Immobilier: 2020, l’année imprévisible
Malgré la crise sanitaire qui a confiné tant les agents immobiliers que leurs clients vendeurs et acquéreurs, l’année 2020 s’est démarquée par des hausses de prix pour le moins déconcertantes.
Les professionnels du marché immobilier belge ont craint le pire pour 2020. Il faut dire qu’entre les deux mois d’arrêt brutal du premier confinement (18 mars – 11 mai) et l’interdiction des visites immobilières qui a plombé le second (dès le 2 novembre), le tableau n’augurait rien de bon. Et pourtant…
La loi du marché
Certes, l’activité immobilière affiche un bilan en demi-teinte, détaillent les notaires du pays dans leur analyse de l’année écoulée: – 4,2% de transactions enregistrées en Flandre par rapport à 2019, – 4,8% à Bruxelles. La Wallonie se démarque, elle, par une belle stabilité: + 0,8%.
Mais que dire des prix… « Il s’agit des plus fortes croissances de ces cinq dernières années« , indiquent les notaires dans leur rapport en commentant les hausses observées dans les trois Régions. Le prix médian d’une maison a gonflé de 5,1% en Flandre à 280 000 euros, de 7,3% à Bruxelles à 440 000 euros et de 5,4% en Wallonie à 181 000 euros. Du jamais-vu. Pareil pour les appartements: + 6,9% au nord du pays à 220 000 euros (prix médian), + 8,7% au centre à 242 500 euros et + 6,1% au sud à 175 000 euros. « L’augmentation pour les appartements est encore plus élevée que pour les maisons. »
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Un retournement spectaculaire. Presque indécent en ces temps de crise, alors que beaucoup sont au chômage économique, vivotent avec de maigres aides, perdent leur emploi. La raison est toute simple, c’est la loi du marché, celle de l’offre et de la demande. « Il y a eu moins de biens mis en vente en 2020« , atteste le notaire Renaud Grégoire, porte-parole de la Fédération royale du notariat belge (Fednot). Beaucoup de vendeurs ont reporté leur projet en attendant des jours meilleurs. Ils ont pris peur à l’idée de devoir ouvrir leur porte et ont préféré attendre le vaccin pour plus de sécurité. « A l’inverse, les candidats acquéreurs, eux, se sont bousculés au portillon« , argue Me Grégoire. Peut-être parce qu’ils avaient le nez sur leur intérieur en permanence, vu le confinement, et qu’ils s’y sont sentis mal logés. A l’étroit. Peut-être parce qu’ils ont ressenti le manque d’un espace extérieur. Ou qu’ils ont eu envie de se mettre au vert, de quitter la cohue de la ville.
Des agences au top
Toujours est-il qu’à offre rare et demande pressante, les prix sont montés en flèche. Et qu’à leur grande surprise, tout comme les magasins de bricolage et d’aménagement intérieur qui ont été pris d’assaut, les agences immobilières ont signé une de leurs meilleures années. « Alors qu’elle semblait mal embouchée, 2020 s’est révélée très profitable pour les agences immobilières, acquiesce Renaud Grégoire. Avant, l’offre était au diapason de la demande, voire la supplantait. Il y avait une quantité de biens sur le marché et il fallait trois, quatre, cinq mois parfois pour les vendre. En 2020, la moyenne est tombée à… un mois. Même pas. Les agences ont d’abord écoulé les fonds de portefeuille et les biens qui traînaient. Puis tout nouveau bien rentré est parti aussi vite. »
Par ailleurs, glisse le notaire, le ressenti des agences immobilières et leur beau chiffre d’affaires est aussi à imputer à une certaine économie de moyens. « Elles ont eu moins de frais de personnel puisque les visites n’ont plus été possibles durant une grande partie de l’année. Et puis, les biens se vendaient tellement vite qu’en matière de rendement, la gestion des dossiers s’en est trouvée facilitée et plus lucrative. Pas de biens qui s’éternisent, pas de dizaines de visites à encadrer, pas de publicité ou presque, etc. L’escalade des prix a fait le reste, où l’on a vu des acheteurs se disputer des biens à coup d’offres de plus en plus hautes. Résultat, le bilan de l’année est plus que bon, malgré le fait que 2020 pèche par deux mois et demi, voire trois mois sans activité. »
Le haut de gamme, grand gagnant
Il est intéressant de constater que c’est surtout sur le segment des biens haut de gamme que l’année 2020 brille par des hausses de prix importantes. « Nous avons divisé les ventes en trois selon leur prix, et c’est clairement dans le tiers où les biens sont les plus chers que les augmentations sont les plus fortes, relève le notaire Renaud Grégoire. Et c’est reparti en 2021, qui sera aussi une très belle année pour le haut de gamme. Pour preuve, les agences n’ont plus rien à vendre et pleurent après de nouveaux mandats. »
« Personnellement, on a fait notre meilleure année en 2020, malgré le confinement », confirme Jean Houtart, patron de l’agence immobilière Les Viviers, qui compte quatre bureaux à Bruxelles, Mont-Saint-Guibert, Namur et Rochefort et se spécialise dans les propriétés de caractère. « Il y a eu moins de biens à vendre sur le marché parce que les propriétaires se regardaient un peu en chiens de faïence. D’autant qu’au vu du climat économique et de l’épargne qui ne rapporte rien, ils ne savaient pas très bien que faire de leurs sous une fois la maison vendue. On a donc encadré moins de transactions, mais à des prix globalement plus élevés. »
Je pousse les vendeurs qui reportent leur projet à la fin de l’année à profiter de la bonne conjoncture et à vendre maintenant.
Son confrère David Chicard, actif dans le haut de gamme tirant vers le superluxe puisqu’il dirige le département immobilier de la célèbre maison de ventes Sotheby’s en Belgique (trois bureaux à Bruxelles, Anvers et Lasne) évoque une année « exceptionnelle ». Mais pointe une hausse inédite de… 40% des ventes et une baisse des taux de négociations. « Dans notre secteur, ce n’est pas tant le prix des maisons qui a augmenté que les offres. Et ce, dans le sens où le prix demandé est beaucoup moins discuté. Alors qu’avant la Covid, les tractations faisaient baisser le prix des biens de 10 à 15%, en 2020 on était plutôt sous la barre des 5%. »Raison pour laquelle tant Jean Houtart que David Chicard exhortent leurs clients vendeurs à tirer parti d’un marché orienté en leur faveur. « Je pousse les vendeurs qui reportent leur projet à la fin de l’année à profiter de la bonne conjoncture et à vendre maintenant. Ils obtiendront un prix intéressant », souligne le directeur de Sotheby’s International Realty Belgium. Bien sûr, admet-il, celui qui vend devra acheter par ailleurs. « Mais j’encourage ceux qui ont un projet de vie en tête, et non pas tant un projet spéculatif, à se hâter. »
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