Ludo De Brabander
« Il y a beaucoup de parallèles entre les bombardements russes et américains en Syrie »
Le président américain Barack Obama, également prix Nobel de la Paix, déclare que les bombardements russes en Syrie sont un » les ingrédients d’un futur désastre », juste au moment où l’on annonce de nombreux morts civils dans le bombardement d’un hôpital de MSF à Kunduz, par les forces aériennes américaines.
Cela ressemble à un concours de circonstances cynique, mais ce n’en est pas un. Dans le fond, il n’y a pas de différence entre un bombardement américain ou russe, ni même dans les intentions puisque les forces étrangères qui interviennent militairement dans un pays se moquent généralement du bien-être ou des soucis de la population locale. Sinon, il ne serait pas très difficile de remplir un fonds européen pour l’accueil de réfugiés de guerre dans la région. Rappelez-vous aussi que l’hiver passé, les Nations Unies ont dû tirer la sonnette d’alarme parce qu’elles n’avaient plus de fonds pour aider 1,4 million de réfugiés syriens à passer l’hiver.
« Une nouvelle terrible »
Le budget des Nations Unies représentait 4 mois de déploiement d’avions de combat belges au-dessus de l’Irak dans la lutte contre Daech. En d’autres termes, la Belgique aurait pu assister les réfugiés syriens à elle seule. Mais ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent dans un monde où les intérêts (les nôtres ou ceux de nos alliés) priment.
L’attaque contre un hôpital afghan survient quelques jours après une attaque menée par l’Arabie saoudite contre une noce au Yémen où plus de 130 personnes ont été tuées. Il a fallu quelques jours pour que les États-Unis réagissent à la « terrible nouvelle », comme s’il s’agissait d’une catastrophe naturelle et non d’une conséquence logique d’une campagne de guerre brutale qui prend les civils comme cibles depuis des mois et fait des milliers de morts.
Les Saoudiens bénéficient d’un soutien américain complet (et d’armes) dans ce conflit sanglant. Le ministre des Affaires étrangères saoudien a confirmé que « nous et nos alliés, y compris les États-Unis, travaillons ensemble à ces objectifs ». Les Américains ont à peine critiqué le blocus maritime installé par les Saoudiens autour du Yémen bien qu’il provoque une famine énorme au Yémen.
Si les États-Unis veulent faire croire que u0022leursu0022 guerres ou celles de leurs alliés sont les u0022bonnesu0022 guerres, nécessaires à la paix et à la stabilité, cette image a été sérieusement ébranlée
Si les États-Unis veulent faire croire que « leurs » guerres ou celles de leurs alliés sont les « bonnes » guerres, nécessaires à la paix et à la stabilité, cette image a été sérieusement ébranlée. Pas seulement parce qu’il y a eu des victimes civiles, mais aussi suite aux parallèles avec les bombardements russes « condamnés » en Syrie. Cependant, les années de propagande de guerre et de complicité des médias à propos de l’Afghanistan font de l’effet. Les Russes redeviendront rapidement le grand ennemi menaçant, dirigés par un Machiavel dénué de scrupules et insensible aux victimes civiles.
Pour cette raison, vous n’entendrez pas facilement les ténors politiques occidentaux parler de « l’enlisement » des Américains en Afghanistan, comme Obama a décrit les conséquences possibles de l’intervention russe en Syrie. Pourtant, d’après un rapport du Congrès américain, les États-Unis ont gaspillé 687 milliards de dollars à ce conflit interminable avec 0,0 résultat. Les talibans sont toujours une force militaire redoutable et sur le plan socio-économique, le pays est à terre avec les trois quarts de la population qui vit sous le seuil de pauvreté.
Cadre de bombardements
Il ne s’agit pas seulement du culot du président américain de qualifier les actions russes d’irresponsables parce qu’elles tombent en dehors de son « cadre de bombardements ». Il s’agit aussi de l’incapacité partielle d’une partie importante des médias de se montrer critiques à l’égard de leur propre politique étrangère et de sécurité. Les États-Unis, à la tête d’une coalition internationale, sont occupés depuis des mois à bombarder des positions de Daech, mais aussi d’autres groupes radicaux en Syrie et en Irak. Ils sont très peu critiqués, comme cela été le cas lors des déclarations euphoriques à propos de l’Afghanistan ou tout a lieu comme « prévu » et où le pays aurait beaucoup progressé. Il suffit de consulter les chiffres d’Unicef sur le travail des enfants ou la mortalité énorme de mères et d’enfants pour voir que cette guerre terriblement chère (notre pays y a consacré environ 600 millions d’euros) est un fiasco complet.
Atteinte au budget belge
Et c’est ainsi que, pour retourner en Belgique, on persuade facilement les gens qu’il faut investir dans notre appareil militaire afin de prendre « notre responsabilité à l’égard de nos partenaires de l’OTAN ». À en croire plusieurs communiqués, notre ministre de la Défense souhaite à terme alourdir le budget de la Défense de quelques milliards d’euros même s’il s’agit d’une véritable atteinte au Budget.
Ces milliards sont nécessaires pour acheter les avions de combat hors de prix qui à l’avenir doivent participer à des missions militaires en Afghanistan, en Libye et en Irak. Il n’y a pas d’évaluations fondamentales et critiques de ces opérations. L’establishment politique et militaire n’aimera pas vous raconter qu’il a contribué à la déstabilisation et au chaos dans les pays concernés.
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