer les esprits pour parvenir à donner un signal fort et, in fine, donner à Liège l’image d’une ville contemporaine. » Et d’assurer dans la foulée que, » dans dix ans, plus personne ne s’opposera aux tours en Cité ardente ! »
Trois tours et puis s’en vont
Reste qu’elles sont loin de faire l’unanimité aujourd’hui et que peu de projets ont abouti jusqu’ici. Certes, la tour des Finances (118 mètres) s’élance depuis 2014 au bout de l’esplanade de la gare des Guillemins et quelques » tourettes » (Atlas, Kennedy, Simenon…) complètent la skyline liégeoise, du haut de leurs 70 à 80 mètres et, surtout, de leurs quelque 50 ans. Mais… c’est tout. Car la future tour Barvaux – 100 000 mètres carrés comprenant des logements (300 à 400), un hôtel, sans doute une clinique privée et le nouveau show-room Mercedes-Benz pour un investissement total de 300 millions d’euros – est toujours aux abonnés absents. » Le projet est actuellement au point mort, reconnaît Aubry Lefebvre, administrateur de Thomas&Piron Bâtiment. Les négociations que nous menons avec Serge Barvaux pour définir la valeur du terrain compte tenu des études à mener, de l’aménagement des voiries et des charges d’urbanisme, n’ont pas abouti sur un accord. C’est que tout cela a un coût, qu’il faut calculer au plus serré. Hors de question, en effet, de le répercuter sur les acquéreurs, dont le budget n’est pas extensible. Nous ne pouvons pas nous permettre de dépasser un prix de vente de 3 500 euros du mètre carré, ce qui n’est déjà pas donné à Liège. »
Même (haute) gamme de prix annoncée par Luc Spits pour sa tour liégeoise, qu’il a nommée Sky Peak – 2 800 à 3 500 euros le mètre carré pour les étages inférieurs, 4 500 à 5 000 pour les supérieurs. Ce qui n’est pas peu dire, puisque la tour comptera 29 étages, pour 120 mètres de haut (156 à la pointe) et une surface de plancher de 80 000 à 130 000 mètres carrés abritant une centaine d’appartements, une vingtaine de commerces, des bureaux, une salle de sport et un restaurant panoramique. Au Mipim, où la tour était présentée sous forme de maquette, elle attirait assurément tous les regards, toute de vert et de verre vêtue, angulaire et s’élançant en pointe vers le ciel. Même Alain Juppé, le maire de Bordeaux, s’est attardé pour la contempler lors de sa visite au stand belge cannois.
Cela dit, la localisation de Sky Peak n’est pas encore connue. » Dans les dessins et la maquette, je l’ai provisoirement placée sur l’emblématique pointe du parc de La Boverie, mais il s’agit d’une mise en situation fictive, explique Luc Spits. J’ai trouvé le terrain parfait, d’une superficie de 20 000 mètres carrés, à un emplacement judicieux, mais je suis toujours en pourparlers avec son propriétaire et je ne veux rien dire de peur qu’il me passe sous le nez. » Il en a en tout cas dit assez lors de son passage au Mipim pour retenir l’attention de deux investisseurs belges. Budget ? De l’ordre de 150 à 200 millions d’euros, terrain compris.
Pas le seul apanage du centre-ville
Alain Mathot a lui aussi été sollicité à Cannes par trois investisseurs, deux Belges et un étranger. La tour de Seraing – qui est en réalité la tour de Jemeppe, puisque c’est sur cette entité sérésienne qu’elle s’implantera, aux portes de la ville – viendra remplacer deux tours existantes des années 1970, vétustes et vouées à la démolition. Le cahier des charges – flexible, aux dires du bourgmestre – prévoit une tour d’une trentaine d’étages dont les trois premiers seront occupés par la police (4 500 mètres carrés). Le reste fera la part belle aux logements (une centaine, sur 10 800 mètres carrés). » La commune est prête à assumer une partie de l’investissement, via L’Immobilière publique « , assure Alain Mathot. L’intercommunale de Seraing bénéficie en effet d’un concept de financement » bullet » lui permettant d’investir sans trop de difficulté dans du logement public. Un filet de sécurité qui n’a certainement pas échappé aux privés intéressés par le marché.
Enfin, la tour de Visé se profile elle aussi en entrée de ville, sur un terrain d’ores et déjà acquis cette fois, non loin de la collégiale. C’est d’ailleurs celle-ci qui a inspiré l’architecte puisque sa tour – baptisée Le Vitrail – s’enfuit vers le ciel en pointe, telle un clocher. Autrement plus modeste – en taille (30 mètres) du moins, pas en architecture – elle abritera aussi bien des bureaux (250 mètres carrés) que des appartements (une dizaine, sur 1 500 à 1 600 mètres carrés). » J’ai déjà convaincu un investisseur, une entreprise d’Aubel, et je vais la présenter au collège communal dans les semaines à venir. Si tout se passe bien, je pourrai déposer une demande de permis d’ici un an « , conclut Luc Spits.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici